J'ai fait une belle découverte. Une Afrique poétique. Je suis allée à la maison de la poésie écouter le romancier, poète et slameur, Julien Delmaire, qui se révèle enchanteur.
« Bogolan » est le titre de son dernier recueil paru en février 2016.
Reprenant le concept des motifs en fragments propre au tissu africain, le livre agence des séquences poétiques qui se suivent et se répondent. J'ai appris à cette occasion que le bogolan est un tissu traditionnel, originaire du Mali, qui est présent dans toute l'Afrique de l'Ouest.
La narration est celle d'un homme qui revient au Sénégal, dans le quartier de sa jeunesse, après s'être fourvoyé aux mirages de l'Europe. Ses voisins le fuient et l'homme dérive, étranger dans sa propre ville. Seule demeure fidèle la tendre figure de sa mère.
Ce qui est particulier, c'est que la forme est plutôt rigide, il y a 40 fragments qui font à peu près le même nombre de lignes alors que le contenu est très souple et permet un assemblage aléatoire des textes. Mais le plus surprenant est qu'ils concernent la même histoire, comme un récit poétique.
Il a un univers et une atmosphère dans ce recueil, même si je n'ai pas tout compris. C'est aussi ça la poésie, la chanson des mots. Julien Delmaire me l'a prouvé avec une dédicace de toute beauté qui m'a ravie : « Pour Martine. Mémoire des tambours en plein ciel d'ivresse. Bonne lecture. »
Lu en juin 2016
Je sépare le silence en branches parallèles. Les morts sont pris dans un cauchemar où surnagent des signes craquelés. Comprendre ce quartier, au-delà des fulgurances de tôles et de pneus, c’est trier l’étoile pubère parmi les détritus. Mon quartier s’écrit en tracés de goudron, comme un poulain retire son harnais, délite sa crinière. Je suis nu sur la corniche, avec l’audace des palefreniers, je rivalise de mystère avec la lune, j’adopte la posture violente du nénuphar, j’accorde mon souffle aux tambours. Bastonnade de feuillages, les flancs du cheval transpirent la tendresse des gargotes. Les âmes sont douces. Le sucre hypnotise les sorciers. On sert encore du café à celui qui s’effondre
La salive apporte sa sentence. Un boucher se dissimule sous les rides d’un marchand de plumes. Les enfants sans père ni mère chauffent leurs ventres à la promesse. Un linceul accable la route. Les hadiths sont tisons pour les cœurs. Me reviennent, en stances ardentes, les chants nègres de mes poupées. Je ne sauverais pas le monde. Volcans ni cataractes ne me ramènent à la mémoire. Les peaux sont investies par un désir sans pudeur ; l’agneau baigne dans le feu sa toison de laine sauvage. Les cartouches du souffle résonnent aux lassitudes. Le pain de singe pèse à l’arbre. Moi, je suis accablé de sang, criblé de dattes. Les fleurs dévorent ma vie depuis trop longtemps
Qui est Katabolonga ?