Lorsque la princesse bactrienne Roxane entre dans la vie d'Alexandre le Macédonien, et donc lorsque débute le roman, les batailles du Granique, d'Issos et de Gaugamèles ont déjà eu lieu ; l'Asie Mineure et la Phénicie sont conquises ; Alexandre a été proclamé Pharaon d'Égypte et a fait son entrée triomphale dans Babylone. Autrement dit, les événements les plus glorieux de l'épopée appartiennent déjà au passé, tout ce qui suit ne sera que difficultés, déceptions et trahisons : ainsi la pénible "pacification" de l'Asie centrale, le retour contraint après avoir atteint l'Indus, la dramatique traversée du désert de Gédrosie... La mort à Babylone, enfin, pour le Conquérant qui laisse derrière lui un empire voué à l'implosion, mais aussi une veuve et un fils posthume condamnés à être les victimes innocentes des guerres de succession...
Après un début entaché d'une grossière erreur qui fait craindre le pire pour la suite (comment Cyrus, mort en -530, aurait-il pu détruire en -480 l'Érechthéion bâti vers -400 ?), le roman se révèle historiquement sérieux. D'un point de vue littéraire et narratif, le choix d'un style direct constitué de phrases courtes, couplé à un découpage en scènes rapides dépassant rarement une page, peut d'abord laisser dubitatif. Pourtant cela fonctionne, d'autant que l'écriture est soignée, ce qui est loin de couler de source dans ce genre de roman historique grand public. Sur 250 pages, on ne s'attendra pas à ce que les situations soient approfondies, mais au moins a-t-on un bon survol de ce que furent les dernières années d'Alexandre, vues à travers le regard de son épouse "barbare".
Ainsi que le rappelle l'auteur en introduction, on en sait très peu sur Roxane, sa biographie tenant en quelques lignes. On peut regretter que Joséphine Dedet n'aie pas profité de ces zones d'ombre, qu'elle n'aie pas osé inventer davantage, de manière à offrir à son héroïne d'autres perspectives que celle de simple spectatrice. Sa relation pour le moins ambiguë avec Héphestion, si elle ne m'a pas spécialement convaincu, va dans le sens de ce qu'aurait pu être une Roxane un peu moins sagement cantonnée au rôle attendu. Mais si ce personnage est intéressant, c'est avant tout parce qu'il symbolise la plus grande réussite d'Alexandre : l'épopée guerrière a eu pour principal mérite de faire se rencontrer des civilisations que tout semblait opposer. En épousant le maître de la Grèce, Roxane l'orientale s'hellénise, tandis que les Grecs, au contact des Perses qu'ils sont venus soumettre, changent leur manière d'être. Cet aspect est plutôt bien rendu dans le roman, même s'il aurait sans doute gagné à être davantage exploité.
Au final on a là un roman historique grand public de bonne facture, qui certes n'atteint pas des sommets, qui certes n'apprendra pas grand-chose et ne surprendra guère quiconque connaît bien l'histoire d'Alexandre, mais qui mérite assurément mieux que ses trois lecteurs actuels sur Babelio...
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Fille du satrape de Bactriane.
Captive puis épouse du maître de l'Asie Mineure.
Adolescente de 17 ans d'une telle beauté qu'Alexandre s'abandonnera à elle par son coeur et son âme.
Assassinée avec son fils, douze ans plus tard.
Alexandre meurt, son royaume et son empire avec lui.
Découverte d'un parcours de vie hors du temps, celui d'hommes guerriers sans regards sur l'âme humaine et ses tréfonds.
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À l'entrée du palais, ce sont désormais des Perses qui montent la garde, et je ne peux m'empêcher d'éprouver de la fierté devant une telle preuve de confiance. N'est-ce pas là la victoire, tardive et inattendue, remportée sur les Macédoniens par les peuples de l'Empire ? De nombreux Hellènes se sont plu sur nos terres, s'y sont établis, ont épousé nos femmes et fondé des familles. Certains, déjà, parlent notre langue comme nous avons appris la leur. Et les autres, ceux qui s'apprêtent à regagner l'Occident ont, malgré eux et en dépit de ce qu'ils prétendent, été influencés par nous. Éblouis par Babylone et les cités impériales, impressionnés par nos trésors, attirés par notre mode de vie, par la grâce des femmes, la noblesse des chevaux. D'ici, quoiqu'ils s'en défendent, ils repartiront changés. Ils ne pourront jamais plus occulter ces années de gloire et d'épreuves durant lesquelles ils se sont sentis réellement exister. L'Orient a gagné cette bataille d'usure, englouti dans son immensité l'invasion des conquérants.
De ce monde indéchiffrable, je préférais seulement deviner la beauté.
Ils devinrent la proie des chiens et des oiseaux, "les seuls fossoyeurs qu'elle méritait", comme se plaisait à répéter Cassandre.