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EAN : 9782356872760
44 pages
Editions Le Bord de l'Eau (14/11/2013)
4/5   1 notes
Résumé :
Paysans ? Agriculteurs ? Chefs d’entreprise ? C’est en arpentant les campagnes européennes à la rencontre de ces nouveaux paysans qui construisent un autre rapport au temps, à l’espace et aux autres que l’agronome et sociologue Estelle Deléage s’interroge, depuis plus de dix ans, sur le devenir de l’agriculture.

Considérés de manière dominante comme une classe objet, selon l’expression de Pierre Bourdieu, les paysans ont en effet constitué et constitu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un livre court (44 pages seulement), mais très instructif, synthétique, clair ... bref instructif. Vous l'aurez compris, une lecture qui me donne donc envie de découvrir d'autres livres de cette collection : Altérité critique poch'

J'ai bien aimé cette lecture, qui me semble complémentaire d'un livre lu il y a quelques années (mais qui reste d'actualité) : "La guerre au vivant"
Le thème des OGM et des multinationales est bien abordé, sans détours ni détails complexes. L'obsolescence programmée (inventée dès 1932) y est aussi abordée, elle aussi faisant partie des délires de la société de consommation. Pour ceux qui s'intéressent à ce thème, je conseille le livre "Bon pour la casse", très éclairant aussi.

Un petit bémol, j'ai trouvé que le livre décrit beaucoup plus les ravages productivistes que les résistances paysannes (quelques pages intéressantes en fin d'ouvrage).
La couverture est aussi un peu curieuse, un jaune lumineux mais des mots écrits en noir et d'autres ... en blanc, très mauvais contraste sur le jaune ...

Enfin, cela peut nous donner plus encore l'envie de savoir ce que nous avons vraiment dans nos assiettes chaque jour, de redécouvrir des circuits courts, de délaisser un peu la grande distribution et les produits industriels, pour redécouvrir une autre alimentation, plus de saison, plus saine, plus goûteuse aussi ... en ayant de plus en tête les nombreux enjeux politiques, sociaux et économiques du monde agricole.

Ce livre fait une lecture actuelle et sans concession de la nouvelle lutte de classes à l'oeuvre dans le monde agricole (domination économique) et aborde la domination sociale très présente aussi : opposition du monde de la ville, supposé moderne et progressiste à la campagne archaïque et traditionnelle, bien que les multinationales aient souvent confisqué de nombreuses terres aux paysans, ou les obligent à une monoculture intensive, effrayante, à des cultures d'OGM et de semences hybrides donc stériles ...
Les bidonvilles aussi se remplissent d'anciens paysans appauvris, attirés par les villes dans lesquelles ils ne pourront s'intégrer ...

Il y a donc de nombreux combats à mener AVEC les paysans, pour une Terre plus juste, plus vivable pour tous (pour rappel de très nombreux paysans sont très pauvres aujourd'hui), pour la production de quantités sensées d'aliments (et non le gaspillage généré par la surproduction permanente et la surconsommation des pays du Nord) ... Il est aussi question de réinventer des liens sociaux, entre ville et campagne, par les AMAP, les jardins partagés ...
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Nous avons toutes et tous besoin d'une agriculture paysanne

Voici un petit livre qui devrait intéresser toutes celles et tous ceux qui s'intéressent à l'agriculture, aux paysan-ne-s, à la souveraineté alimentaire, à la nourriture ; à celles et ceux qui n'acceptent pas les dégâts environnementaux ou sur la santé, causés par le productivisme et l'industrie agroalimentaire.

Estelle Deléage indique que : « le terme paysan est ici utilisé dans son acceptation positive, celui qui habite un pays, un terroir et qui cultive la terre par opposition au terme d'agriculteur moderne qui désigne plus spécifiquement celui qui cultive la terre pour la valoriser uniquement économiquement ».

Dans le premier chapitre « Ces paysans qu'on assassine… », l'auteure analyse, entre autres, les mutations du secteur depuis la seconde guerre mondiale, ce qui fut nommée « révolution verte », les politiques d'ajustement structurel, les rôles de la Banque mondiale ou du FMI, les logiques technocientifiques, la combinaison de l'hétérogénéité des situations et d'une tendance de fond, « celle du triomphe d'un modèle unique de production qui repose sur l'idéologie du progrès technique, la division du travail et la spécialisation concomitante de la production à l'échelle des exploitations, des bassins de production, des pays voire des sous-continents dans un contexte de libéralisation des échanges agricoles dans le cadre de l'inclusion de l'agriculture dans les négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce modèle unique se déploie aujourd'hui grâce à la logique de la diffusion industrielle à l'ensemble des agricultures du monde, qui repose d'une part sur le développement du capitalisme et d'autre part sur celui de la technoscience, les deux étant étroitement imbriqués puisque la concentration du capital est rendue possible par l'utilisation croissante de cette dernière (mécanisation, motorisation, développement de la chimie et de la génétique, utilisation du GPS, etc.) ». Estelle Deléage critique l'agriculture « dite de firme », les accaparements de terres (land grabbing), les agrocarburants, la « sécurité alimentaire ». Sur ce dernier point, elle fait une juste distinction entre sécurité et souveraineté alimentaire comprise comme « la possibilité pour les populations de définir leur politique agricole et alimentaire afin d'assurer leurs besoins essentiels ». L'auteure souligne aussi « une artificialisation toujours plus poussée de la nature ». La domination économique se double d'une domination politique, et se traduit par l'éviction d'une partie de la population agricole ou sa paupérisation.

