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Hubert Damisch (Préfacier, etc.)André Joubin (Éditeur scientifique)Régis Labourdette (Éditeur scientifique)
EAN : 9782259185127
942 pages
Plon (29/08/1996)
4.43/5   15 notes
Résumé :
Publié pour la première fois par la Librairie Plon en 1893, le Journal comprend deux parties distinctes, 1822 à 1824 et 1847 à 1863, séparées par un intervalle de vingt-trois ans. Dans la présente édition, cet aspect caractéristique a été respecté. De même, il a été réservé pour un supplément tous les fragments appartenant à des époques différentes de la vie d'Eugène Delacroix, qu'il est bien souvent difficile de pouvoir dater avec précision. Une seule exception a é... >Voir plus
Que lire après Journal : 1822-1863Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Eugène Delacroix, persuadé de sa solitude depuis ses jeunes années et devenu passagèrement misanthrope avec le temps, complètement voué à l’Art, ne s’est jamais marié et montre à deux ou trois reprises un goût fort peu prononcé pour les femmes acariâtres, les enfants braillards et autres joyeusetés familiales. Conseiller municipal de Paris, membre de l’académie, il a quand même mené une vie sociale et mondaine active, sortant pratiquement un soir sur deux lorsqu’il était à Paris, et appréciant énormément les représentations théâtrales et les concerts. Il aimait les conversations et les jugeait comme un art. Chaque fois qu’il se trouve en compagnie, pour un voyage ou une soirée, il donne son avis sur ses compagnons : sont-ils agréables ? savent-ils s’habiller ? ont-ils de la conversation ? A part quelques rares amis, qui se sont tous éloignés ou ont disparus avec le temps, il semble avoir entretenu ses nombreuses connaissances sans plaisir, se plaignant régulièrement d’être dérangé dans son atelier par des importuns et prétextant une hypocondrie ou de la fatigue pour échapper aux dîners ennuyeux. Et lorsqu’il écrit dans ses veilles années que seul un être lui est vraiment cher, on se doute qu’il pense à sa fidèle gouvernante Jenny Le Guillou, la seule personne qu’il évoque toujours avec tendresse. Solitaire à la santé fragile, très tôt touché par un idéal stoïcien de frugalité et de travail, mais avec un grand désir de plaire, de rester élégant, voilà pour l’homme.
Cependant, bien qu’il passe aujourd’hui pour l’un des chefs de file de la peinture romantique, il détestait le lyrisme en littérature et les épanchements du Moi et, par conséquent, il ne s’étend pas sur ses sentiments. Sur beaucoup de sujets il restait quelqu’un de conservateur qui regardait d’un œil mauvais le progressisme et les révolutions de son temps.
Ce journal est surtout celui d’un artiste et d’un amateur d’art, d’un observateur méticuleux. Il contient beaucoup de considérations techniques sur la peinture, sur l’arrangement des couleurs ou sur la manière de conserver ou restaurer les tableaux. Constatant qu’il ne restait presque plus rien de la peinture antique et que même les tableaux de la Renaissance s’étaient déjà altérés en trois cent ans, le problème de la conservation le préoccupait beaucoup. Il considérait la peinture comme un art fragile par rapport aux autres. Et cette comparaison entre les différents arts, avec leurs avantages et leurs inconvénients, est quelque chose de récurrent dans ses théories. Car il était aussi un très grand amateur de musique et littérature, grand admirateur de Mozart, Chopin, Racine, Voltaire, La Fontaine, il peut aussi se montrer très tranchant, et même étonnamment injuste quand des artistes contrariaient ses goûts. Sans parler des quelques lignes assassines sur Wagner ou Lamartine, il a écrit des critiques très dures sur Balzac ou Beethoven par exemple, bien qu’il soit resté attentif à leurs œuvres. Mais d’une manière générale il n’avait pas l’éloge facile. Même Rubens, qui est de loin son peintre préféré, n’échappe pas à ses critiques. Disons que c’était un homme de principes et qu’il jugeait tout à l’aune de ces quelques principes sur lesquels il n’a jamais varié.
