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Évelyne Châtelain (Traducteur)
EAN : 9782366246049
350 pages
Cambourakis (18/08/2021)
3.9/5   42 notes
Résumé :
Réédition du roman posthume de la première ethnologue amérindienne, élève de Franz Boas, fondateur de l'anthropologie américaine moderne. Dans le sillage d'Oiseau bleu, femme sioux mariée précipitamment à un homme immature, et de sa fille Nénuphar, elle met en lumière de manière unique les conditions de vie et le rôle des femmes dans ces tribus.
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Venez ! Approchez un peu du tipi. Ce soir, nous allons entendre Woyaka nous raconter les grandes légendes du peuple Sioux. On prétend que Woyaka possède plus de pouvoirs que tous les autres car il est de loin le meilleur des conteurs. Il nous parlera des hommes, certains furent de grands guerriers, d'autres prophètes, chasseurs, sorciers ou devins. Il brûlera un peu d'encens au pied de l'orbe, entonnera un chant sacré, entrera en transe, chantera encore et encore sa complainte sans fin. Peut-être entrera-t-il dans le cercle de terre, revêtu de la peau d'un animal, il sera alors bison, faisant venir par son chant les autres bisons, les faisant à leur tour entrer dans le cercle car « tant que le bison vivra nous ne mourrons pas. » Il nous parlera du Grand Mystère. Il nous rappellera qu'il y a très longtemps le peuple Dakota a appris que l'homme ne pouvait vivre seul. Il nous parlera de la façon dont les oiseaux apprennent à jouer aux hommes dakotas, du combat entre le vent d'Ouest et le vent d'Est.
Ils sont tous là réunis pour écouter son histoire... Faon Agile, Aigle Noir, Arc-en-Ciel, Aube Blanche, Oiseau de Nuit, Fleur de Prairie, Bon Chasseur, Cheval Sacré, Feuille Rouge, même Petit Ours… Et puis la petite, là, qui commence à gambader, n'est-ce pas Nénuphar, la fille d'Oiseau Bleu ?
Nénuphar : Femme sioux, fille du grand peuple dakota est un portrait unique de la vie des Sioux au XIXème siècle, nous racontant d'un point de vue féminin et sur trois générations, - la grand-mère, la mère et la fille, la culture des Indiens des Plaines.
Nous allons suivre dans leur sillage Oiseau Bleu, femme sioux mariée précipitamment à un homme immature et sa fille Nénuphar qui vient de naître sur le chemin qui mène la tribu vers un nouveau campement. Nous allons suivre et voir grandir Nénuphar dans les différentes étapes de sa vie de femme.
Dans une approche romancée, Ella Cara Deloria, anthropologue et linguiste américaine, grâce à ses origines dakotas, met en lumière de manière unique les conditions de vie et le rôle des femmes dans la culture sioux traditionnelle, en visitant leur quotidien, rythmé par les valeurs et croyances dakotas.
J'ai aimé ce parti pris du récit. Elle écrit avec son coeur la joie, les dangers, la douleur, la famille, les migrations, la maladie, la mort, cette vision de l'intérieur qui permet de mieux capter la vie traditionnelle des Sioux, réfléchir aux schémas sociaux et familiaux dans le contexte de la vie quotidienne, fait entrer des émotions dans un récit qui se détache dès lors du procédé anthropologue.
Forcément, au travers du personnage de Nénuphar, elle apporte un point de vue sur l'amour, sur la guerre, sur la manière d'aborder la mort, se détachant ainsi de son côté historienne et ethnologue. Aussi ce livre doit être apprécié davantage comme un roman avec les rebondissements d'une intrigue plus que comme un véritable récit autobiographique,
Déchirée par des luttes intertribales, l'existence des Sioux était dominée par la chasse au bison, mais tuant les animaux dans un respect infini de leur être et de la nature nourricière pour le seul besoin de se nourrir... Il y a parfois dans l'effleurement de ces pages, un désir onirique qui s'éveille, creusant dans une joie profonde des chemins invisibles vers un autre monde.
Le quotidien des Sioux est tissé de ces chemins...
En présentant son peuple sous une forme romanesque dans une écriture de belle tenue, Ella Cara Deloria n'en fait pas pour autant un manifeste féminin.
Le travail des hommes se résume à chasser, à faire la guerre. Celui des femmes à empaqueter tout le nécessaire lors des migrations, c'est à elle que revient la charge de surveiller cet empaquetage pendant le voyage. Elles fabriquent les tipis, les érigent, cherchent le bois, l'eau, préparent les repas, s'occupent des enfants, cousent. Aïe ! Me direz-vous… Rien de bien différent du comportement des hommes blancs et du sort de la femme blanche depuis des siècles ! Je suis sûr que vous attendiez de ma part que je vous révèle un côté féministe du peuple sioux… Vous avez raison d'insister car cette différence existe cependant…
Ella Cara Deloria montre que la structure familiale est un élément majeur dans la civilisation sioux, cette façon bienveillante d'éduquer les enfants.
Le monde de l'homme et celui de la femme sont complémentaires mais très séparés, les inégalités entre hommes et femmes existent comme une conséquence normale et acceptée de la différenciation entre les sexes. Les femmes ne sont pas décrites comme exploitées, mais comme faisant partie d'un système culturel qui leur offre un rôle majeur et visible.
D'ailleurs, j'ai savouré le propos d'un Indien revenant d'un long séjour chez les Longs Couteaux, - entendez là les Blancs. Il raconte, horrifié, comment ceux-ci, hommes comme femmes, maltraitent leurs enfants en les rouant de fessées à longueur de journée. " Et leurs femmes ? " demande un autre Indien, comment sont-elles ? Alors sa réponse se passe de commentaire, montrant bien ce trait de différence avec les femmes Indiennes : " Leurs femmes ? On ne les voit quasiment jamais, elles sont invisibles. "
Je vous aurais bien encore parlé de la Danse au soleil, de la cérémonie du feu de la vierge, de la Lune des ratons laveurs qui est le mois de février ou bien de la Lune où les animaux se gonflent qui est le mois de juin… Et avril tiens ! Comment dit-on avril en langue sioux ?
Ce soir la Lune a les yeux mouillés. Je referme les pages de ce beau récit traversé de joie, celle de cette vie d'avant où les dakotas pouvaient encore dire : « tant que le bison vivra nous ne mourrons pas. »
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Anthropologie, quand tu nous tiens !

