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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
N°459 - Octobre 2010
Quelque chose en lui de BartlebyPhilippe Delerm Mercure de France.
Le titre de ce roman évoque une chanson connue, mais qu'en est-il, et d'abord qui est ce Bartleby et qui se cache derrière ce « lui »?

Selon l'auteur, Bartleby est le nom d'une nouvelle d'Herman Melville (l'auteur de Moby Dick), c'est aussi le nom du personnage principal, simple employé aux écritures de Wall Street qui tout d'abord se montre discipliné, travailleur, lisse, solitaire mais qui, avec le temps, s'oppose à son patron en refusant de faire certains travaux en déclarant systématiquement « Je ne préférerais pas ». Peu à peu il cesse tout travail, s'installe définitivement dans son bureau où il finit par habiter et refuse même son licenciement par son patron!

« Lui », c'est Arnold Spitzweg, c'est le type même de l'anti-héros, simple employé de « La Poste », modeste, casanier, célibataire, solitaire, malgré une brève aventure avec une de ses collègues, demeurant dans deux pièces 226 rue Marcadet à Paris et cela dure depuis 20 ans, depuis qu'il a quitté son Alsace natale! Malgré son travail, il est imperméable à l'informatique, normal, il n'est pas né avec! A force d'être moqué par ses collègues, il va se mettre à tenir un blog, nom bizarre, « espèce de borborygme scandinave, moitié blizzard moitié grog », une sorte de journal intime qui ne l'est plus guère puisque confié à Internet. Il y confesse son envie de silence, de solitude, ses goûts simples pour la glace au café, le cigarillo où le plaisir de flâner dans Paris, surtout l'été, c'est à dire l'inverse de ce qui est la modernité, l'hyperactivité...

Tout cela est bel et bon, mais Bartleby la-dedans? Certes Arnold lui ressemble un peu et chacun d'eux marque sa différence à sa manière, pourtant notre postier reste un fonctionnaire modèle, respectueux de sa hiérarchie et de son travail.
Pour lui, ce blog sera son originalité, il y parle surtout de son quotidien, de la solitude sans qu'on sache très bien s'il la recherche ou s'il la subit [« Au Luxembourg où naissent vite les conversations sur le sens de l'existence, (il) évite les bancs... Il se choisit un fauteuil vert pâle, à défaut une chaise. Il se redit cette phrase de Léautaud qui le ravit « ce que j'ai dans la tête me suffit »]. Pour que les choses soient bien claires il baptise sa chronique du nom d' « antiaction. com ».

Le plus étonnant c'est qu'on finit par parler de lui à la radio et que, chose étrange sans doute, on goûte son écriture au point qu'on songe pour lui à une édition! Ainsi Arnold qui ne voulait pas entendre parler de l'informatique, qui souhaitait surtout rester anonyme devient sujet de conversation, surtout de la part des femmes, reçoit des e-mails auxquels il ne répond jamais, découvre qu'il aime être aimé et être connu![« Il a là-dessous une angoisse métaphysique. Un besoin d'exister qui ne repose sur rien. Çà, c'est vraiment notre époque. Çà m'horripile évidemment. Mais bizarrement ça me concerne »]. Il sort tellement de l'anonymat que son amour de jeunesse qu'il n'avait cependant pas oublié se manifeste à nouveau grâce à la toile.
Que fera-t-il? Sortir de sa condition de quidam et devenir quelqu'un d'autre est-il si tentant? L'exergue qui, comme la préface fait partie d'un récit et que bien entendu il faut lire, nous avertissait déjà « Il n'y a pas de grandes vies, il n'y a pas de petites vies » Alors!

J'arrête là pour ne pas déflorer ce roman, présenté en courts chapitres et décliné dans une belle écriture, agréable à lire et avec parfois des accents poétiques, comme toujours chez Delerm. le décor parisien procure un dépaysement bienvenu, loin de l'agitation quotidienne du métro et des affaires médiatiques surtout quand l'auteur y met une touche bucolique.

Cela dit, on peut se poser moult questions. Quelle est la valeur de l'écriture et pourquoi la pratique-t-on? Est-elle un réel besoin et quelle est sa véritable raisonnance? Peut-on vouloir rester réellement anonyme en confiant ses états d'âme à Internet?Quid de la notoriété? Malgré tout, nous sommes dans une société de plus en plus indifférente aux autres mais où la réussite individuelle prime. Être différent est-il aujourd'hui bien reçu dans un monde en perpétuel mouvement, en quête d'uniformisation?... Internet a quelque chose de fascinant et de mystérieux, de dangereux aussi...
Beaucoup peuvent se retrouver dans ce personnage du blogueur sur qui se braquent un temps les projecteurs de la renommée pour l'abandonner ensuite...

J'ai bien aimé ce roman dans la lignée de ce que j'avais déjà lu de cet auteur.



Hervé GAUTIER – Octobre 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Autant le dire tout de suite, j'ai beaucoup aimé ce petit livre que j'ai sorti de ma PAL où il dormait depuis au moins un an. Il raconte un bout d'histoire d'Arnold. C'est un personnage solitaire, par choix, qui aime profiter de ce que la vie offre, pas du côté matériel ni dans une frénésie d'activité, mais prendre le temps de regarder, d'apprécier ce qui se passe autour de lui, et ce d'une manière presque égoïste. J'ai aimé l'idée du blog qu'il écrit pour lui-même, pour consigner ses réflexions sur tout et rien, et dont le succès s'emballe parce qu'il est "dans l'air du temps", ce que notre Arnold représente si peu. J'ai enfin aimé cette allusion au Bartleby de Melville dont la lecture m'avait marquée il y a de nombreuses années.

