Je lis peu pour le boulot.
Peut-être par peur d'être, une fois de plus, encore un peu plus déçu et attristé par le gouffre qui existe entre ce que l'on découvre dans les livres et manuels, ce qui devrait être donc et ce qui finalement fait le quotidien du résident et du soignant en maison de retraite.
Ce gouffre est creusé, il faut bien le dire, par l'indifférence, le manque de formation, l'âpreté au gain et l'hypocrisie.
Pourtant !
Pourtant, il ne m'a fallu feuilleter "Vieillir en institution" que quelques secondes pour, quitte à en ressortir plus chafouin, me décider sans plus attendre à plonger dedans.
L'ouvrage est d'une intelligence et d'une richesse impressionnante.
La réflexion qu'il engendre est profonde et durable.
C'est une mise en mots réussie, une véritable intellectualisation abordable, qui a su garder chacune de ses sources de réflexion bien ancrée dans la réalité de la pratique.
C'est un livre d'où se dégage une grande sensibilité.
Peut-être est-ce dû au fait que ses deux auteures soient des femmes.
Tout au long de ma lecture, j'ai pris des notes, des notes et encore des notes ...
J'ai lu, relu et encore relu ...
Il y a tant à dire sur cet ouvrage dont chacune des lignes, chacun des paragraphes pourrait alimenter une analyse de pratique bénéfique à tous.
Par contre, je ne m'appesantirai pas, ni sur la préface, ni sur l'introduction, signées par deux noms que j'ai déjà oubliés, elles sont toutes les deux inutiles, prétentieuses et agaçantes.
Mais ce livre, s'il est pour le soignant, un véritable outil de travail et de réflexion, est aussi un livre documentaire essentiel pour tous dans la compréhension de ce qui se "joue" derrière les portes de la maison de retraite.
Le propos est complexe mais abordable, intellectualisé mais concret.
Croiser des témoignages de professionnels avec le regard des philosophes, le pari s'annonçait délicat.
Il est réussi.
Ce livre est de ceux qui réconfortent et qui sont un jalon pour un avenir meilleur ...
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La démence disqualifie donc un certain savoir-faire soignant, adapté plus aux normes de la dépendance physique que de la défaillance psychique.
A ce titre, elle déroute les équipes, qui bien souvent redoutent de travailler dans l'unité sécurisé.
Cette appréhension n'est abolie que chez ceux qui abordent le travail auprès du désorienté comme un défi de prise en charge mettant en jeu toutes leurs facultés relationnelles et toute l'ingéniosité dont ils sont capables ...
L'événement de s'installer en maison de retraite, d'y vivre jusqu'à la fin de sa vie de façon irrémédiable et irréversible, définitive est rarement le fait de la réalisation d'un projet, ou l’avènement du processus de la décision, mais la plupart du temps l'oeuvre de la nécessité, la force de l'obligation ...
Être responsable de l'autre jusque dans sa mort est une épreuve qui inflige parfois au soignant la blessure morale de la culpabilité.
Les soignants impuissants devant cet événement inéluctable, conçoivent, souvent, le sentiment de ne pas en avoir fait suffisamment, de n'avoir pas fait ce qu'il fallait ...