Les artistes admiraient les lignes élégantes et la pose artistique dans les tableaux de Botticelli, et se sentaient interpellés par la finesse de son langage formel, proche de celui de miniatures.
Resplendissant de la grâce et de la beauté correspondant à l'idéal d'amour qu'ils représentent, les personnages se détachent de la glèbe terrestre. Ils n'ont plus aucun contact avec le sol au-dessus duquel ils flottent légèrement.
Ces "tondi" étaient très recherchés à Florence, au XV et XVI siècles. Ils ne servaient toutefois pas à la décoration d'autels, mais à celle d'espaces intérieurs dans des palais ou des maisons de guildes.
Malgré le sérieux du sujet, on appréciera le sens de l'humour propre à Botticelli. Dans le livre ouvert placé derrière saint Augustin, le peintre a glissé entre les lignes de teste illisibles la transcription à peine visible d'un entretien entre deux moines, qu'il avait peut-être saisi depuis son échafaudage: "Où est Frère Mariano?"-"Il est sorti"- "Et où est-il allé?" - "Il est sorti de la ville par la Porta al Prata." En insérant cet entretien, Botticelli se moque un peu des moines de l'Ognissanti: de toute évidence, ils ne se plongent pas tellement dans les études et les méditations comme les y invitent saint Jérôme et saint Augustin, mais préfèrent aller vaquer à leurs propres distractions.
Les dernières œuvres de l’artiste se distinguent par leur expressivité dramatique et par un rythme de composition d’une étrange irrégularité.
Dans cette phase tardive, Botticelli semble s’être occupé beaucoup moins de la distraction de l’observateur et beaucoup plus d’une représentation didactique concentrée, visant à son édification.
L’artiste y réduit l’arrière-plan à une simple surface colorée, afin que rien ne vienne détourner l’observateur de la personne portraiturée. Cette peinture restrictive, donnant parfois une l’impression ascétique, révèle la distance prise par Botticelli vis-à-vis de l’opulence antérieur dans l’aménagement décoratif des sujets traités, une évolution qui s’accentuera dans ses œuvres plus tardives.
Qu’est ce qui a pu inciter l’artiste à se détourner ainsi des acquis de la renaissance et à se concentrer sur le message exprimé par ses images ? Botticelli réagit à la vague d’un nouveau sentiment religieux, qui s’étend de plus en plus depuis la fin des années 1480, un sentiment fait de participation profonde et d’une émotion passionnée.
Botticelli s’éloigne de l’idéal corporel des proportions harmonieuses suivi par la renaissance et retourne à la hiérarchie des grandeurs en fonction de l’importance propre au Moyen Age dans laquelle les personnages les plus importants étaient aussi ceux que l’on peignait avec la plus grande taille. Botticelli place ainsi le message de l’image au-dessus des contingences de l’exactitude des proportions des personnages et d’une présentation qui plaie au regard
On sent une fois de plus très nettement l’influence du traité de peinture d’Alberti. Pour l’édification de l’observateur, ce théoricien de l’art recommandait non seulement le recours à une palette d’émotions aussi variée que possible, mais aussi de représenter des personnages d’âges différents dessinés sous divers profils, ½ ou ¾, et aussi de face. Dans la diversité des poses et de la manière de traité les personnages, Botticelli répond à toutes les exigences, sans perdre toutefois le caractère centralisé de sa composition.