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Critique de Luxi


S'il y a bien un sujet qui m'émerveille lorsqu'on évoque la Seconde Guerre mondiale, ce sont les Résistants. Et lorsqu'il s'agit d'enfants, je trouve l'acte encore plus spectaculaire et sublime. Alors je remercie profondément les éditions Presses de la Cité et NetGalley pour cette lecture saisissante.
Ce qui m'a frappée en premier – après la beauté du titre choisi – c'est l'écriture : Raphaël Delpard écrit divinement ; c'est un régal à lire. On sent dans les phrases la recherche attentive du mot juste. J'ai relu de nombreux passages tant ils étaient ensorcelants. Certaines descriptions sont presque des poèmes à elles seules : "taille moyenne, treize ans, teint de nacre et yeux couleur mûre. La beauté indolente du garçon frappa Julien. Il comprit qu'il était en présence de ce que la nature pouvait créer de plus parfait."
Nous suivons donc Julien, 12 ans et demi, échappé de la ferme dans laquelle on l'avait placé, ainsi que Tristan, 16 ans, qu'il rencontre dans une « maison d'éducation ». L'amitié nouvelle entre les deux garçons est instantanée. S'ajoute bientôt à ce duo Jean, 13 ans, dit « Angelot ». Comme leurs camarades de tous âges, Julien et Tristan vont subir les pires sévices. On les avilit, on les meurtrit, on les bat, on les offense dans leur âme et dans leur chair, on les brise avec rigueur et minutie.
J'avoue avoir interrompu ma lecture à plusieurs reprises tant la plume est aiguë et puissante pour décrire les supplices qu'endurent ces enfants. Vêtements inconfortables, matricule substitué au nom, cheveux tondus, et puis humiliations quotidiennes, mépris prodigieux, maltraitances de toutes sortes, trahisons, tortures physiques et psychologiques… tout dans cet établissement s'apparente à un camp de concentration. Les pensionnaires sont des captifs et les dirigeants pourris jusqu'à l'os. Sans aucune éthique ni respect pour l'autre.
Mais avec l'aide d'un des pensionnaires, Tristan et Julien vont réussir à quitter cet enfer sur Terre et c'est là que le titre du roman prend tout son sens : s'ensuit effectivement une véritable cavalcade pour ne pas être retrouvé et brisé à nouveau. Durant des jours et des nuits entiers ils courent, tentant de semer leurs poursuivants avec obstination et perspicacité. Cette évasion est belle, emplie de bravoure et d'intensité. D'autant plus puissante lorsqu'ils tombent sur la petite Marie, 9 ans et demi, maltraitée par des fermiers, et l'entraînent avec eux. La cavalcade reprend jusqu'à ce que le destin les dépose devant Pierrette, une adolescente audacieuse et créatrice d'un réseau de résistance majoritairement composé d'enfants et d'adolescents…
Si la première partie du livre est régie par la souffrance et l'espoir mutilé, la seconde prend la forme d'une revanche et se tourne vraiment vers la thématique des Résistants. J'ai été fascinée par ces enfants obstinés et appliqués qui, par leurs actes respectifs, vont modifier le cours de la guerre. Je les ai trouvés admirables et bouleversants. Et ils ont en effet été des centaines à combattre à leur façon l'occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale, malgré leur très jeune âge.
Réception de messages codés et de matériel parachuté, création de faux papiers, livraison de messages à travers la ville, récupération de petits mots jetés sur les voies ferrées par les déportés, tracts glissés dans les boîtes aux lettres… Nous suivons à leurs côtés le quotidien éprouvant de ces enfants-courage. J'ai peu de mots pour décrire cette admiration sans limites que j'éprouve devant ces actes éblouissants mais l'auteur est là pour leur rendre l'hommage qu'ils méritent. D'autant plus qu'à la fin de son roman, il nous raconte les recherches qu'il a effectuées et nous confie que de nombreux personnages ont réellement existé.
Chaque enfant est touchant à sa manière : Marie nous apprend que le courage n'est qu'une question de point de vue et qu'on peut se relever de profondes peines. Tristan est beau et grand dans son intégrité et son empathie pour les autres. Quant à Julien, il nous rappelle que si l'on reste libre dans sa tête, peu importe au fond la geôle dans laquelle on est captif, rien n'est jamais vraiment détruit. Et c'est je crois l'image qui émane le mieux de ce titre : la cavalcade des enfants rois, c'est la cavalcade de ces gosses que personne n'attrapera et n'emprisonnera plus parce qu'ils sont libres et légers dans cette liberté, qu'ils sont maîtres de leur vie et qu'ils gardent toujours leur libre-arbitre, même si la notion de destin revient souvent au fil des pages.
L'enfance est omniprésente dans ce roman mais une enfance étrange, un peu brusque, un peu grave, je dirais presque une « enfance adulte ». C'est un roman sur la destinée et la force de vie qu'on porte en soi, parfois sans forcément le soupçonner. Sur la résilience et la capacité de l'être humain à apprendre de ses crimes pour devenir quelqu'un de meilleur. C'est un combat contre la captivité et la dépossession de soi-même, sur la libération et – plus précieux encore – la liberté du corps et de l'esprit. C'est un roman sur l'enfance qui refuse et se révolte, qui ne renonce pas et ne plie jamais.
Superbe.
Lien : https://lechemindeslivres.wo..
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