Grâce à un concours effectué par Les Plumes Indépendantes, j'ai gagné un exemplaire papier du dernier roman d'@
Antoine Delouhans, un livre qui s'illustre déjà visuellement grâce à la texture du papier, la finesse de la couverture, de la quatrième de couverture, sans oublier les superbes dessins placés avec justesse et mesure à l'intérieur du livre, la police du texte ou par des motifs en bas de page... On est vraiment dans l'ambiance d'un roman pirate. Avant de débuter la lecture, il faut avouer qu'on ressent déjà un certain plaisir à tourner les pages, ce qui est pour moi le gros point fort du livre d'ailleurs.
Cependant, rassurez-vous, ce n'est pas le seul. J'ai apprécié la volonté farouche de l'auteur d'utiliser sa fiction pour aborder différents thèmes de réflexion. Même si j'ai trouvé les ficelles un peu grosses parfois, et que que certains sujets n'étaient pas forcément adaptés au contexte historique et culturel et qu'ils étaient livrés un peu grossièrement ou naïvement, à mes yeux tout du moins, d'autres m'ont vraiment convaincu, notamment celui qui sert de fil rouge au récit, à savoir la liberté. le narrateur externe qui nous raconte l'histoire et le personnage principal semblent se battre de concert à nous proposer leur vision commune qui se termine presque par une réflexion philosophique. Et ça, j'aime beaucoup car l'auteur a su mêler le côté ludique de l'histoire autour de l'aventure tout en cherchant le lecteur à se poser de questions. Où commence la liberté ? Où s'arrête-t-elle ? Quelles sont ses limites, s'il y en a ? Sommes-nous aussi libres de décider que nous pouvons le croire ? Ou bien agissons-nous de façon à servir les desseins des puissants ? Tant de questions différentes que chacun sera libre de se poser.
Néanmoins, comme je l'ai dit, je n'ai pas accroché à toutes les thématiques abordées par l'auteur et par son personnage principal. J'ai vu un paradoxe certain quand Philippe D'Harcourt condamne le meurtre de sang-froid alors que lui-même s'y est résolu pour mettre un terme au dictat d'un capitaine impitoyable et tyrannique, comme si la peine de mort était légitime dans certains cas, comme si certains humains étaient libres de s'attribuer le privilège de dire que l'un mériter de mourir ou non. Ca, je l'avoue, cela m'a un peu gêné, mais c'est peut-être aussi une question d'interprétation personnelle.
Cela dit, il faut donner un peu de contexte, nous sommes au XVIIIème siècle, Philippe D'Harcourt est un bâtard qui essaie d'asseoir sa légitimité au sein de la noblesse française, mais surtout un homme qui rêve d'ailleurs, de voyages, d'exotisme et surtout de liberté. La mer l'appelle, et la mer, il va la rejoindre sans forcément savoir quel sort elle lui réserve. Lui qui voit d'un mauvais oeil la cause des pirates va se rendre compte que les choses ne sont pas aussi binaires que les gouvernants veulent bien le laisser entendre. Et si les pirates ne se contentaient pas de piller et de voler pour s'enrichir ? Et s'ils étaient les Robin des Bois des océans ? Qu'ils s'étaient attribués le rôle de se battre contre l'injustice et contre l'oppression des puissants ? Et si Philippe D'Harcourt doutait de servir la cause juste en commandant un navire appartenant au roi de France ? Un navire qui devait s'arrêter à Lagos pour y accueillir un chargement d'esclaves, une livraison peu habituelle...
Je ne veux pas trop spoiler l'histoire, mais sur le plan de l'histoire, j'ai bien accroché au récit fluide et dynamique, enrichi par des détails précis autour de la navigation, qui dénotent d'un travail de recherche remarquable de la part de l'auteur. Pour avoir déjà lu un roman de cet auteur auto-édité, j'ai vraiment le sentiment que sa plume s'est affinée, j'ai été agréablement surpris parce que j'avais trouvé son premier livre un peu lourd à lire et j'avais relevé beaucoup de fautes de frappe, beaucoup trop à mon goût, ce qui n'est plus le cas dans cet ouvrage.
Changement d'univers, changement de style et maturation certainement des qualités de l'auteur qui n'a pas encore atteint le sommet de son art à mon avis.
Antoine Delouhans est clairement un écrivain qui a du talent et des choses à dire, des pensées à partager et aussi des critiques justifiées à formuler sur le comportement humain. En outre, j'espère qu'il ne prendra pas mal les points négatifs que je soulève s'il venait à lire mon retour. Il y a de très beaux passages, de très bonnes séquences, l'auteur n'est pas loin d'avoir trouvé un équilibre parfait entre description, rythme et action, notamment dans certains chapitres. Toutefois, dans l'ensemble, le lecteur que je suis trouve que ça va un peu vite, ce qui plaira sûrement à d'autres que moi. Personnellement, j'aurais aimé plus de détails, que l'on fouille plus certains passages. Mais ça, c'est très subjectif. En revanche, il reste encore des aspects où l'auteur peut s'améliorer : la concordance des temps qui ne me semble pas toujours réussie, ce qui empiète un peu sur l'ambiance du récit, mais je ne l'ai noté qu'à certains moments précis du récit, pas dans tout le roman fort heureusement.
Jolly Roger est un très bon roman de pirates, très précis et très détaillé sur le plan de la navigation, un livre écrit par un auteur auto-édité. Tout n'est pas parfait, il y a des choses qui demanderaient à être améliorées, mais si l'on fait abstraction de ces détails, que l'on considère le travail considérable fourni par l'auteur et que l'on se focalise sur l'histoire de Philippe D'Harcourt, alors il y a de grandes chances que je ne sois pas le seul à passer un bon moment avec ce livre... Livre que j'ai lu en quelques jours. Comme je l'ai dit, la plume est fluide et dynamique, et les chapitres relativement courts s'enchaînent assez facilement.