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EAN : 9782370551863
205 pages
Le Tripode (03/01/2019)
3.94/5   9 notes
Résumé :
Un homme est envoyé à Ouest : un parc d’attractions d’un genre nouveau censé lui procurer du travail après une période de formation in situ. Mais il ne se doute pas du destin qui sera le sien dans ce territoire crayeux perdu au milieu de nulle part...

Avec son premier roman, Thierry Decottignies nous fait partager les sensations d’un homme esseulé qui, jeté dans un univers où règne la folie et l’oppression, perd progressivement tous ses repères. Les m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Voilà un premier roman à la fois virtuose, étrange et lancinant comme un cauchemar. Ils sont quelques-uns et des milliers sûrement à se retrouver à Ouest, humains à coup sûr même si à la lisière de l'humanité et de la dépersonnalisation, parmi eux on suivra plus particulièrement Blesse, Percien, Vassili, Ouespe, l'Évanouie ou l'Employé, « C'était notre équipe » nous instruit le narrateur au nom inconnu. Une équipe parmi d'autres, formée par le hasard dans cet univers crayeux et pierreux, aride et méchamment onirique, dans lequel ils survivront sous les ordres d'un instructeur, accompagnés d'une bande sonore à la musique entêtante ou ce qui s'y apparente, à faire la gymnastique et l'exercice, creuser des trous, boire de la vodka ou prendre des amphétamines, activités au relent d'absurdité, on pense à Kafka et plein d'autres choses. Univers concentrationnaire (concentrionnaire même d'après la quatrième de couv'), sas d'asile ou simplement mauvais rêve ? Les trois peut-être bien, ou aucun. On se demande aussi ce que le narrateur est venu faire là, de son plein gré qui plus est apparemment après avoir rempli « tous les dossiers, passé une visite médicale, couru de bureau en bureau, à Zurich, avec d'interminables attentes, examens, entretiens. On m'avait finalement estimé apte et j'étais parti. ». Il évoque l'ambition de devenir policier par formation, et pouvoir ainsi lapider sans raison devant les visiteurs du parc. Il évoque aussi son passé sous forme de rêves qui se confondent à sa réalité sableuse et incertaine, parsemée de frelons ou de cloportes. Au final le flou domine sur le fonctionnement de cette société, composée justement de flous (sortes de spectres errants que l'on voit sans les voir vraiment), et de permanents aussi, ou de vifs. Les personnages n'y prennent pas d'épaisseur romanesque, juste quelques ébauches psychologiques pour les distinguer comme Blesse et sa violence supposée, ils perdent leur identité et le lecteur son empathie dans la foulée hésitante.
Un lecteur susceptible d'être subjugué par ce texte de haut vol, à l'apparence facile mais à la réalité d'une prose qui colle à la semelle, où on y est souvent pris à rebours, victime d'un croche-patte ou d'un enlisement ou d'un mauvais virage, obligé souvent de s'y recoller pour continuer à avancer. À l'image de l'univers qu'il dépeint donc.

« Il devint de plus en plus difficile de distinguer ce qui venait d'où ou de qui ou de quoi, et peu à peu tout se mêla, rejoignit la musique de la bande en une immense et continue variation des vibrations de l'air. »
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Spectaculaire cauchemar concentrationnaire, hallucination crayeuse affamée, insomnieuse et intérieure, La fiction Ouest se révèle, dans des phrases piégeuses et captivantes, un parc d'attraction sans issu ni initiation. D'une réussite formelle à la perfection entêtante, ce premier roman de Thierry Decottignies happe son lecteur dans un univers onirique d'où, par bribes éparses, dépersonnalisées et itératives, se dégagent une réflexion sur la fixation du langage, l'hypnose de sa musique et les temps changeants qu'elle ouvre.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Entrez dans la fiction Ouest, à vos joyeux risques et périls, et découvrez en cahotant dans l'ellipse cet inimaginable bien particulier.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2019/01/28/note-de-lecture-la-fiction-ouest-thierry-decottignies/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
J’ai parlé des gens un peu transparents et paumés que j’avais vus le premier matin en traversant le parc avec Percien, les hommes et femmes à l’air absent qui zonaient sans croiser les regards et rien faire de particulier, avec des chicots dans la bouche et maigres souvent, et lents dans les mouvements à cause d’être abîmés. C’était les flous du parc. On les appelait comme ça, mes camarades les appelaient comme ça. Ça venait je crois de l’impression qu’ils donnaient pareils à des spectres glissant sur l’opacité du monde. Les permanents les ignoraient la plupart du temps. En bas s’ils avaient des sales gueules ce n’était encore rien en comparaison des gueules qu’ils avaient en haut sur le plateau de l’exercice. Ils étaient pires là-haut, près des baraques qui étaient leurs maisons, avec des pieds qu’on aurait pu croire décollés du sol dans leur chétivité et alanguis souvent dans la craie et très gris avec la crasse. On ne s’en occupait pas, les camarades étaient habitués et je fis pareil. Je finis par ne plus trop les voir sauf quand ils gênaient dans l’exercice, s’étant couchés en plein milieu d’un trajet par exemple, et alors il fallait se lever et les pousser, les faire s’en aller. Quand ils ne réagissaient pas il fallait les porter, lourds comme des pierres, les éloigner et puis se recoucher pour ramper. Plus tard il me sembla que certains d’entre eux faisaient semblant dans l’épuisement mais je n’en eus jamais la certitude. Il y avait des degrés, des hommes et des femmes plus démolis que d’autres. De temps en temps des policiers d’en bas montaient et circulaient parmi ces égarés et ils en choisissaient une dizaine qu’ils emmenaient avec eux en les poussant doucement dans la pente. Je ne sus qu’un peu plus tard quel était leur destin, pourquoi on les enlevait ainsi à leur tranquillité de moribonds, pourquoi aussi ils prenaient les plus ingambes.