Après Sanaaq il y a quelques jours - passionnante plongée dans la vie des peuples Inuits québecois - j'ai donc enchaîné avec Nénuphar de Ella Cara Deloria, traduite par Evelyne Châtelain, auteure référente de l'anthropologie amérindienne en général et de celle des Sioux en particulier.

Au sein du peuple Sioux Dakota, Ella Cara Deloria nous immerge dans une tribu Teton, ces « peuples de la prairie » où naît la petite Nénuphar que nous allons suivre dans les différentes étapes romancées de sa vie de femme.

Une vie faite de codes et de règles, ponctuée de cérémonies festives célébrant les petites et grandes joies de la famille, de la chasse ou de la nature. Cérémonie du hunka, cérémonie du bison, cérémonie de la danse du soleil, cérémonie du feu de la vierge, cérémonie de la veille du fantôme…

Une vie dans des conditions extrêmes où le froid et le danger sont permanents, mais qui paradoxalement baigne dans la joie du devoir à accomplir, des petites satisfactions quotidiennes, de la glorification de la nature et du vivant.

Une vie enfin où l'enfant est roi, respecté et élevé dans la seule perspective d'en faire un adulte, prêt le moment venu à prendre son tour. Une vie ici romancée certes, mais qui sonne comme le récit des temps anciens où les longs couteaux n'avaient pas encore envahi le territoire sioux. Une vie d'avant…

« Tant que le bison vivra, nous ne mourrons pas ». Malheureusement, le bison a fini par mourir…
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Nénuphar est le nom du personnage féminin principal puisque l'on suit presque intégralement ce roman de son point de vue, sauf dans les premiers chapitres où c'est sa mère Oiseau Bleu qui tient ce rôle et un peu plus loin sa grand-mère adoptive. Nous suivons donc Nénuphar dont la vie a très mal commencé, rescapée avec sa mère et son arrière-grand-mère du massacre de sa tribu. Elle vit ensuite une enfance paisible au sein de la tribu du petit-fils de la grand-mère : Aigle Noir. Sa mère se remarie et Nénuphar grandit jusqu'à elle aussi épouser un homme d'une tribu proche. Ce roman est vraiment un condensé de ce qu'a pu être la vie du peuple Sioux avant les contacts rapprochés avec les blancs. La famille est omniprésente et essentielle à leur vie en tribu, les liens biologiques ou adoptifs se font par elle. D'ailleurs il est possible d'avoir dans une vie plusieurs mères ou pères selon la tribu où l'on est. Tout est également rituel avec un très grand respect pour la nature.