L’un de ces principes est l’importance qu’il donne à l’impression d’ensemble, à l’harmonie de l’œuvre et cette harmonie ne s’obtient jamais qu’en se conformant à certaines lois. D’où l’importance qu’il attache à la copie des maîtres dans l’apprentissage de la peinture et de ses lois. Le détail a donc moins d’importance que l’harmonie d’ensemble, et c’est pourquoi il n’aimait pas la peinture réaliste qui s’attachait à reproduire minutieusement l’exactitude des détails (tout comme en littérature les longues descriptions trop détaillées l’ennuyaient). Par contre, c’est dans ces détails que se fait sentir le style d’un maître, son cachet, ce qui lui est propre. C’est là qu’un peintre peut prendre ses libertés avec la réalité, les lois de la nature ou de la peinture. Mais ce qu’il reproche dans la copie des maîtres, ainsi que cela se passait dans l’école de David ou d’Ingres, c’est la copie et la reproduction de ces détails, d’un style qui devrait rester unique, car ils sont fondamentalement des « erreurs ».
A la fin de sa vie Delacroix avait envisagé d’écrire un Dictionnaire des Beaux-Arts, un dictionnaire très personnel où il aurait exposé ses goûts et ses pensées. Il avait commencé à en rédiger des articles, à partir des notes de son Journal. Et c’est dommage que ce projet n’ait pas vu le jour, il aurait pu être un bon moyen, d’abord pour connaître les idées de Delacroix, mais aussi pour éduquer le regard ou au moins apprendre à mettre des mots sur ses sentiments esthétiques.
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Issu d'une prestigieuse lignée, très tôt, Eugène Delacroix aspire à la gloire. En 1815, il confie à son ami Achille Piron : « Prie le ciel pour que je sois un grand homme ». Il lui écrit : « J'ai des projets, je voudrais faire quelque chose, mais rien ne se présente encore avec assez de clarté. C'est un capharnaüm ».

Les peintres qui, en plus de leur activité picturale, écrivaient sont peu nombreux. Parmi les principaux : les lettres de Vincent van Gogh et de Gustave Courbet, les carnets de Léonard de Vinci, la poésie de Michel-Ange, les discours de Joshua Reynolds, et quelques autres. le journal d'Eugène Delacroix peut-être considéré comme un des écrits les plus importants avec la correspondance de Vincent van Gogh.

Eugène Delacroix a 24 ans lorsqu'il entreprend d'écrire un journal. le 3 septembre 1822, ses premiers mots sont écrits sur des feuilles de papier coupées et cousues en petit cahier.
A cette époque, les préoccupations de Delacroix, en dehors de la peinture, sont le plus souvent amoureuses. le 21 février 1821, il écrit à son ami d'enfance Pierret : « Je suis malheureux, je n'ai point d'amour. Ce tourment délicieux manque à mon bonheur. Je n'ai que de vains rêves qui m'agitent et ne satisfont rien du tout. J'étais si heureux de souffrir en aimant ! Il y avait je ne sais quoi de piquant jusque dans ma jalousie, et mon indifférence actuelle n'est qu'une vie de cadavre. »
L'artiste tiendra assidument ce premier journal durant deux ans de septembre 1822 à octobre 1824, puis cessera brusquement.
Il ne le reprendra que 23 années plus tard, sans interruption du 1er janvier 1847 jusqu'à sa mort en 1863.

En mars 1854, il note : « Il me semble que ces brimborions, écrits à la volée, sont tout ce qui reste de ma vie, à mesure qu'elle s'écoule. Mon défaut de mémoire me les rend nécessaires. »
Ce journal nous fait pénétrer dans son intimité, décrit ses peintures, ses activités quotidiennes, consigne des idées critiques, philosophiques, des impressions et confidences, promenades, visites, voyages. Tout au long de cette lecture, nous ressentons dans l'homme un caractère de grande qualité, une intelligence, qui font de son journal un véritable morceau littéraire.
