Dès l’aurore de la création, l’homme, ayant matérialisé par le péché sa nature, ou, pour suivre l’image de l’Ancien Testament, avant mordu au fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, devient sujet à la maladie et à la mort.
Cette idée que nous exprimons, nous la retrouvons en germe dans l’étymologie même du mot mort, formé du latin mors, que dans leur haute philosophie les instituteurs du langage, qui, suivant la belle expression de Vico, cachèrent la science du vrai sous l’écorce des mots, ont fait venir de morsu, pour rappeler à l’intelligence que l’origine de la mort en ce monde est la morsure coupable donnée par le premier homme au fruit de l’arbre défendu.
Nous venons faire partager nos certitudes sur l’autre vie et emparadiser l’âme des béatitudes célestes. Quand on lève les yeux et le coeur au ciel, les idées se sublimisent, les sentiments s’ennoblissent, une vie toute-puissante circule, loyale et généreuse, dans le sang des veines ; plein de mépris pour ce qui passe, on ne s’attache qu’à ce qui reste ; le grand amour de l’éternité qui fait les martyrs et les saints vous saisit invinciblement au coeur : alors, semblable au phénix de la fable qui bat l’air de ses ailes déployées pour raviver la flamme du foyer qui le consume, l’on a hâte de mourir selon la chair pour revivre selon l’âme.
On a moins peur de la mort pour ce qu’on en sait que pour ce qu’ont en ignore.
Adolphe d’Houdetot