Trouvé par une amie dans la boutique du petit Palais où nous venions de voir l'exposition sur Carl Larson, je viens de finir ce petit roman, qui de frais, charmant et décrivant le monde des artistes fin XIXème, à un rythme aussi doux que les couleurs des aquarelles de Larson, va s'approcher de questions plus sérieux sur la peinture et l'art de vivre avec cette passion.
Pour qui s'intéresse à la façon dont vivait une colonie d'artistes étrangers en France, trouvera ici une description intéressante. Ils étaient venus s'installer près de Barbizon pour capter une lumière qu'ils n'avaient pas beaucoup chez eux. Venant du Danemark ou de Suède, seuls ou en couple, ils s'installaient dans la propriété de l'un dentre eux, mécène et passionné, mais à qui il manquait une touche de génie. Ulrik est celui qui va parler dans le livre, se nourrissant autant de la peinture des autres que de leur faculté à vivre heureux, simplement, ensemble, sans se soucier du lendemain, autrement que pour organiser une fête. La peinture, le bonheur, et l'amour, qui va les unir naturellement.
de cette maison, certains vont repartir dans leur pays d'origine, irremplaçable, les Larson vont pouvoir construire la leur, y ajoutant une forme de bohème, de légèreté, en communion avec la nature, et qui dès le premier jour accueillera les amis. Regarder les aquarelles de Larson en même temps que lire ce livre est une parfaite illustration de leur vie dans ce qui fut un paradis.
On se serait presque cru dans le monde des bisounours si à un moment Ulrike souvent présent en demie teinte, va rompre cette unité, en posant la vraie question : peut-on concilier sa passion et son amour, sans que l'un ou l'autre ne soit dans l'ombre. En fait, c'est assez subtil mais on devine une forme de mélancolie, voire de tristesse chez Ulrike qui endosse le rôle de spectateur de la vie des autres. Mais la propension des Larson à distribuer une joie de vivre autour d'eux atténue l'amertume de certains
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Né dans l'enfer des bas quartiers de Stockolm,, le peintre Carl Larson a voulu répandre la joie à travers sa peinture pour proner un possible accés au bonheur. Entre 1882 et 1885 il rejoint à Grez en nemours un groupe de peintres scandinaves pour tester la lumière vantée par les impressionistes. Fidèle à l'aquarelle il chante l'harmonie homme/nature dans des compositions bucoliques aux reflets chatoyants. Limité dans son choix de couleurs par l'atmosphère humide il repart en Suède à Sundborn véritable paradis pour huiles lumineuses.
L'auteur évoque ici l'impossible conciliation de l'art et les nécessaires compromissions de l'existence ainsi que la célébration de la joie de vivre à travers la peinture de Carl Larson. Car malheureusement les peines surgissent souvent sur les chemins les plus lumineux telle la perte d'un fils qui fera fléchir la foi du peintre en un bonheur éternel. Mais toute lumière ne s'intensifie t elle pas lorsque les ombres la mettent en valeur?
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Sundborn ou les jours de lumière nous invite à partager le quotidien d'un groupe d'artistes scandinaves de l'intérieur à la fin du 19ème siècle. Il y est question d'art bien sûr, de lumière, du bonheur, mais surtout de trouver sa place au sein d'une petite communauté de peintres. Tout ceci est très bien écrit par Philippe Delerm.
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ce courage qu'ont les Scandinaves pour arrêter le temps, pour se regarder vivre l'instant, n'a rien d'un conformisme. Chez moi... D'abord il y avait peu de fêtes. Mais quand c'était la fête, les soirées se passaient sans que jamais personne n'ait su dire aux autres qu'il les aimait. Appelles-tu cela de la pudeur ? Alors, j'aimerais bien ne plus jamais être pudique. La vie passe, on se perd. Mais quand on se rassemble, surtout pas de sentimentalisme. On fait assaut d'esprit, d'ironie, on se dispute pour une pièce de théâtre ou pour de la politique. Voilà comment les choses se passent en France. Je sais trop l'amertume qu'il en reste, à la fin d'une vie. Aimer les gens quand il n'est pas trop tard, au prix même d'un peu d'emphase... Risquer ce ridicule est beau, Julia. C'est chaud et c'est vivant. Nous ne sommes pas nés seulement pour demeurer pudiques...
Nous sommes tous en quête de lumière.Mais cette lumière passe sur les choses, les êtres que nous aimons. Ce que tu appelles un peu dédaigneusement le bonheur, c'est cette fragilité de la lumière qui s' arrête une seconde sur notre petit spectacle. Pour moi, la beauté du décor vient aussi du talent des personnages..
-Oui, reprit Soren en écho. La vie n'est pas si méprisable. On n'a encore rien trouvé de mieux!
La plupart des embarcations avaient été tirées sur le sable, et les enfants y déposaient leurs vêtements pour aller se baigner. Il avait ébauché une scène joyeuse où l'on voyait les enfants nus se risquer frileusement dans l'eau.Puis il avait différé ce premier objet pour s'intéresser à une petite fille, orteils à nus, en robe bleu marine et chapeau noir.
-Tu ne vas pas te baigner ? demanda-t-il en s'approchant, le pinceau à la main.
-J'aime pas l'eau, répondit la fillette avec une moue boudeuse, sans le regarder.
La mort, l'absence;pour moi ces mots n'avaient pas perdu leur sens, mais gagné au contraire une dimension différente. Doué d'un étrange talent pour vivre le présent, je regardais mes amis peintres détacher l'instant, le poser sur la toile. Chez moi, l'instant demeurait virtuel, inassouvi; mais je ne le buvais pas vraiment.
La poussière presque blanche de la cour vole au moindre souffle, danse et blondit dans les rais de soleil. Devant moi le pot à eau, un verre de sirop d'orgeat. Cette odeur d'amande douce à la première gorgée, cette sensation de boire le calme de l'après-midi tout entier, la paix des jardins ensilencés, le village enclos dans ses rites minuscules.
Rentrée littéraire 2023 - "Les Instants suspendus" de Philippe Delerm
« Ce n'est pas un éblouissement, pas une surprise. On est tout à coup dans cette lumière-là, comme si on l'avait toujours habitée. On vient de sortir du tunnel. le train n'a pas changé de cadence, il y a juste eu un petit crescendo dans la musique, moins un bruit de moteur qu'une tonalité nouvelle, offerte au vent. Une infime parenthèse entre deux talus, et d'un seul coup : le paysage. Montagne, lac ou forêt, château en ruine ou autoroute, on sait tout absorber, tout devenir. »
Comme on les chérit, ces instants suspendus dans nos vies.
Passer le doigt sur une vitre embuée. La mouche de l'été dans la chaleur de la chambre. le jaillissement du paysage à la sortie du tunnel ferroviaire…
Philippe Delerm n'invente pas ces moments, il les réveille en nous. Il leur donne une dimension d'horizon infini. On ne savait pas qu'on abritait tous ces trésors, Delerm les met en écrin. Entre humour subtil et nostalgie, un recueil dans la droite ligne de ses grands succès, La Première Gorgée de bière, La Sieste assassinée ou Les Eaux troubles du mojito.
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