AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Baudinière (01/01/1900)
4/5   1 notes
Résumé :
Nous n’avons pas encore dans notre base la description de l’éditeur (quatrième de couverture)
Ajouter la description de l’éditeur

Vous pouvez également contribuer à la description collective rédigée par les membres de Babelio.
Contribuer à la description collective
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après La prison des rêvesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Au début des années 30, le sulfureux Maurice Dekobra, auteur emblêmatique des Années Folles, célèbre pour sa "Madone des Sleepings" et autres garçonnes délurées dont il chantait les exploits et les conquêtes, sentit le vent tourner, et jugea bon de tempérer ses ardeurs et son hédonisme au travers d'une série de romans plus sages, qui n'en connurent pas moins un retentissant succès commercial.
"La Prison des Rêves" en est un vibrant exemple, puisque Dekobra s'y aventure dans un genre qu'il n'avait pas encore abordé : le conte oriental. L'ombre des "Mille et Une Nuits" plane en effet sur ce petit roman qui en adopte les codes et la moralité, tout en le situant dans l'Inde contemporaine, encore à cette époque sous domination coloniale britannique. Un exercice difficile, dont Maurice Dekobra ne se dépêtre qu'avec une grande difficulté et en laissant progressivement de côté toute velléité de réalisme.
Le roman narre l'histoire de la Princesse Brindi, fille malheureuse du Maharadjah de Jahlpore, qui l'a eue d'une aventurière européenne qu'il a épousée, laquelle a fini par s'enfuir du palais en laissant derrière elle, et apparemment sans remords, le fruit de ses amours avec le Maharadjah. Agacé par cette enfant métisse dont la vue lui rappelle de douloureux souvenirs, le Maharadjah l'envoie en France, dans une pension de jeunes filles où, élevée à l'occidentale, la jeune Brindi devient une brillante étudiante, aimée de ses professeurs comme de ses camarades. Mais à l'aube de ses vingt ans, alors que ses études arrivent à son terme, la jeune princesse est rappelée en Inde afin d'y épouser un prince local choisi par son père le Maharadjah.
Le retour au pays de l'enfant (peu) prodigue se passe terriblement mal. Convertie au christianisme, faite au mode de vie occidental et à la libéralité de ses moeurs - bien qu'elle soit encore vierge -, Brindi se hérisse à l'idée de s'abaisser à un mariage hindou. Néanmoins, sa volonté se heurte douloureusement à celle de son père, pour qui ce mariage lui apporte une alliance stratégique précieuse, et qui considère qu'une fille n'a pas à aller contre la volonté de son père. Il la retient prisonnière dans le "zenana", le quartier des femmes, et la confie à la Maharanee, la favorite de son harem, laquelle a pris auprès du Maharadjah la place d'épouse morganatique abandonnée par la mère de Brindi.
La Maharanee est une mauvaise femme qui, à vrai dire, ne songe qu'à torturer et humilier cette jeune fille qui n'est pas la sienne, et seule héritière avant elle des biens du Maharadjah. Elle tente en vain de briser l'orgueil de Brindi et de la pousser au suicide. Elle saisit même le prétendu blasphème qu'aurait commis Brindi en se promenant le visage non voilé dans le temple de Siva pour la faire exposer nue aux yeux des passants. Mais rien ne parvient à entamer la volonté de Brindi, bien décidée à mourir plutôt que d'épouser l'homme choisi par son père.
Le Maharadjah n'a cure de tout cela. Briser la résistance des femmes fait partie de la tradition, et la mort de sa fille ne lui poserait problème que dans le sens où elle lui ferait perdre son alliance avec un royaume voisin. Par ailleurs, le Maharadjah est un homme qui ne se passionne réellement que pour le pouvoir et pour les intrigues qui y mènent. Parallèlement, il ambitionne de faire acter le prolongement d'un canal jusqu'à son royaume, mais pour cela, il a un besoin impérieux (c'est le mot) de la faveur du délégué de l'empire colonial britannique. Or celui-ci, Ronald Armstrong, est un capitaine de l'armée coloniale, hébergé dans une riche maison attenante au palais, mais dont la nature d'homme d'action ne se fait guère à la mollesse de la vie orientale. Il songe à partir, s'en ouvre au Maharadjah qui s'en émeut, sentant que la transition sera suffisamment longue entre le départ de ce diplomate et l'arrivée de son remplaçant pour lui faire louper son projet de canal.
