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Dominique Blanc (IV) (Traducteur)
EAN : 9782864326038
284 pages
Verdier (14/01/2010)
3.23/5   22 notes
Résumé :
Mario vient de mourir. Près de lui, sa femme veille et entame à son adresse un long monologue au cours duquel elle évoque leur vie commune.
Ainsi, à travers le regard négatif de son épouse, petite bourgeoise provinciale conformiste et frustrée, se dessine peu à peu la figure heroique de cet intellectuel, opposant au régime franquiste,dépourvu d'ambition sociale et soucieux de sa propre intégrité morale.
Loin de s'en trouver appauvris, les deux pesonnag... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Lu en v.o. Cinco horas con Mario.

Voila un livre qui a sa sortie en 1966 a ete ressenti comme une bouffee d'air frais et a depuis ete salue comme un petit chef-d'oeuvre. Mais beaucoup d'eau et beaucoup d'encre ont coule sous les ponts depuis que Franco se targuait sur tous les murs d'avoir amene “25 Anos de Paz!”, 25 ans de paix, et que tout le monde savait que c'avaient ete 25 ans de baillonnement, 25 ans d'etouffement, et pour de tres nombreux 25 ans de malheur. Lu aujourd'hui, en plus de ses qualites litteraires j'y vois un document sociologique tres bien cible sur son temps, mais je n'irais pas jusqu'a le qualifier de chef-d'oeuvre.


Et c'est quoi ce livre? Un long monologue. le monologue d'une femme qui vient de perdre son mari, victime d'un infarctus. Une fois la famille et les amis venus presenter leurs condoleances partis, elle va le veiller toute la nuit, le veiller et lui parler, lui faire part, enfin, de ses doleances. Lui egrener tous les reproches qu'elle n'a jamais eu le courage de lui adresser en vie.

Son monologue, ses rancoeurs et ses reproches la devoilent: une petite bourgeoise que “l'ordre” franquiste tranquillise surement. En fait elle developpe un “dictionnaire des idees recues" de l'Espagne traditionnelle. Les femmes doivent aspirer a se bien marier et pas a faire des etudes. Elles doivent evidemment garder leur virginite pour leurs maris, apres une longue periode de fiancailles. Les pauvres doivent se contenter de leur sort. Ils sont necessaires; s'il n'y avait plus de pauvres, comment accomplirait-on le tres chretien commandement de charite? L'immobilite sociale est une volonte divine. Les protestants sont la gangrene de l'Espagne (fort heureusement, il n'y a plus de juifs) et les nouveaux papes, avec leurs conciles conciliants, affaiblissent les vrais chretiens. Les francs-macons, caches, essayent de saper les assises de toute societe saine et de semer partout l'anarchie, a leur seul profit. le bon ordre social c'est que “chacun reste a sa place".

Et c'est la que le bat la blesse et qu'elle se repand en reproches envers son defunt mari, Mario. Prof de lycee, il ecrit des articles qui lui valent des amendes quand ils ne sont pas censures. Il fraternise avec des pauvres et prone leur droit a l'ascension sociale. Il fait campagne pour des amnisties politiques. Pour lui les prostituees sont des victimes et non des pecheresses. Il denonce le nepotisme et la corruption des gens au pouvoir (les gens de sa classe, grands dieux!). Son integrite (pour elle fierte deplacee) lui a toujours interdit des flatteries a ceux qui auraient pu leur octroyer un plus grand appartement. Il n'a jamais accorde de l'importance a l'argent, a la richesse (il roulait a bicyclette, comme un vulgaire ouvrier!), la laissant rever ne serait-ce que d'une Seat 600 que pratiquement tout le monde pouvait se permettre deja. En plus il a toujours montre envers elle une trop grande pudeur, trop de retenue, quand elle a surement ete eduquee a apprecier une “hombria" plus accentuee, un machisme plus cru. Dans la rue elle rougissait (d'aise?) quand on lui lancait “que buena estas!”, “que tu es bonne!”, et dernierement elle a failli, malgre sa pruderie de façade, passer a l'acte avec un vieil ami qui l'avait toujours desiree, mais qui s'est repris au dernier moment. Et ce n'est qu'a la fin de son monologue qu'elle devoile cela et enjoint son defunt mari de croire qu'elle aurait de toutes facons arrete d'elle meme “je le jure par ce que tu as de plus sacre, Mario, crois moi! […] je deviendrai folle si tu ne me crois pas, […] ton pardon est pour moi une question de vie et de mort!” L'aimait-elle malgre tout? Ou simplement essaie-t-elle de rerentrer dans son credo tranquillisant? Cela reste ouvert a l'interpretation du lecteur. Et oui, il est possible qu'il y ait de l'amour, partage, entre deux personnes si dissemblables.