J'ai retrouvé avec plaisir l'auteur qui sait si bien saisir les petits détails de la vie, d'une plume très agréable à lire. Un bon moment de lecture, une sorte de parenthèse estivale, loin de l'actualité, une sorte de bulle que je vous recommande.

Lien : http://la-clef-des-mots.e-mo..
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Avec ce livre j'ai retrouvé le plaisir que j'ai gardé en mémoire de ma lecture de la Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, que j'ai lu il y a quelques années. de la lenteur, de la flânerie, de "l'antiaction", comme le nom du blog du personnage principal Arnold Spitzweg.
Ce personnage est vu comme une sorte de Bartleby, le personnage de Hermann Melville, mais celui-ci est tout de même plus expressif et plus actif selon moi.
Bref, j'ai pris plaisir à lire ce livre, un de ces plaisirs minuscules que connait Philippe Delerm.
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Philippe Delerm nous livre un roman, inspiré et partiellement transposé, de Bartleby le Scribe, d'Hermann Melville, écrit en 1853. Petit rappel : Employé en qualité de copiste dans un cabinet juridique, Bartleby en vient peu à peu à ne prononcer qu'une seule phrase, énigmatique : « I would prefer not to », « Je préférerais ne pas… » ou « J'aimerais mieux pas ».
Au-delà de l'absurdité des tâches administratives qu'il réalise avec zèle, son attitude critique le processus d'aliénation par le travail, propre aux sociétés industrielles. A travers cette petite phrase en apparence inoffensive, c'est toute la logique productiviste du XIXe siècle qui vacille dans ses fondements rationnels. Bartelby qui fut un employé modèle est devenu, pour de nombreux admirateurs, le symbole de la résistance passive. Ne laissant aucune prise permettant d'avoir de l'emprise sur lui, il condamne tout le système économique très hiérarchisé de son temps.
Delerm reprend l'idée centrale de cette fable, mais la traite sous la forme intimiste d'un roman d'atmosphères, succession de tableaux -scènes de la vie parisienne. Arnold (alias le petit Bartelby) est un employé modeste de la Poste, ses deux seules collègues, son petit chef et son grand chef ponctuent sa vie sociale réduite de leurs réflexions, chacun sa place avec la posture qui va avec. Arnold maintient de grandes distances avec chacun, il ne se passera pas grand-chose de ce côté-là, il n'en reste pas moins que la caricature de ces liens convenus, dans le cadre professionnel, est réussie.
La vie d'Arnold, célibataire endurci, est marquée par les habitudes, la solitude dénuée de souffrance, la nostalgie. Reste ces petits moments de bonheur, ces petites gorgées de joies banales : un pique-nique sur le quai de la Tournelle, rien n'est anonyme, surtout pas les lieux, Paris constitue un personnage à part entière du roman ; des rêveries au Train Bleu, gare de Lyon ; les odeurs du métro et des corps qui y transitent en plein été ; une déambulation entre le bassin de la Villette, jusqu'au canal de l'Ourcq sans dépasser le périph, bien sûr ! scènes de tango et de Tai-chi aussi.. Les saisons, le temps qu'il fait tiennent aussi une grande place.
Lecteur babéliote, parisien, ou qui comme moi le fut quelque temps, ces pages sont du miel ! de l'essence essentielle signée philippe Delerm.
Pour le reste, l'idée intéressante de création d'un blog intitulé www.antiaction.com par Arnold Spitzweg, qui lui permet un exercice d'écriture prometteur et qui le sortira, très transitoirement, de l'anonymat, et lui apportera une belle et courte revanche sur son grand amour « avorté » d'adolescent, aurait pu être un excellent filon. J'ai trouvé que ce filon a été est insuffisamment exploité dans ce roman. Certes, le petit Bartelby ne pouvait que s'en tenir à son « j' aimerais mieux pas » , il s'autorise tout en s'obstinant à rester un spectateur, non voyeur, de la vie des autres, à butiner juste ce qu'il faut pour ne pas quitter son état de "désespérément optimiste" bien enfermé sa prison dorée de célibataire, par ailleurs très faiblement empathique dans ses liens aux autres.
Son destin est moins tragique que l'antihéros de la fable de Melville, est-ce là la marque des passions tristes qui caractérisent notre époque ?
Carpe diem, mais sans Eros et avec grande modération !
Vous l'avez compris je suis resté sur ma faim, heureusement le talent de l'auteur sauve ce qui aurait pu n'être qu'un court roman ennuyeux. En conclusion : « Parfois, il suffit d'un tout petit rien. Un petit souffle qui te murmure « La vie est belle etc… »
Bonne lecture !
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J'ai passé un bon moment en compagnie d'Arnold Spitzweg. Il a l'art de parler des petites choses qui font tout, des petits rien qui nous font. C'est intéressant de pouvoir philosopher sur les détails anodins de la vie, parce qu'en cherchant à gratter ce qui parait anodin au premier abord, on arrive à en extraire ce qui fait l'essence du bonheur simple. L'anodin, c'est le ciment du quotidien. Une lecture qui se savoure tranquillement, bouchées après bouchées, sur un banc publique ou à la terrasse d'un café sur des Saint-Pères ...
C'est ma première incursion dans l'univers de Philip Delerm, ça ne sera pas la dernière !
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