Le Maharadjah décide alors de tout faire pour retenir Armstrong auprès de lui, et voyant que celui-ci mène une vie de célibataire, le Maharadjah fait appel à une amie de longue date, l'aventurière cubaine Concha Guerrero.
Cette autre "Madone des Sleepings", demi-mondaine voyageant de par le monde en négociant âprement ses charmes, se trouve justement de passage à Calcutta. le Maharadjah l'envoie chercher et la ramène au Palais de Jahlpore, en lui proposant un marché : elle accepte de séduire le capitaine Armstrong et de devenir sa maîtresse jusqu'à ce que l'affaire du canal soit entendue, en échange de quoi il lui promet un collier d'émeraudes d'une valeur inestimable. Concha accepte le défi avec enthousiasme et appât du gain.
Néanmoins, elle doit vite déchanter : Ronald Armstrong a beau être dans l'abstinence depuis de nombreux mois, l'homme est volontiers galant et attentionné envers le sexe faible, mais avant tout par éducation puritaine. Concha Guerrero consacre de longues heures à exercer des manoeuvres d'approche insistantes et à tenter par ses charmes le capitaine, qui y répond avec politesse, mais intérieurement, ne sait pas comment se débarrasser de ce crampon. le harcèlement de cette experte en séduction ne parvient pas à échauffer cet esprit borné de militaire incorruptible.
De son côté, la princesse Brindi, après une première tentative d'évasion avortée, s'associe avec un missionnaire local en très bons termes avec Ronald Armstrong, afin que ce dernier cache la princesse Brindi durant quelques semaines. En effet, si la jeune fille s'évade, le Maharadjah la fera rechercher partout, et elle ne pourra quitter le pays, tandis que si les forces indiennes la cherchent en vain et arrivent à la conclusion qu'elle leur a déjà échappé, elle pourra enfin partir en sécurité. Sensible à la détresse de cette jeune femme, dont il ignore cependant qu'elle est la fille du Maharadjah, Ronald Armstrong accepte de la cacher dans sa maison, mais il tombe bien vite amoureux de la princesse qui, de son côté, sent un tendre sentiment naître en elle pour ce protecteur venu de ce monde occidental qu'elle veut tant retrouver.
Hélas, une apparition imprudente et jalouse de Brindi, tandis qu'il reçoit, contraint et forcé, les hommages de Concha, renseigne cette dernière sur la raison du peu d'ardeur qu'elle inspire à Armstrong. Dénoncée par Concha Guerrero et reprise de force par la Maharanee, la princesse Brindi se retrouve bientôt condamnée par cette dernière à être donnée en pâture à un tigre dans une arène, lors d'un spectacle sanglant et public. Mais c'est sans compter sur le courage inattendu du capitaine Armstrong, invité dans les gradins sans savoir que la princesse est au programme, qui ne va pas hésiter un seul instant à risquer sa vie pour sauver sa bien-aimée des griffes du fauve...
"La Prison des Rêves" est donc à tout prendre un conte étonnamment romantique, au cours duquel Maurice Dekobra brûle véritablement ses idoles de la décennie passée au nom de valeurs morales que, jusque là, il prétendait combattre (et qu'il combattra d'ailleurs de nouveau après guerre). Seule subsiste une certaine velléité féministe qui le pousse à défendre instinctivement l'indépendance morale et sexuelle de la femme, bien que ce soit là dans le contexte un peu malsain d'une comparaison entre la civilisation occidentale "éclairée" par le christianisme face à la "barbarie" orientale, qui en dépit de ses charmes et de tout ce qu'elle peut avoir de suave, reste quand même aux yeux de l'auteur une société primitive dénuée d'humanité.
