AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782842788254
264 pages
Beaux Arts Editions (20/04/2011)
4.6/5   5 notes
Résumé :
Parmi l'éblouissante collection d'autographes du musée des lettres et manuscrits, les lettres d'artistes occupent une place particulière. Souvent agrémentées de dessins, elles constituent des témoignages exceptionnels sur la création, dont elles révèlent les faces secrètes ou cachées. L'ouvrage, qui est aussi le catalogue de l'exposition propose une sélection de 120 facsimile d'une quarantaine d'artistes majeurs de l'histoire de l'art des XIXe et XXe siècle : lettre... >Voir plus
Que lire après Des lettres et des peintres : Manet, Gauguin, Matisse... Confidences de quarante artistesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
******

« Comment faire de la couleur avec les mots ».
Ce livre édité par le musée des lettres et manuscrits est une invitation au voyage parmi ceux qui ont fait l'histoire de l'art. L'exposition de 2011 nous a offert la présentation d'une centaine des plus belles lettres de peintres choisies dans leur collection couvrant la période du 19e au milieu du 20e siècle. Proposé sur papier glacé, chaque document, fac-similé autographe, est transcrit en clair, accompagné d'un résumé biographique sur le peintre.

Ces peintres, « Refusés » pour certains à leur époque, sont aujourd'hui les grands maîtres reconnus dans le monde entier. Ils attirent des millions de visiteurs dans les musées : Manet, Ingres, Renoir, Gauguin, Cézanne, Bonnard, Matisse, Delacroix, Signac, Chagall, Dalí… Leurs courriers nous confient des anecdotes sur leurs vies personnelles et professionnelles que certains agrémentent parfois de dessins, comme Van Gogh qui avait l'habitude d'ajouter de nombreuses illustrations de ses tableaux, ce qui rendait ses lettres passionnantes.
La sensation d'un moment éphémère fait l'originalité de toutes ces lettres d'artistes qui dévoilent leurs sentiments : colères, amours, amitiés, théories sur l'art, inquiétudes, émotions, critiques.

L'abondante correspondance de Vincent van Gogh exprime un talent littéraire qui en fait un document humain sans équivalent. Sa lettre de remerciement envoyée en 1889 à Albert Aurier, fondateur de la revue du Mercure de France, qui vient de publier sur lui un article élogieux quelques mois avant sa mort, contient à elle seule toutes les émotions qui habitaient cet artiste qui ne vendait rien, était enfermé dans un hospice à Saint-Rémy-de-Provence, et ne croyais plus en lui : « dans votre article je retrouve mes toiles mais meilleures qu'elles ne le sont en réalité. » Il lui confie : « les émotions qui me prennent devant la nature vont chez moi jusqu'à l'évanouissement ».

Le journal et la correspondance d'Eugène Delacroix sont de véritables morceaux littéraires. Dans une lettre, il décrit à son ami Charles Soulier son voyage dans le pays du peintre flamand Rubens qu'il admire : « Dis-toi brave Crillon que tu ne connais pas Rubens et crois en mon amour pour ce furibond. Vous n'avez que des Rubens en toilette, dont l'âme est dans un fourreau. C'est par ici qu'il faut voir l'éclair et le tonnerre à la fois. »

Ancien condisciple d'Émile Zola, Paul Cézanne était un beau manieur de mots, confectionneur de rimes dans sa jeunesse. Cela se remarque dans cette lettre de 1862 : « le jeune Coste, bizarre bipède, à la face problématique, m'accompagne tous les matins au paysage, et me sature de mille avanies diverses, qu'il multiplie à chaque minute. le malheureux, joignant déjà à sa double vocation de rapin et de clerc de notaire, la manie de faire des vers, m'assomme de maints couplets de composition, qu'il récite ou chante avec une complaisance digne du khnout russe ou du carcan chinois. »

Lors du Salon de 1866, Édouard Manet ne cachait pas qu'il était furieux que l'on eût confondu, une nouvelle fois, son nom avec celui du jeune Monet : « C'est à croire à une mystification », disait-il. Claude Monet va rester fidèle toute sa vie à la mémoire de Manet. En 1889, de Giverny, Il écrit de nombreuses lettres pour collecter de l'argent afin de faire entrer « Olympia » au Louvre : « C'est là je crois le plus bel hommage que nous puissions rendre à la mémoire de ce bel artiste ». du Pouldu en Bretagne, Paul Gauguin n'est pas d'accord et écrit à son ami Émile Bernard : « Je trouve très drôle cet achat de l'Olympia maintenant que l'artiste est mort. »