Belle découverte de ce peuple par une autrice et anthropologue Sioux. de plus le point de vue féminin de ce peuple est bienvenu puisqu'en dehors de tout cliché habituel. Seul petit regret, j'ai parfois eu l'impression de me perdre dans les nombreux personnages, les différentes familles et tribus. J'aurai aimé un récapitulatif des protagonistes en début de livre, cela aurait aidé à ma lecture.
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Très intéressant sur la vie des femmes sioux et très agréable à lire. Tant de livres à découvrir sur la vie des femmes d'ici et d'ailleurs. D'autant plus séduisant que ces sauvages tels qu'on les a appelés sont particulièrement bienveillants vis à vis des enfants alors que nous autres les civilisés avons tant à apprendre de ceux que l'on a détruits et avilis. Un bel enseignement. J'ai vraiment beaucoup aimé ce récit qui se lit comme un roman et qui nous parle de la vie et des coutumes des femmes sioux dakota.
La postface éclaire les conditions d'élaboration de cet ouvrage et nous le fait apprécier d'autant plus.
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L'immersion dans cette tribu Dakota vu par un personnage féminin est assurément le meilleur ouvrage anthropologique féministe jamais écrit à ce jour.
L'autrice raconte le quotidien des femmes Dakota dans leur famille, leur place au sein de la famille, les codes sociaux, les liens qui se créent, la transmission ... c'est à la fois une oeuvre littéraire et un enrichissement sur la connaissance d'une époque pré apocalyptique qui a signé la fin d'une culture et de tout les peuples améro indien.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Oiseau Bleu avait écouté l'incroyable récit sans faire de commentaire, mais quand elle capta l'attention de la femme, elle lui demanda à voix basse :
- Et leurs enfants ? Comment sont-ils ?
- Ah, épouse de mon neveu, j'allais en venir à cela. Et cela va vous surprendre et vous scandaliser, dit-elle de l'air de celle qui est prête à faire une révélation exceptionnelle. Ces gens-là détestent leurs enfants ! Si vous les voyiez ! Ils les tapent sur la figure et sur leur pauvre petit derrière jusqu'à ce qu'ils pleurent ! Toute la journée les femmes des soldats crient après leurs enfants. Et elles les disputent. Je n'avais jamais vu d'enfants si mal traités. Il n'y a que les folles qui s'en prennent à leurs enfants !
Oiseau Bleu resta perplexe un moment.
- C'est vrai? Mais pourquoi ?
- Ce doit être leur manière de leur apprendre à bien se conduire, quand les enfants ne sont pas sages. En les battant et en criant, les femmes espèrent leur leur faire peur et les remettre dans le droit chemin, je sais que cela paraît bizarre ...
- Franchement, pour moi, cela ne peut qu'aggraver les choses. S'ils ont peur, cela doit les empêcher de réfléchir. Remarquez, ils ont peut-être l'habitude, ces pauvres petits.
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"Les présents que vous apporterez iront au meurtrier, ce sont les symboles de notre sincérité et de notre but. Comme il nous a blessés, il doit devenir quelque chose pour nous (un parent) à la place de celui que nous avons perdu. Le défunt était ton frère ? Alors, cet homme sera ton frère. Ton oncle ? Ton cousin ? Pour moi, le défunt était mon neveu, son meurtrier sera mon neveu. A partir de maintenant, il deviendra l'un des nôtres. Nous le considérerons comme si notre cher défunt nous avait été rendu."
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-Voyez, mes enfants, dit un jour le viel homme, c'est pour ça que j'ai prié. Pour que le cœur de la tribu soit disposé favorablement envers nous, pour qu'un cercle de sympathie se resserre autour de nous. Ma prière est exaucée, et j'en suis reconnaissant.

Très vite, cette cérémonie devint l'affaire de toute la tribu, car tous, un jour ou l'autre, avaient été touchés par la gentillesse de Gloku et voulaient la lui rendre. Souvent, ils ne se contentaient pas d'apporter un seul cadeau, mais en apportaient plusieurs, à des moments différents de la période de deuil. A en juger par la pile qui s'amoncelait, la redistribution des biens allait être grandiose.

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A la surface de l'eau poussaient des nénuphars qui l'attiraient irrésistiblement. Comme ils étaient beaux ! Comme ils vous forçaient à écarquiller les yeux pour pénétrer leur forme et leur esprit. Son regard passait de l'un à l'autre; soudain, il lui fut impossible de les dissocier du visage de son enfant. Une nouvelle sensation l'envahissait, l'étouffait presque. "Ma fille ! s'écria-t-elle, comme tu es belle ! murmura-t-elle dans des sanglots de joie.
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Les garçons faisaient tourner des branches de cèdre sur la glace, comme des toupies. Les plus petits aimaient représenter le vieux mythe du hibou. Ils se déguisaient et portaient des masques pour incarner l'esprit du hibou et allaient de tipi en tipi tout en dansant. Le public leur demandait de prédire le temps, car ils étaient supposés venir du Nord, le pays de l'hiver. On leur donnait des gâteaux de maïs et de la viande sèche avec des fruits sauvages et autres friandises.
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