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Critique de MarianneL


Avec en trame de fond les derniers jours gris du franquisme, un peintre se confie en un long monologue, dressant un portrait de la femme qu'il a aimé et qui vient de mourir. Ce monologue s'adresse à l'une de ses filles, qui vient d'être libérée après plusieurs années de détention dans les geôles franquistes, car Franco, cet homme, a enfin fini par mourir lui aussi.

«Souviens-toi de ton découragement des premiers jours. Tu disais : Leo va en perdre les cheveux. Tu te souviens ? Ceux de San Julio non plus n'étaient pas optimistes : Trop de charges contre eux ; l'organisation du Front, la photocopieuse de la villa, les cartons de tracts… Pas moins de six ans ! Mon Dieu, six ans ! Dans ces tristes réunions, c'était elle qui apportait un peu d'espoir. Cet homme ne sera pas éternel ; c'est ce qu'elle a dit la première fois, je m'en souviens. Elle l'a dit sereinement, sans animosité. Elle a simplement dit «cet homme». Elle n'a pas haussé le ton mais, inconsciemment, en le dépouillant de ses titres, elle l'a mis à bas de son piédestal, elle a arraché les médailles de sa poitrine, elle l'a déshabillé.»

Publié en 1991, et traduit en 1998 par Dominique Blanc aux éditions Verdier, «Dame en rouge sur fond gris» est ce portrait admirable que le narrateur ne sut pas peindre de la femme qu'il aimait, le portrait d'une mère idéale, d'une femme qui aimait la peinture et les livres, d'une muse inventive, d'une magicienne pour créer des liens avec les autres, d'une étincelle évanouie trop tôt.

«Elle pensait que le vice ou la vertu de la lecture dépendait du premier livre. Celui qui parvenait à s'intéresser à un livre devenait inévitablement esclave de la lecture. Un livre te renvoie à un autre livre, un auteur à un autre auteur car, contrairement à ce qu'on dit, les livres ne résolvent jamais tes problèmes, ils en créent de nouveaux, de sorte que la curiosité du lecteur n'est jamais satisfaite.»

Sans abîmer ce portrait ni le souvenir de son amour, il dit sans l'éluder la maladie de sa femme et son agonie, il dit sa panne d'inspiration, ses mains encombrantes devenues inutiles et ses mouvements mesquins pour masquer la colère et la peur.

Le roman-tableau d'une femme, «qui par sa seule présence, allégeait le poids de la vie.»
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