L'analyse de la pauvreté ne reste pas limitée à sa réduction à la dimension monétaire, « la pauvreté doit être analysée comme une construction sociale, c'est-à-dire qu'elle doit être envisagée en termes de non-satisfaction des besoins vitaux (s'alimenter en tout premier lieu) mais également du point de vue du manque de liens sociaux ou de ressources culturelles ».

Dans le second chapitre, l'auteure présente « Les chemins de la résistance paysanne », dont la Via Campesina, les critiques du productivisme agricole ou de uniformisation des espaces, les conséquences en termes d'évolution de la consommation alimentaire (par exemple « mangeur sans saison »), les nécessaires autonomies à construire. Estelle Deléage traite l'obsolescence alimentaire, « née avec l'extension de la date de péremption », les destructions massives de denrées alimentaires, la disparition de « très nombreuses variétés de fruits, de légumes, de céréales et d'animaux ».

« L'agriculture hors sol qui s'affranchit de l'espace en réduisant les temps de production constitue l'exemple emblématique de ce rapport instrumental au temps et à l'espace dont il faut s'extraire ».

Elle plaide pour la « diversité de modes de production », la co-production de savoirs, les relocalisations de la production (les exemples donnés sont particulièrement instructifs).

Dans un court épilogue « Pourquoi est-il aujourd'hui nécessaire de lutter avec les paysans », Estelle Deléage, indique que « les termes de modernité et de modernisation » doivent être réinterrogés. Il faut donc « un mouvement social à l'échelle internationale » des résistances qui ne peut être compris comme la « juxtaposition d'initiatives locales ».

Je regrette que la place particulière des femmes dans les paysanneries ne soit pas analysée.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
C'est dans ce contexte d'extension du modèle agricole productiviste qui repose sur la division du travail et le développement de la société de consommation que de très nombreux paysans et agriculteurs inventent un autre rapport au temps, à l'espace, à la terre, aux autres et au monde.

Au Nord comme au Sud, ils mettent en œuvre une agriculture écologique qui tient compte des caractéristiques des agro-écosystèmes en valorisant les savoir-faire des paysans et des agriculteurs qui les ont façonnés durant des millénaires.

Cette agriculture écologique repose par conséquent sur des interactions savantes entre nature, technique et société dans une perspective de préservation sur le long terme des écosystèmes et des populations dans toute leur diversité. (...)

Il s'agit de construire une agriculture qui pense les rapports homme/nature dans une perspective dialectique et qui repose sur une diversité de MODES de production pour renoncer définitivement à l'unidimensionnalité du MODELE productiviste dominant.

Ces modes de production s'inscrivent dans une temporalité qui participe à une forme de décélération puisqu'il s'agit de respecter les cycles de la nature et, par conséquent, de renoncer à une accélération permanente des processus de production.
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La nouvelle classe dominante comprend aujourd'hui les grands propriétaires fonciers des exploitations latifundiaires d'Amérique latine, les agriculteurs-entrepreneurs dans certains pays d'Europe et d'Amérique du Nord, les entreprises multinationales ou les fonds d'investissement dans le contexte de développement du land grabbing, certains Etats - souvent associés à des entreprises privées qui assurent l'organisation de la production - dans de nombreux pays du Sud, et partout sur la planète les chefs d'entreprise de l'agro-industrie d'amont (semences, engrais, pesticides, machines agricoles, etc.) et d'aval (industrie agro-alimentaire) ainsi que tout le secteur bancaire.

La classe dominée réunit tous les paysans et les agriculteurs qui n'ont plus que leur force de travail à vendre en étant partiellement ou totalement dépossédés de tout moyen de production : paysans sans terre, paysans et agriculteurs marginalisés par le processus de développement, agriculteurs "modernes" endettés. Ainsi, lorsqu'un agriculteur "moderne" est endetté jusqu'à la fin de sa vie, c'est bien la banque, le Crédit Agricole en France, ou l'intégrateur pour lequel il travaille, qui détient, in fine, son capital.