Mais je reviens a l'auteur, a Delibes. C'etait un chretien croyant qui avait lutte pendant la guerre civile dans les rangs des franquistes, mais qui avec le temps s'etait emu des tensions sociales, de la detresse que provoquait le regime. Pas un homme de gauche, surement pas un revolutionnaire, mais un liberal aux profondes inquietudes sociales, un catholique soutenant les changements promis par le concile Vatican II. Avec ce livre il reussit le tour de force de critiquer le regime par les idees de ses supporters, pas en les attaquant de face mais en les ridiculisant un peu, avec une feinte innocence. Cela lui a permis de passer outre la censure et de donner un heros litteraire, Mario, aux espagnols baillonnes. Parce que ce livre, ils ont pu le lire, contrairement a d'autres oeuvres antifranquistes de l'epoque qui n'ont pu etre editees qu'a l'etranger et sont restees donc inconnues en Espagne jusqu'a la mort de Franco, comme La peau de taureau de Salvador Espriu ou Pieces d'identite de Juan Goytisolo. Alors ce livre, ils l'ont plebiscite.


Lu de nos jours il conserve sa valeur litteraire, due surtout au langage utilise, un langage parle mais pas trop bas, pas trop populaire, et il s'adjuge en plus une parure de temoignage sociologique sur son epoque, sur d'anciens courants d'idees et leur conflit avec le devenir.


P.S. Je dois avouer que jusqu'a ce precis instant j'etais gene par le fait que Delibes ait choisi une femme pour exprimer les idees et les croyances d'un conservatisme obtus. Et c'est seulement en ecrivant ces lignes – parce que j'ecris en francais – que je saisis que le prenom de cette femme n'a surement pas ete choisi par hasard. Carmen. Carmen n'est pas le nom avec lequel un illustre francais avait caracterise l'Espagne?
Et au fait, Delibes? Ah! Oui, son grand-pere etait francais.
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N°462 - Octobre 2010
Cinq heures avec MarioMiguel Delibes – Éditions de la découverte.
Mario Diez Collado, petit intellectuel de province et fervent humaniste, opposant au franquisme, intègre et désintéressé, vient de succomber à un infarctus à l'âge de 49 ans. Carmen, sa veuve, procède à sa toilette funéraire, le veille, fait face à la traditionnelle mais douloureuse cérémonie des condoléances. A cette occasion incontournable, elle entend tous les truismes qu'on exprime d'ordinaire en pareilles circonstances. C'est un salmigondis d'hypocrisies, de regrets sincères, entre voyeurisme, désir de consolation, volonté de paraître fort et envie de se laisser aller. Une véritable épreuve!

Quand tout ceci est terminé, Carmen s'installe aux côtés de Mario, en compagnie d'un exemplaire de sa Bible dont il a souligné certains passages et entreprend de régler ses comptes avec lui. Dès lors, tout ce qu'elle ne lui a pas dit de son vivant revient, entre refus d'acheter une voiture et écriture cachée de poèmes qui lui étaient destinés, son parcours un peu difficile d'écrivain incompris, son refus de s'installer confortablement dans une vie bourgeoise... Tout y passe et à travers les reproches que lui adresse, à la première personne, cette femme profondément catholique et à la mentalité de petit bourgeois, le lecteur découvre son véritable portait. C'est une dévote, engluée dans les valeurs de l'Espagne traditionnelle, puritaine et rigide, frustrée d'avoir été toute sa vie cantonnée aux tâches familiales et d'avoir dû vivre dans l'ombre de son mari. de même, à travers ses propos pleins de rancoeurs et parfois de fantasmes, entre amour et mépris, apparaît la véritable figure de son époux, petit professeur idéaliste, dénué d'ambition mais épris de justice.