Ajoutons aussi que l'Inde décrite par Maurice Dekobra est hautement fantaisiste, mêlant une vision touristique et dépaysante issue principalement de l'imagination des feuilletonnistes, avec des éléments qui relèvent plus des civilisations perses ou musulmanes, voire de l'Antiquité Romaine (Je ne suis pas persuadé que les Hindous avaient des arènes où ils livraient des jeunes filles chrétiennes aux fauves).
Néanmoins, cette fantaisie, volontaire ou non, contribue à inscrire le roman dans la plus pure tradition des amours contrariées que l'on trouve dans les contes du monde entier, y compris dans ceux de l'Orient. Cepndant, cet académisme de complaisance a le défaut de rendre l'intrigue très prévisible, malgré le mal que se donne l'auteur pour offrir une narration fertile en rebondissements. Qui plus est, on sent Maurice Dekobra plus appliqué à qu'à l'ordinaire, mais moins à l'aise dans ce classicisme qu'il a toujours vigoureusement combattu : les scènes romantiques entre Brindi et Armstrong sont d'une grande niaiserie, les dialogue sont pauvres et conventionnels, et Maurice Dekobra, qui a toujours affiché sa préférence pour les "cougars" délurées face aux jeunes filles tourmentées et peu à l'aise avec leurs corps, peine à nous rendre attachante cette princesse Brindi trop idéale pour être vraie, trop Cendrillon en martyre chrétienne, et dont toute la détermination repose quand même sur une aversion raciale envers ses origines.
Concha Guerrero est, sur bien des plans, plus passionnante et plus humaine, même si Dekobra lui fait jouer un bien mauvais rôle et laisse entendre que ce genre de femmes sur lesquelles il a longtemps fantasmé, sont souvent des irresponsables dénuées de scrupules. Néanmoins, on sent Maurice Dekobra plus à l'aise et plus attendri par ce pêrsonnage que par sa princesse de carton-pâte auquel lui-même ne semble pas croire.
Tout cela fait de "La Prison des Rêves" un sympathique divertissement exotique, même si on y découvre un Maurice Dekobra étonnamment prude et assagi, et qui se force assez visiblement à se montrer ainsi.
Désuet par certains côtés, notamment au point de vue psychologique et moral, "La Prison des Rêves" est néanmoins un livre toujours très actuel, vu qu'il reste bien des pays où les femmes ne font pas ce qu'elles veulent et n'épousent pas qui elles aiment. le long discours moral et patriarcal que le Maharadjah fait à sa fille en début de roman est hélas finement observé, et reflète fidèlement une mentalité rétrograde encore très en vogue dans cette partie du monde. L'échec du mariage du Maharadjah avec la mère occidentale de Brindi témoigne assez du peu d'espoir de conciliation qu'entrevoyait déjà Maurice Dekobra il y a presque 90 ans. Brindi échappe à son destin, parce qu'elle a été élevée dans les lois de la République et dans le dogme de la foi chrétienne, elle y puise la force de sa résistance, mais sans l'amour fou d'un occidental partageant les mêmes valeurs, Brindi se serait soumise ou se serait tuée.
Malgré tout, Maurice Dekobra s'abstient de noircir le tableau : les personnages négatifs, à part peut-être la Maharanee, ont leurs bons côtés, et inspirent même une certaine sympathie. D'ailleurs, aucun des tortionnaires de la princesse Brindi n'est sévèrement puni. Pour l'auteur, la faute repose avant tout sur le choc des cultures, qui pour autant n'empêche pas de s'entendre sur certains sujets - même si c'est totalement impossible sur d'autres.
Le grand message de ce roman, c'est d'abord qu'une femme doit avoir le droit imprescriptible de choisir sa destinée, mais que s'il ne lui est point possible de le faire dans son pays, alors il faut qu'elle en parte définitivement. Cela reste un fort bon conseil, même au XXIème siècle...
Commenter  J’apprécie          30


Video de Maurice Dekobra (1) Voir plusAjouter une vidéo

Maurice Dekobra : La Madone des Sleepings
Olivier BARROT présente le livre de Maurice Tessier alias Maurice Dekobra
autres livres classés : princesseVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5262 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}