La lettre à mes yeux la plus originale est celle de Gustave Courbet. Sa notoriété est importante et sa peinture réaliste choque les critiques. La lettre est adressée en 1864 à Victor Hugo qui vivait en exil à Guernesey. Elle est un modèle d'emphase pour le grand homme dont il voulait faire un portrait, qu'il ne fera d'ailleurs jamais : « J'irai devant votre retraite sympathique contempler le spectacle de la mer. Je l'avoue, Poète, j'aime le plancher des vaches et l'orchestre des troupeaux sans nombre qui habitent nos montagnes. La mer ! la mer ! avec ses charmes m'attriste ! Elle me fait dans sa joie, l'effet du tigre qui rit ; dans sa tristesse elle me rappelle les larmes du crocodile, et dans sa fureur qui gronde, le monstre en cage qui ne peut m'avaler. Oui, oui, j'irai, quoique ne sachant pas jusqu'à quel point je me montrerai à la hauteur de l'honneur que vous me ferez en posant devant moi. »


« Penchez-vous avec émotion sur ces documents uniques, déchiffrez l'écriture, décryptez les références aux toiles célèbres et pénétrez dans l'univers de ces maîtres. Laissez-vous porter par le charme de l'écriture manuscrite puisqu'un pan intime de ces peintres se retrouve dans chacun de ces documents. Ainsi dévoilées, transcrites et commentées, les lettres présentées dans cet ouvrage vous invitent à des moments exquis en compagnie des plus grands maîtres de la peinture. » - Estelle Gaudry, Commissaire de l'exposition

***
Lien : http://www.httpsilartetaitco..
Commenter  J’apprécie          209
Cet ouvrage est édité par le Musée des Lettres et Manuscrits à l'occasion de l'exposition éponyme qui s'y tient du 29 avril au 28 août. Ces lettres ont été écrites entre 1800 et 1950 par une quarantaine de peintres dont voici la liste : Jean Auguste Dominique Ingres, Théodore Géricault, Eugène Delacroix, Gustave Courbet, Eugène Boudin, Camille Pissaro, Édouard Manet, Edgar Degas, Alfred Sisley, Paul Cézanne, Berthe Morizot, Claude Monet, Auguste Renoir, Gustave Caillebotte, Paul Gauguin, Vincent van Gogh, Georges Seurat, Henri de Toulouse-Lautrec, Paul Signac, Pierre Bonard, André Derain, Vassily Kandinsky, Raoul Dufy, Francis Picabia, Fernand Léger, Georges Braque, Juan Gris, Henri Matisse, Robert Delauney, Marc Chagall, Marcel Duchamp, Max Ernst, René Magritte, Salvador Dali, Joan Miro, Gaston Chaissac. J'en ai découvert une bonne dizaine dont je ne connaissais même pas le nom ! Impressionnistes, cubistes, pointillistes, affichistes et consorts se révèlent pour notre plus grand plaisir !
Dans ces lettres, les peintres se dévoilent autrement que par le pinceau : ils prennent la plume. Estelle Gaudry, commissaire de l'exposition met en avant le geste qui sert à tracer, qu'il s'agisse d'une ligne ou d'une lettre. « Les toiles se composent de plusieurs couches de pigments, de craquelures, de vernis, tout comme les lettres, lesquelles se superposent avec parfois des ratures : enthousiasme, sensibilité, inquiétude, colère, incertitude… »
Outre les lettres intimes et amoureuses ou les lettres aux journalistes ou professionnels de la peinture (galeriste, fournisseur, etc.), ces correspondances s'adressent à d'autres peintres (Pissaro écrit à Gauguin et Manet, Manet écrit à Monet, etc.), mais aussi à des écrivains (Delacroix écrit à Baudelaire, Courbet écrit à Hugo, Miro écrit à Queneau, etc.) Ces lettres composent un grand portrait de famille et explicitent les relations des peintres avec le reste du monde.
Que contiennent-elles ces lettres ? On y trouve des considérations sur l'art, des défenses véhémentes, des allusions à des toiles en devenir agrémentées de croquis et de premières esquisses. On lit également des anecdotes personnelles, des récits de voyage et des messages d'amitié ou d'amour. Ce qui m'a le plus intéressée, ce sont les lettres-chroniques qui livrent des témoignages historiques sur Paris assiégée ou sur d'autres évènements marquants.
J'ai beaucoup ri en lisant la lettre de Mme Ingres à un journaliste : « Depuis longtemps je désire rectifier une assertion qui se propage dans les journaux et dans les mémoires artistiques, à propos de prétentions que M. Ingres montrait pour son violon beaucoup plus, dit-on, que pour son pinceau. » Ah, si elle savait ce qu'on en dit encore aujourd'hui ! Et la lettre de Monet, qui lance une souscription auprès de ses amis peintres et amateurs d'art pour acheter l'Olympia de Manet afin de l'offrir au Louvre, est vraiment émouvante bien que très factuelle : en face de chaque nom s'affiche la somme versée. Les défenseurs de l'art ne connaissent pas le repos !
La présentation des lettres est intelligente et élégante : en page gauche se trouve le texte transcrit et agrémenté de notes biographiques et historiques ; en page droite s'étale le fac-similé de la lettre manuscrite. On trouve aussi des reproductions des tableaux des peintres cités, en vignette ou double page. Et c'est toujours un plaisir de croiser l'Olympia de Manet !
Certaines écritures sont absolument illisibles et la transcription est la bienvenue. D'autres graphies sont plus ou moins brouillonnes, élégantes ou soignées. C'est alors un plaisir de lire la lettre originale, même si déchiffrer les pattes de mouches et les gribouillis reste un agréable défi. On sait que des peintres comme Gauguin étaient de vrais épistoliers et des correspondants attentifs et réguliers. Mais des peintres comme Manet étaient plus secrets et moins prolixes, ce qui rend les lettres présentées réellement précieuses.
S'il y a une part de voyeurisme dans cet ouvrage et dans l'exposition qui les présente ? Peut-être un peu… Nous sommes déjà avides des toiles de ces grands maîtres, voilà que l'on veut tout savoir de leur vie épistolaire ! Toutes les lettres ne brillent pas leur talent littéraire et c'est presque dommage de rencontrer l'homme derrière le génie, celui qui rature et qui fait des fautes. Toutes les correspondances ne sont pas bonnes à lire…
Ce beau-livre se lit par touches, avec le même regard que celui que l'on a dans une exposition. Il faut se laisser entraîner par une image plutôt que suivre un cheminement tout tracé. Revenir en arrière, faire un saut de géant, passer en coup de vent, tout ça est permis. Massif et pesant, l'ouvrage se manipule avec précaution et gourmandise, mais gare à l'indigestion !