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Plus qu'à l'intimité du peintre, c'est à l'intimité de la peinture que nous donne accès ce journal. Aux rapports entre compétence et performance, aux mérites de l'esquisse moyens de distribuer la lumière comme d'amplifier une sensation, à la nécessité de savoir sacrifier pour attirer l'attention sur ce qui le mérite. C'est en peintre que Delacroix analyse et comprend les tableaux de ses maîtres. Rubens, « cet Homère de la peinture » qui représente la quintessence du sublime, et chez qui, toujours, il trouve « le suc, la moelle du sujet avec une exécution qui semble n'avoir rien coûté ». Raphaël et « l'admirable balancement de ses lignes ». Vélasquez chez qui il a trouvé « cet empâté ferme et tant fondu » dont il rêvait. Titien, Corrège, exemple même du génie « incorrect et sublime ». En peintre toujours qu'il critique David, dont les tableaux « manquent d'épiderme », ou Ingres et son École : « puritanisme léché, prétention et gaucherie ». En privilégiant l'effet plutôt que l'exactitude, c'est quelque chose de vrai, c'est-à-dire de naturel, de non-imité, de non-cherché, qu'il s'agit de construire. Quelque chose comme une peinture qui serait l'égal du rêve – sinon l'ombre portée d'un souvenir comme venu d'une autre vie. En fusionnant littérature, peinture et histoire. En mettant en fête et en flammes gestes et couleurs.
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Livre de chevet.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Une idée dont on part, en vous conduisant à une autre idée, vous écarte entièrement du point de vue d’ensemble primitif, c’est-à-dire de cette impression générale qu'on conçoit d'un objet. Je compare, pour m’expliquer mieux, la situation d’un auteur qui se prépare à peindre une situation, à exposer un système, à faire un morceau de critique, à celle d'un homme qui, du haut d’une éminence, aperçoit devant lui une vaste contrée remplie de bois, de ruisseaux, de prairies, d’habitations, de montagnes. S’il entreprend d’en donner une idée détaillée et qu’il entre dans un des chemins qui s’offriront devant lui, il arrivera ou à des chaumières, ou à des forêts, ou à quelques parties seulement de ce vaste paysage. Il n’en verra plus et négligera souvent les principales et les plus intéressantes, pour s’être mal engagé dès le début... Mais, me dira-t-on, quel remède voyez-vous à cela ? Je n’en vois point, et il n’en est point. Les ouvrages qui nous semblent les plus complets ne sont que des boutades. Le point de vue qu’on avait au commencement, et duquel tout le reste va découler, vous a peut-être frappé par son aspect le plus mesquin et le moins intéressant! La verve par occasion ou la persistance à fouiller dans un sol infertile nous fera trouver des passages spéciaux ou vraiment beaux, mais vous n’avez, encore une fois, fait au lecteur qu’une communication imparfaite. Vous rougirez peut-être plus tard, en revoyant votre ouvrage et en méditant, dans de meilleures dispositions, ce qui était votre sujet, de voir combien ce sujet vous a échappé.
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Le bonheur matériel est donc le seul pour les modernes. La révolution a achevé de nous fixer à la glèbe de l’intérêt et de la jouissance physique. Elle a aboli toute espèce de croyance : au lieu de cet appui naturel que cherche une créature aussi faible que l’homme dans une force surnaturelle, elle lui a présenté des mots abstraits : la raison, la justice, l’égalité, le droit. Une association de brigands se régit aussi bien par ces mots-là que peut le faire une société moralement organisée. Ils n’ont rien de commun avec la bonté, la tendresse, la charité, le dévouement. Les bandits observent les uns avec les autres une justice, une raison qui les fait se préférer avant tout, une certaine égalité dans le partage de leurs rapines qui leur semble justice exercée sur des riches insolents ou sur des heureux qui leur semblent l’être à leurs dépens. Il n’est pas besoin d’y regarder de bien près pour voir que la société actuelle se gouverne à peu près d’après les mêmes principes et en en faisant la même interprétation.
Je ne sais si le monde a vu encore un pareil spectacle, celui de l’égoïsme remplaçant toutes les vertus qui étaient regardées comme la sauvegarde des sociétés.
