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Critique de zenzibar


Pas facile pour un auteur d'exister sur le marché des livres sur Montaigne.
Le nombre d'ouvrages est imposant.
Avec son livre et notamment son titre « Adieu Montaigne » Jean-Michel Delacomptée s'efforce de se démarquer.
En effet, l'auteur souligne que ce succès est quelque peu paradoxal car en réalité Montaigne n'est pas (plus) enseigné au lycée et n'est plus étudié que par des spécialistes dans des cursus d'études supérieures.
En-dehors de ces territoires académiques, qui lit aujourd'hui véritablement Montaigne notamment « en VO » ?
Ce problème de déficit de lecture profonde est évidement plus général. Récemment un ministre de la culture n'a-t-elle pas avoué qu'elle ne lisait pas ? Je gage que cet état d'esprit est très tendance dans les allées du pouvoir depuis de trop nombreuses années. « Plus rentable » politiquement de tweeter que de s'isoler pour méditer, (re)lire des aphorismes de Marc Aurèle, Confucius et quelques pages de Montaigne..
On se souvient que dans le film de Forman « Amadeus », le prince reproche à Mozart de mettre « trop de notes » dans ses oeuvres. Les Essais ont eux aussi « trop » de pages, « trop » de mots, trop d'interstices pour la subtilité non linéaire de la pensée, la beauté des mots, autant de richesses pas solubles dans les modes de pensées contemporains, de plus en plus réducteurs, de plus en plus binaires …
Le succès de Montaigne pourrait être l'éblouissement d'une étoile avant sa disparition.
Ce livre est partitionné par thèmes « hommes et femmes », « loyauté »…autant d'espaces pour mettre en valeur la singularité exceptionnelle de Montaigne comme auteur, libre penseur et être humain, dans le contexte historique, politique et social qui était le sien.
Toute cette richesse unique qui pourrait devenir un astre mort, avalé aux confins d'un infini à jamais inaccessible.
Il n'y a pas ici de lecture innovante des Essais pour qui chemine plus ou moins régulièrement dans ces pages. Mais le bonheur encore et encore de relire de très beaux extraits et des commentaires qui les mettent en perspective agréablement, un peu comme si le lecteur parcourait le saint des saints, la librairie et ses citations inscrites dans la charpente dans la tour de Montaigne.

Je ne résisterai pas à la tentation de reporter quelques extraits intégrés par JMD.

« Nous n'apprenons à disputer que pour contredire ; et, chacun contredisant et étant contredit, il en advient que le fruit du disputer, c'est perdre et anéantir la vérité. »

« Les autres ont pris coeur de parler d'eux pour y avoir trouvé le sujet digne et riche ; moi au rebours, pour l‘avoir trouvé si stérile et si maigre qu'il n'y peut échoir soupçon d'ostentation. »

« Dès ma première enfance, la poésie a eu cela, de me transpercer et transporter. »

L'auteur confie qu'il a découvert les Essais à 20 ans à l'occasion d'une rupture sentimentale et que cette lecture lui a été d'une grande aide pour guérir cette peine.
J'aurais tendance à penser que Montaigne est plutôt un compagnon de maturité, mais on ne peut naturellement que souhaiter que de très nombreux jeunes lecteurs, comme JMD l'a été, investissent Les Essais pour qu'il n'y ait jamais d'adieu à Montaigne
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