Lien : http://www.desgalipettesentr..
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
*****

Paul Gauguin à Daniel de Monfreid – 12 décembre 1898

… avec cela je suis toujours de plus en plus malade. Si je ne dois plus compter guérir, la mort n’est-elle pas cent fois préférable. Vous m’avez reproché durement mon escapade comme une chose peu digne de Gauguin. Et si vous saviez en quel état est arrivée mon âme pendant ces trois années de souffrance. Si je ne dois plus jamais peindre, moi qui n’aime plus que cela – ni femme ni enfants, mon cœur est vide.
Suis-je criminel ? Je ne sais. Je suis donc condamné à vivre quand j’ai perdu toutes les raisons morales de vivre. (…) Il n’y a de gloire que celle dont on a conscience : qu’importe si les autres la connaissent et la proclament. Il n’y a de vraie satisfaction qu’en soi, et en ce moment je me dégoûte.

***
Commenter  J’apprécie          150
******

Théodore Géricault à Pierre Joseph Dedreux-Dorcy – 12 février 1821

Une femme qui n’est pas de la première jeunesse mais belle encore et entourée de tout le prestige de la fortune s’est fourrée dans la tête d’être folle de moi, folle à la lettre en vérité. Je serai violé incontestablement. Il me faut autant d’art pour lui échapper qu’il en faut souvent pour obtenir de certaines femmes les plus légères faveurs. Elle n’est ni précieuse ni bégueule je vous assure, elle m’appelle le dieu de la peinture et elle m’adore à ce titre. L’autre jour elle me disait qu’elle voudrait m’élever un autel pour y déposer tous les jours son offrande. (…) Ce qui me désole est que son mari est un excellent homme qui a mille bontés pour moi.

***
Commenter  J’apprécie          132
*****

Alfred Sisley à Adolphe Tavernier, le 24 janvier 1892

Un autre ciel : celui-là plus tard le soir. Les nuages s’allongent, prennent souvent la forme de sillages, de remous, qui semblent immobilisés au milieu de l’atmosphère et peu à peu on les voit disparaître absorbés par le soleil qui se couche.
Celui-là est plus tendre, plus mélancolique, il a le charme des choses qui s’en vont.

***
Commenter  J’apprécie          80
******

Alfred Sisley à Adolphe Tavernier, le 24 janvier 1892

Donner l’illusion de la vie est pour moi le principal dans une œuvre d’art – tout doit y contribuer : la forme, la couleur, la facture. C’est la vie qui donne l’émotion. Et quoique la première qualité du paysagiste doit être le sang-froid, il faut que la facture, en de certains moments plus emballée, communique au spectateur l’émotion que le peintre a ressentie.

***
Commenter  J’apprécie          10
Lettre de Mme Ingres à un journaliste :

« Depuis longtemps je désire rectifier une assertion qui se propage dans les journaux et dans les mémoires artistiques, à propos de prétentions que M. Ingres montrait pour son violon beaucoup plus, dit-on, que pour son pinceau. »
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : Lettres d'amourVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Marie-Laure Delaporte (1) Voir plus

Lecteurs (16) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5213 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}