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Critique de Alfaric


J’ai décidément de plus en plus de mal avec les auteurs belges de bandes dessinées, qui le cul entre la chaise du classicisme et de celle la modernité arrivent bien difficilement à les marier voire à exploiter les qualités de l’une ou de l’autre. Comme un auteur aussi doué que Jean-Yves Delitte, peintre officiel de la marine belge, parvient-il à commettre des erreurs aussi grossières ? C’est pour moi un mystère…

Niveau dessins :
Les décors sont magnifiques, du bonbon pour les yeux avec des paysages splendides, des bâtiments maritimes et des monuments terrestres, des accessoires et des vêtements pleins de détails (et quand cela s’étale sur des pages doubles c’est doublement la fête). A côté de cela, on a l’un des charadesigns les plus clonesque que j’avais vu (pire que les comics et les mangas mainstreams qui sont pourtant soumis à des impératifs de travail autrement autre plus compliqués et lourds à gérer que ceux de la BD franco-belge) : hommes ou femmes, jeunes ou vieux, tout le monde affiche les mêmes 3 ou 4 visages unisexe qui affichent les mêmes expressions faciales quelle que soit la situation dans l’ensemble du cycle (et parfois avec les mêmes barbes/moustaches/dreadlocks/couvre-chefs ou exactement le même nombre de rides sur le front…). Pire, on va même jusqu’à recourir au décalque sur la même planque voire sur la même case : là, c’est carrément la honte car on interdit cette pratique dès la classe de Seconde Arts Appliqués au lycée !!! Régulièrement je n’ai plus su qui était qui et je devais refeuilleter le même passage plusieurs fois pour comprendre le schmilblick…
Le découpage est d’un grand classicisme, ce qui n’est pas nécessairement un défaut, mais c’est tout est quand même figé voire statique : cela manque de dynamisme, cela manque de mouvement donc de peps et de souffle. Et c’est pire encore dans les scènes d’action où tout le monde ouvre la bouche en grand et lève les yeux au ciel avant de crever (n’importe quel storyboard des années 1970 est mieux fichu que cela) Et puis, il y a aussi cette mystérieuse épidémie de strabisme qui touche aléatoirement tous les personnages…

Niveau scenarii :
J’ai trouvé agréable de faire d’un métis amérindien le héros d’un cycle consacré à la flibusterie, et de placer l’action à la fin du Siècle des Lumières. L’auteur nous fait voyager puisque qu’après la Guerre d’Indépendance nous visitons les Flandres, l’Afrique Noire et l’Afrique du Nord musulmane, puis le Brésil et l’Australie…
Mais à chaque tome il a de petites maladresses ou de grosses bévues. Evidemment le héros est intègre, valeureux et soucieux de la vie de ses hommes jusqu’à la mort, mais c’est quand même gênant de prendre pour argent comptant les clichés de la littérature maritime britannique (ou de tomber dans le chauvinisme belge ^^) : les Espagnols sont décadents, les Bataves sont fourbes et cupides, les Français sont aussi arrogants qu’incompétents… On tombe à chaque tome dans le french bashing de base et on se demande bien comment des andouilles pareilles ont réussi à menacer qui que se soit en Europe et dans le monde au cours de l’Histoire (c’est même carrément ridicule quand des diplomates anglais accusent leurs homologues français d’impérialisme et de colonialisme à l’époque où la perfide Albion règne sur les Sept Mers et que l’empire colonial français se limite aux actuels DOM-TOM).
Difficile de reprocher à l’ensemble la linéarité du classicisme franco-belge, mais c’est un poil répétitif quand même… Jugez par vous-même :
Tome 1 : vengeance ; Tome 2: chasse au trésor ; Tome 3: chasse au trésor et vengeance
Tome 4 : vengeance ; Tome 5 : vengeance et chasse au trésor ; Tome 6 : chasse au trésor


Ce tome 1 débute en Nouvelle-Ecosse, en décembre 1775, le corsaire loyaliste Samuel Prescott, dit Back Crow, assassine le commodore anglais… Boston, 7 mois plus tôt ledit commodore propose une mission impossible : sa mission, si toutefois il l'accepte, est de trouver, arraisonner et couler sans laisser le moindre témoin l’Amsterdam, une frégate de 12 forte de 28 canons, qui transporte une pleine cargaison d’armes françaises à destination des insurgents, fournies par un certain obscur écrivains dénommé Beaumarchais… Si lui ou l'un de vos hommes était capturé ou tué, la Couronne nierait avoir eu connaissance de ses agissements. Bonne chance à lui !
Black Crow fait preuve d’imagination en allant faire un détour par les Caraïbes voler un navire de guerre de la Royale avant d’accomplir sa mission au large des Bermudes. Mais il se salit les mains pour rien, puisque son supérieure ne tient aucunement compte de ses promesses, ce qui coûte la vie à tous les siens (qui sont-ils ? on ne le saura jamais… J’imagine qu’on devait parler des dernières communautés iroquoises d’Amérique du Nord qui comme leurs autres homologues amérindiennes avaient vu l’intégrité de leurs territoires garantie par la Couronne d’Angleterre depuis la grande révolte de Pontiac).
L’ensemble est bien documenté, tant sur la Guerre de Sept Ans que sur la Guerre d’Indépendance. Le traitement la guerre, qui ne laisse personne indemne à part les ronds de cuir le cul bien au chaud à l’arrière du des combats, est bien réalisé et nous gratifie de scènes aussi grandioses qu’absurdes…

Il y a des petites maladresses comme la folie du serial killer du Mississippi ou la schizophrénie de Black Crow qui ne sont pas spécialement bien amenées et bien développées, mais ce n’est pas bien graves. Je n’ai pas compris pourquoi on met successivement trois scènes où ce dernier perd les siens dans circonstances tragiques, là où une seule aurait bien suffit (si tout le monde avait été tués dans un attaque d’insurgents, tout aurait fait mieux sens, mais il fallait absolument caser des Français méchants, violents et sadiques dans ce tome 1 sinon le cahier des charges des clichés n’aurait pas été rempli).
A la fin du tome, Black dit au revoir à ses fantômes avant de repartir à l’aventure, lui qui s’est mis à dos les Etats-Unis, les Anglais, les Français et les Hollandais…
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