(...) L'opposition frontale entre deux classes, l'une propriétaire des moyens de production, l'autre n'ayant que sa force de travail, est en ce sens toujours très pertinente pour décrire les rapports de domination économique à l'œuvre dans le monde agricole,
même si cette bipolarisation n'oppose bien sûr plus la bourgeoisie au prolétariat tels que les définissaient Karl Marx et Friedrich Engels.
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Cette société de consommation fonctionne, perdure et s'étend spatialement (vers les pays du Sud aujourd'hui) grâce à l'obsolescence programmée - ou planifiée - en particulier des denrées alimentaires.

(...) Bernard London, courtier en immobilier new-yorkais (...) publie en 1932 un court texte dans lequel il propose d' "en finir avec la crise (de 1929) grâce à l'obsolescence planifiée". Cette dernière a donc été pensée comme un moyen - salvateur pour London, en particulier en temps de crise - d'entretenir la consommation en organisant l'usure des produits.

Cette obsolescence programmée (usure créée artificiellement) accompagne deux autres formes d'obsolescence : l'obsolescence technique (usure des machines liée au progrès technique) et l'obsolescence psychologique ou symbolique (déclassement lié à la publicité et à la mode).
Elle s'est diffusée dans et par le développement de la société de consommation à travers différentes phases, la plus ancienne étant liée à l'apparition du jetable, la plus récente à celle de l'obsolescence alimentaire.

(...) Très précisément, l'obsolescence alimentaire est née avec l'extension de la date de péremption dans le domaine de l'alimentation. (...)

Si les destructions massives de denrées alimentaires ont existé avant le développement de la société de consommation, elles ont toujours été conjoncturelles et sont donc très éloignées de la logique structurelle de destruction massive des produits alimentaires, liée à l'agriculture productiviste qui organise la surproduction permanente (tout en maintenant une inégale répartition de la production à l'échelle de la planète) (...)

Plus encore, l'agriculture productiviste constitue en elle-même une obsolescence programmée car tout le système est organisé pour que les agriculteurs rachètent en permanence des semences (c'est le principe même des organismes génétiquement modifiés ou des semences hybrides), des engrais de synthèse (parce que leur efficacité est éphémère), du matériel agricole, etc.
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Dans la logique technoscientifique, la science entretient une relation instrumentale et non plus contemplative au réel ; la technique qui était jusque-là totalement séparée de la science, devient alors la médiation nécessaire à la réalisation de la connaissance du monde, d'où l'association des deux termes dans celui de technoscience.

Mise en œuvre sur près de cent cinquante ans dans les pays qui ont connu la première révolution industrielle et ayant, de ce fait, en partie trouvé une "réponse" - certes toute provisoire - au moins en terme d'emploi pendant la période des Trente Glorieuses, cette modernisation se réalise à marche forcée depuis une trentaine d'années sur le reste de la planète.

Elle se caractérise aujourd'hui par le développement d'un capitalisme transnational et donc globalisé (...) Le capitalisme transnational trouve aujourd'hui son expression la plus achevée avec l'apparition, relativement récente, d'une agriculture dite de firme. (...)
De manière schématique, l'agriculture de firme la plus représentative de l'extension du capitalisme est celle qui pratique le land grabbing (accaparement de terres) : "Les acquisitions ou concessions massives de terres sont les pièces maîtresses, dans le domaine agro-alimentaire et foncier, de la généralisation d'une logique économique néolibérale (...)"

(...) Ce land grabbing constitue un accaparement de terres par les pays du Golfe (Qatar, Arabie Saoudite, etc.), les Etats-Unis, certains pays européens ou asiatiques comme le Japon ou la Chine dans des pays en développement (du continent africain principalement) ou émergents (Argentine, Brésil, Indonésie).

Cet accaparement est le fait des Etats eux-mêmes, des entreprises multinationales, des fonds d'investissement voire plus marginalement de particuliers ...
Précisément, l'extension du land grabbing remonte à 2007-2008, années des émeutes de la faim dans de nombreux pays du Sud.
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Réfléchir à la fin des paysans, c'est finalement tenter de répondre aux questions suivantes :

pourquoi, en ce début de XXIe siècle, selon les catégories statistiques de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation), la population active agricole mondiale ne représente plus que 39,9% du total alors qu'elle s'élevait à 67,1% en 1950 et encore à 48,9% en 1990 ?

Pourquoi 868 millions d'habitants n'ont pas accès à un apport nutritionnel énergétique suffisant pendant que 500 millions de personnes souffrent d'obésité ?

Pourquoi les trois quarts des pauvres sont des ruraux et la majorité de ceux et celles qui souffrent de la faim, des paysans vivant dans les pays en développement, en Afrique en particulier ?

Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés à cette situation alors qu'une agriculture écologique pourrait largement couvrir les besoins vitaux de l'ensemble des habitants de la planète ?
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