AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fleitour


Imaginez 252 pages, environ 400 000 signes pour tirer le portrait d' Antonin Chapuisat, professeur de français au lycée Charlemagne. Quelle opiniâtreté il a fallu déployer pour que la stature de Chapuisat trouve dans les méandres de sa vie, matière à façonner ce visage, le rendre crédible sans insulter sa mémoire, parler de ses tenues sans les froisser comme, " la lévite bleue à brandebourgs qui flottait sur ses flancs avait tout l'air exhumée d'une friperie associative pour une pièce de Tchekhov", s'ennuyer le moins possible à disséquer les fêlures d'une âme qui se savait condamnée à errer dans les limbes.


Que retenir d'une personnalité si complexe, son enseignement, ses foucades, ses errances alcoolisées, ses désirs refoulés, son langage colorisé ou bien ses haines farouches et ses désillusions.


Patrice Delbourg nous livre ici un roman où le langage tient la première place. Antonin serait sans doute déçu de lire cette prose qui n'est pas la sienne, pour découvrir qu'il en est le prétexte, la justification incestueuse, celle de Patrice Delbourg de se faire plaisir, peut-être de se faire mousser, et quel scandale que quelqu'un puisa dans la déliquescence d'un professeur de français, les envolées littéraires du lyrique Chapuisat., reprises par un greffier sans scrupule,


Ne passons pas sous silence nos bélugas et nos chérubins, au fil des pages, ils sont épinglés, vilipendés avec quelle éloquence !
"La niaiserie en scolarité faisait des claquettes aujourd'hui elle se pavane en percussions lourdes",
"les jeunes ne connaissaient plus la frivolité d'une saillie à la cantonade",
"deux secondes mollassonnes persillées de cancres, saupoudrées de jobards avachis," 
"copies ineptes issues de cerveaux en terrain vague ",
"de quelle manière transmettre le goût d'un style distingué à ces cerveaux désherbés ?"
"Inculquer une tournure, une manière soignée à des intelligences dont la lucidité ne dépasse pas la vigilance du bulot à marée basse P 111 ».


C'est sans doute, en pianotant les itinéraires littéraires de Chapuisat et relevant les estaminets de la capitale, et son goût pour la dive bouteille, que Patrice Delbourg dessina les premières pochades de ce recueil plein d'allégresses qui allait devenir Les Solitudes en Terrasse. Ainsi il erre rue de Montfaucon, et fini par demander, "un Spritz .Rosso bien tassé. Une larme de Bitter aussi. Mais pas plus que le bord. L'estaminet affichait sur ses boiseries des volées de calembours et de contrepèterie tracées à la main," p 174

« La seule vie de café le tenait en équilibre comme l'assiette en kaolin toupille au bout de la tige du saltimbanque chinois ».


Toutes les singularités, les excentricités d'Antonin, le conduisent à petits feux vers son déclin, il est déjà trop tard pour trouver une deuxième vie à Emmaüs, le vintage, ou le recyclé se désintéressent de ses frasques, L'avenir, le voit-il vieillir, il peut encore finir en beauté sur un coup d'éclat, en vrai Chapuisat.

Patrice Delcourt s'est délecté de littérature en nous livrant à l'ombre d'Antonin ses amitiés romanesques, nous offrant à plusieurs reprises un florilège de ses meilleurs amitiés, Marcel Aymé, Antoine Blondin, Albert Paraz, Calaferte, Léon-paul Fargues... La France des terroirs s'invite selon l'inspiration de Chapuisat, les chopines n'allègent pas seulement le corps mais le coeur.

Cette stylistique à la Grâce Dieu ( St Emilion grand cru) a oublié les régimes propres à vous décaver le caractère, ici on prêche aux épîtres de Rabelais, sans aller à confesse, ici on vit, on déguste sans le contrôle d'un gastro-entérologue, ou d'un smartphone.
Commenter  J’apprécie          254



Ont apprécié cette critique (24)voir plus




{* *}