Je sors de cette lecture un peu mal à l'aise, tourneboulée et perplexe…
Si je ne peux pas dire que j'ai adoré ce roman, toujours est-il qu'il m'a fait réfléchir et que j'y pense encore plusieurs jours après l'avoir refermé. Il ne m'aura donc pas laissée indifférente.
Emma, la petite quarantaine, entre en crise et décide brutalement de plaquer une vie confortable, mais routinière et en manque de piment, un mari qui l'aime et leurs trois enfants, pour un parfait inconnu aperçu dans une brasserie. Cette rencontre va faire basculer dangereusement l'équilibre établi et elle se met à «
danser au bord de l'abîme ».
J'imagine que j'aurais dû vibrer, sentir le désir, voir l'amour, la passion, la beauté et le désespoir dans cette histoire.
Malheureusement, j'y ai surtout vu un énorme gâchis, un caprice infantile, beaucoup d'égoïsme et d'irresponsabilité.
Il m'a manqué de l'attachement, de l'empathie, de l'émotion pour le personnage principal… et je suis restée quasi insensible, hermétique aux drames vécus par Emma qui n'a pas su me toucher, que je n'ai pas réussi à comprendre, à excuser, et à qui je ne me suis pas identifiée. J'ai basculé dans le jugement devant son immaturité, son indécence, sa folie. Je n'ai eu ni peine ni compassion pour son chagrin et sa dépression interminable.
Alors que j'ai pleuré chaudement pour ses enfants, son mari et son amie Mimi…
J'ai l'impression que ce n'est pas ce que l'auteur attendait de moi, et c'est ce qui me déçoit et me perturbe. Suis-je la seule à être « passée à côté » du personnage d'Emma ?
G. Delacourt a pourtant réussi des choses avec ce roman. Notamment l'ingénieux parallèle avec l'histoire de la chèvre de M. Seguin de Daudet.
« Il les perdait toutes de la même façon : un beau matin, elles cassaient leur corde, s'en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C'était, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté. » (p. 76-77)
Mais voilà, déjà Blanquette, depuis l'âge de 6 ans, je lui en veux énormément pour ne pas avoir eu la sagesse de rentrer le soir venu. Alors comment pourrais-je accepter le même comportement venant d'un humain ??
Malgré tout, j'ai apprécié d'être surprise par l'évolution, à plusieurs reprises inattendue de l'histoire, et par la toute fin, que j'ai trouvée très belle.
Ce texte a aussi su me faire méditer sur des sujets existentiels, tels que la brièveté de la vie (« cette minuscule trajectoire »), l'importance de vivre pleinement le moment présent, celle d'accepter ou pas les désirs et les pulsions qui s'y présentent, sur l'idée que l'on peut se faire de l'au-delà et de la continuité d'une existence ou d'une présence après la mort…
La recherche du bonheur est si ambivalente parfois. Soit on détruit celui des autres pour espérer le sien, soit on s'oublie et on s'éteint doucement pour ne pas blesser ni détruire autour de soi.
Emma a fait ses choix et en a subi les conséquences.
Quel est le poids des regrets et de la culpabilité quand on privilégie le désir passionné au drame de la séparation ?
On explore ici la conscience de la transgression, la puissance de la tentation face à la sagesse du renoncement, comme avec l'histoire de la pomme au jardin d'Eden… cet éternel recommencement du fait de la faiblesse de l'humanité.
« J'avais honte, en même temps je me consumais. » (p. 74)