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Paris 2 août 1855 : En sortant, je vais voir l'exposition de Courbet, qu'il a réduite à dix sous. J'y reste seul près d'une heure et je découvre un chef-d'œuvre dans son tableau refusé (L'Atelier); je ne pouvais m'arracher à cette vue. Il y a des progrès énormes, et cependant cela m'a fait admirer son Enterrement. Dans celui-ci, les personnages sont les uns sur les autres, la composition n'est pas bien entendu. Mais il y a de superbes détails : les prêtres, les enfants de chœur, le vase à eau bénite, les femmes éplorées, etc., etc. Dans le dernier (L'Atelier), les plans sont bien entendus, il y a de l'air et des parties d'une exécution considérable : les hanches, la cuisse du modèle nu et sa gorge ; la femme du devant qui a un châle. La seule faute est que le tableau qu'il peint fait amphibologie : il a l'air d'un vrai ciel au milieu du tableau. On a refusé là un des ouvrages les plus singuliers de ce temps ; mais ce n'est pas un gaillard à se décourager pour si peu.

563 - [Plon, p. 529]
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[A propos d’Emile de Girardin qui se serait fait le chantre d’une nouvelle machine à labourer]
O indignes philanthropes!... philosophes sans cœur et sans imagination! Vous croyez que l’homme est une machine, comme vos machines ; vous le dégradez de ses droits les plus sacrés, sous prétexte de l’arracher à des travaux que vous affectez de regarder comme vils, et qui sont la loi de son être, non pas seulement celle qui lui impose de créer lui-même ses ressources contre le besoin, mais celle qui l’élève en même temps à ses propres yeux et emploie d’une manière presque sacrée les courts moments qui lui sont accordés... faiseurs de feuilletons, écrivassiers, faiseurs de projets! Au lieu de transformer le genre humain en un vil troupeau, laissez-lui son véritable héritage, rattachement, le dévouement au sol ! […] Hélas! les pauvres paysans, les pauvres villageois ! Vos prédications hypocrites n'ont déjà que trop porté leurs fruits! Si votre machine ne fonctionne pas sur le terrain, elle fonctionne déjà dans leur imagination abusée. Leurs idées de partage général, de loisir et même de plaisir continuel, sont réalisées dans ces indignes projets. Ils quittent déjà à qui mieux mieux, et sur le plus faible espoir, le travail des champs; ils se précipitent dans les villes, pour n’y trouver que des déceptions; ils achèvent d’y pervertir les sentiments de dignité que donne l'amour du travail, et plus vos machines les nourriront, plus ils se dégraderont !... Quel noble spectacle dans ce meilleur des siècles, que ce bétail humain engraissé par les philosophes!
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Champrosay, 17 mai 1850

J’ai vu là le combat d’une mouche d’une espèce particulière et d’une araignée. Je les vis arriver toutes deux, la mouche acharnée sur son dos et lui portant des coups furieux ; après une courte résistance, l’araignée a expiré sous ses atteintes ; la mouche, après l’avoir sucée, s’est mise en devoir de la traîner je ne sais où, et cela avec une vivacité, une furie incroyables. Elle la tirait en arrière, à travers les herbes, les obstacles, etc. J’ai assisté avec une espèce d’émotion à ce petit duel homérique. J’étais le Jupiter contemplant le combat de cet Achille et de cet Hector. Il y avait, au reste, justice distributive dans la victoire de la mouche sur l’araignée, il y a si longtemps que l’on voit le contraire arriver.
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Vidéo de Eugène Delacroix
"Le peintre et le poète : Delacroix et Baudelaire", documentaire réalisé, en 1959, par Georges Régnier, avec les musiques de Chopin et de Listz, et les voix de Michel Bouquet et de Pierre Marteville. Film rare, appuyé sur les écrits de Baudelaire, étudiant le regard du poète sur l'œuvre du peintre à partir des tableaux suivants : "Virgile aux enfers", "Autoportrait", "Mort de Sardanapale", "Massacre de Chio", "Entrée des Croisés à Constantinople", "Femmes d'Alger", "Le Doge de Venise", "La Barricade", "Le Turc", "Lutte de Jacob avec l'ange".
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