Il n’avait jamais aimé jusqu’à ce jour. Seuls, des caprices avaient passé dans sa vie, en ne lui laissant qu’un souvenir indifférent,un peu dédaigneux… Car Sari, là encore, avait bien deviné : il méprisait les femmes qui les lui avaient inspirés, il les tenait en marge de sa pensée, où elles n’entraient que lorsqu’il le voulait bien.
Mais il s’agissait d’autre chose, maintenant. Seul en face de lui-même, il devait s’avouer qu’Elys avait produit sur lui une impression profonde et très nouvelle. Cette beauté, ce charme candide avaient raison de son indifférence, du projet qu’il avait fait de ne pas se marier avant quatre ou cinq ans. Elle valait bien la peine qu’on se mît un peu plus tôt dans les liens de l’hymen, cette délicieuse chanoinesse !
Je suis sûre qu’il y a une femme là-dessous !… Dans ses yeux, j’ai remarqué parfois une expression rêveuse, et ils s’éclairent alors d’une lueur ardente… telle que je la voudrais voir quand il me regarde ! Il aime, j’en suis certaine ! Et moi, je ne suis plus rien… plus rien que le jouet brisé, dont on se détourne !
L’amour… Elys n’en avait guère entendu parler, jusqu’alors. Maintenant qu’il se révélait à elle, tout à coup, elle le trouvait très doux, un peu enivrant…
L’amour pour cette enfant pure et charmante faisait vibrer une fibre jusqu’alors ignorée de cet homme qui, par la faute de ses éducateurs, était devenu un élégant jouisseur, un insouciant égoïste, mais dont l’âme conservait comme la nostalgie de l’existence utile et noble qui aurait pu être la sienne.
L’âge lui a peut-être dérangé les idées… Elle a dû être fort bien autrefois, et elle reste très grande dame. Le titre de chanoinesse lui sied, à celle-là.