A travers les propos acerbes et parfois mesquins de la jeune veuve on devine le gouffre qui séparaient les deux époux qui ne se ressemblaient pas. On sent que ses aveux couvaient depuis si longtemps qu'ils ne pouvaient pas ne pas être exprimés avant qu'on ne l'ensevelisse et ce d'autant qu'ils sont exprimés avec la Bible pour témoin. Il fallait qu'il soit présent physiquement pour qu'elle lui exprime une dernière fois tout ce qu'elle avait sur le coeur, tout ce que sa vie avait creusé en elle de désillusions et de remords dont il était, bien entendu, responsable. Au cours de cette nuit qui pour Mario annonce celle de l'ensevelissement, elle sent venir vers elle la solitude et le désespoir du veuvage qu'un traditionalisme exacerbé empêchera une nouvelle union avec un autre homme. Elle chérit peut-être encore cet époux mort, mais pendant les quelques heures de cette nuit qui précédera les obsèques elle refait à l'envers le parcours de ce couple dont la vie était vouée à l'échec mais un échec accepté, avec, malgré les apparences sa solitude, ses incompréhensions, les refuges de chacun pour échapper au quotidien. Peut-on dire que ce long monologue devant un mort est apaisant? Peut-être?

Alors, portait d'une société espagnole engluée dans le franquisme, peut-être, celui d'une facette de la condition humaine sans doute aussi, et assurément la remise en cause de cette idée reçue que le mariage réunit deux êtres faits l'un pour l'autre. Ce livre écrit en 1966 est plein du traumatisme de la Guerre Civile qui déchira le pays et de la dictature qui suivit autant que que le désamour qui présida à la vie de ces deux êtres que tout opposait et pour lequel le divorce et l'adultère étaient impossibles. C'est une sorte de roman d'amour à l'envers à travers ce monologue caricatural, une tentative de dépasser par l'écriture les dérives d'une société figée dans le conservatisme et l'immobilisme.





Hervé GAUTIER – Octobre 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Mario vient de mourir, sa femme Carmen se receuille devant son corps inerte pendant toute une nuit.
Miguel Delibes parle ici à travers cette jeune veuve chrétienne et enfermée dans tous les à prioris et clichés possibles et inimaginables!
Il nous critique alors l'Espagne du régime Franquiste, ses moeurs et ses croyances.
Carmen critique Mario, il n'était pas comme tout le monde, trop marginal, comme les gens le la classe d'en dessous.

Dans ce récit, l'ironie est minutieusement travaillée, cela en devient révoltant. Carmen étant tellement aveugle sur la société! Elle en vient même à tenir des propos quasiment racistes... Elle parle avec une telle conviction!

Un récit à connecter avec les moeurs de beaucoup de gens d'aujourd'hui...
Malheureusement.
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Ouh là , comme le style paraît lourd de prime abord...beaucoup trop de répétitions, ça irrite. mais c'est aussi la traduction qui n'est pas bonne...
En faisant abstraction de ça, on arrive à se plonger dans la vie de ce couple disparate, raconté par la femme dans un monologue, auprès du lit de mort de son mari. On y découvre petit à petit des caractères et des visions du monde que tout oppose, au milieu d'une période trouble.
A travers la vision réactionnaire de Carmen, on voit se dessiner un portrait de son mari, et les incompréhensions grandissantes entre les deux. C'est plutôt bien amené dans l'ensemble.
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Un des pires livres que j'ai jamais lu! Un livre à étudier, mais pas à lire pour se détendre! D'une longueur et d'une répétition abominable (mais voulue)... Un conseil, lire une bonne partie du début, et une bonne partie de la fin! Promis vous n'aurez rien raté, et vous apprécierais sûrement ce livre...
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