Ce livre m'est tombé fortuitement entre les mains au cours du « désherbage » annuel des collections de la bibliothèque associative où je suis bénévole.
Pourquoi pas ! me dis-je naïvement, déphasée par un absurde et inutile énième confinement et appâtée par la constellation babeliote qui éclairait les qualités littéraires de ce roman.
Ayant fort apprécié
Libertango du même auteur, Las ! je me suis vite rendu compte, dès les premières pages, que
la Grand-mère de Jade ne serait pas à la même hauteur, ni de vue, ni d'écriture. Il est vrai que plus de dix ans séparent les deux romans, le temps de maturer sans doute.
Donc Mamoune….qui n'a rien d'une Tatie Danielle, atrabilaire, revancharde, méchante comme une teigne, avare et moche à souhait, est la super mamie par excellence qu'on ne peut et ne doit absolument pas abandonner à sa triste solitude d'octogénaire.
Qu'on en juge : Mamoune sent la rose et la violette, parle avec une égale douceur de tout et de rien, est capable de guérir dans le quart d'heure une dépression post partum par le seul pouvoir d'un murmure à l'oreille de la jeune maman dépassée par les événements.
Mais ce n'est pas tout.
Mamoune, projetée tout droit de sa Savoie natale en plein coeur de la Capitale, se lie d'amitié avec tout ce qui bouge, comprend tout ce qu'on lui dit et même tout ce qu'on tait, maîtrise internet en deux coups de cuillères à café, a le sens de l'initiative, de l'humour, de l'autodérision, de la critique (avec douceur, ça change tout !).
Mais ce n'est pas tout.
Mamoune est excellente cuisinière, ouverte et réceptive à toutes les nouveautés, d'une indulgence à vous terrasser de honte à la moindre critique (y compris sur Babelio), fidèle en amour comme en amitié, coquette juste ce qu'il faut pour aimer faire les boutiques parisiennes de lingerie fine.
Mais ce n'est pas tout
Tout en menant rondement la maisonnée, aide de son paysan de mari aux champs et à l'étable. Mamoune, membre de la Résistance à 18 ans, a élevé 4 enfants, plus ceux des autres car réputée pour ses talents maternels et pédagogiques (sa maman était sage femme),
Mais ce n'est pas tout !
Mamoune écrit à rendre verts de
jalousieProust, Hugo et balzac réunis.
Car, cerise sur le gâteau, Mamoune est dingue de lecture mais pas n'importe quoi, genre magazines pour mémés séniles ou midinettes désoeuvrées. Mamoune privilégie les Grands Auteurs et les Grands Classiques, étant capable de disserter sur Joyce,
Diderot ou
Hemingway sans passer par La Sorbonne et sans que son époux ne s'en aperçoive….(quand lisait-elle avec son job à plein temps, C'est un mystère ! ! )
Avouez qu'on n'est pas loin de la béatification.
(Une telle pêche à plus de 80 ans, je demande qu'on me souffle le mode d'emploi...pour plus tard)
C' est pourquoi sa petite fille, Jade, n'hésite pas une seconde à kidnapper une telle merveille en déliquescence, pour la soustraire à l'inhumanité de ses 3 filles, vilaines ingrates qui, à la suite de malaises répétés, projetaient de la placer en EPHAD, mot honni, mouroir assuré pour tous ceux qui ne méritent pas d'être hébergés chez leur descendance (c'est à dire les vieux capricieux, autoritaires, entêtés, nombrilistes, acariâtres, etc…)
Il est vrai que Jade bénéficie d'un soutien de poids, son père et le fils adoré de Mamoune, exilé en Polynésie pour y peindre la girafe et qui se sent bigrement concerné par la situation au point de s'en laver les mains.
Toutes deux vont donc cohabiter au Pays des Bisounours, dans 50 m2 (où Mamoune gravite discrètement ça va de soi tout en occupant le fauteuil central), pourvu d'un balcon où Mamoune fait pousser des fleurs car c'est le printemps. Et comme Jade envisage de devenir écrivain, devinez quoi ? Mamoune va être son coach littéraire et va même tomber amoureuse de son futur éditeur car il n'y a pas d'âge pour ça non plus.
Jusqu'au jour où dans le métro, Jade croise Rajiv (un suédois d'origine indienne qui la guettait aux heures de pointe) et qui, autre merveille des merveilles (pianiste concertiste, entrepreneur biologiste épris de culture exotique), la fait grimper au rideau au moindre effleurement du poignet et l'invite en Inde pour les vacances.
Mais que va t'on faire de Mamoune ?
Vous le saurez s'il vous chante de lire ce conte sirupeux de quelques 300 pages qui comportent tout de même quelques jolies réflexions sur la vieillesse, les souvenirs, la politique, l'informatique, les journalistes, le monde de l'édition, la cohabitation intergénérationnelle, la vie paysanne, et bien entendu, la littérature.
Mais j'avoue que tant d'invraisemblances, de clichés, d'idées reçues, d'avis tranchés et de bons sentiments me consternent. Car pour qui s'occupe des parents du 4e âge à domicile (et j'en suis), la réalité est toute autre !!!
Ouf, l'opération désherbage est terminée ! Heureusement !