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On trouva Esse un jour pendu à sa ceinture dans la petite pièce qui nous servait de chiottes dans la baraque mais pas mort. Il s’était pendu ivre assis par terre accroché à un clou au-dessus de sa tête, et il s’était endormi ou évanoui comme ça. Il garda la marque pas mal de temps autour du cou à cause de l’invisibilité. Je veux dire qu’il s’était pendu à cause de l’habitude qu’il avait de croire que personne ne le voyait quand en réalité on le voyait parfaitement et ça le rendait mélancolique et silencieux. Pour tout dire je m’ennuyais sec avec lui dans le travail car il était mon collègue dans les maisons d’hôtes près des nids de frelons. Mais le parc lui fit du bien finalement dans un sens, et dans un sens seulement, dans le sens qu’il devint plus opaque malgré la transparence qui nous gagna tous peu à peu.
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On se cravachait. Les choses sont un peu floues. On avait bu de la vodka après le travail, après le repas du soir, dans la chambre, et quelqu’un avait sorti une longue baguette de cuir, peut-être moi. On s’était mis à se fouetter, à se battre, à tour de rôle victime entre les lits en continuant à boire de la vodka en se passant la baguette. Je parle des garçons seulement, nous étions dans la chambre des garçons. Les cris devaient s’entendre dans tout le parc, réveiller les chats, les chevaux, les familles, tous les policiers, les camarades. Les filles étaient dans leur chambre et elles ne se cravachaient probablement pas, elles étaient au lit avec un livre, ou autour d’un feu quelque part à siroter une bière et parler de leur vie de chez elles, d’avant le parc. Ou alors déjà elles dormaient. Il ne devait pas être si tard que ça mais l’exercice nous tuait. Le matin très tôt nous partions tous ensemble à la gymnastique et puis au travail chacun dans ses corvées de cueillette ou de nettoyage, de maçonnerie, de cuisine, puis à l’exercice.
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Il faut écouter la bande car c'est elle qui est le destin de Ouest, le destin de tous. Elle est le livre de la vie de Ouest. Il faut la lire. Il faut lire le livre qu'est la bande : concrètement, comme on lit quelque chose qui est là, car elle est là. Les choses ne sont pas autre chose que ce qu'elles sont. Il faut voir leur être qui est là.
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Le temps n'était plus que le récipient où nous étions broyés vifs.
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Video de Thierry Decottignies (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thierry Decottignies
En ce début d'année sont parues les traductions de Caisse 19 de Claire-Louise Bennett et Assemblage de Natasha Brown, deux autrices britanniques dont les romans se sont imposés outre-Manche comme des révélations. Il s'agit là de deux livres singuliers, à l'écriture puissante, déployant chacun une grande originalité formelle et narrative. C'est aussi l'acuité de leur regard qui autorise le rapprochement, quant à ce que ces textes disent de l'expérience d'être une femme dans un monde patriarcal – et une femme noire dans le cas d'Assemblage – et quant à la relation de leurs narratrices au monde du travail. Caisse 19 et Assemblage peuvent en outre être lus comme les récits d'une révolution personnelle, laquelle en passe par la littérature.
Claire-Louise Bennett est une écrivaine britannique, elle vit en Irlande depuis une vingtaine d'années. En l'espace de deux livres, L'Étang (trad. Thierry Decottignies, L'Olivier, 2018) et Caisse 19, elle est devenue l'une des figures de proue de la nouvelle littérature outre-Manche, au même titre que Sally Rooney ou Nicole Flattery, entre autres.
Natasha Brown a suivi des études de mathématiques à Cambridge University, puis travaillé une dizaine d'années dans le secteur bancaire. Son premier roman, Assemblage, a été encensé par la critique et les libraires du Royaume-Uni, et traduit dans le monde entier. Elle est considérée comme l'un des grands espoirs des lettres britanniques.
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