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Éric Walbecq (Préfacier, etc.)
EAN : 9782843622533
240 pages
Terre de brume (18/11/2004)
4.17/5   6 notes
Résumé :
L'un des plus mythiques romans décadents du début du XXe siècle, L'Araignée rouge, placé sous les auspices de Barbey d'Aurevilly et d'Hokusaï, se présente sous la forme d'une terri­fiante confession — « pages d'angoisses et d'extravagances ».
Dans le Paris boulevardier de la belle Époque et des fortifs (les « pires faubourgs mangés de ténèbres »), Andhré Mordanne goûte aux plaisirs interdits et sombre peu à peu dans les poisons de l'éther et de la morphi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Toujours à la recherche d'une littérature étrange et oubliée, j'ai profité d'une réédition unique de L'Araignée rouge pour découvrir l'un des plus curieux romans de l'époque décadente.

Nous sommes aux frontières du fantastique, emportés tout entier dans le délire frénétique d'un fou drogué à l'éther. le roman fit un petit scandale à sa sortie, et l'on comprend vite pourquoi.
L'histoire s'ouvre sur le témoignage inquiétant de l'auteur qui nous parle d'un personnage singulier rencontré dix ans plus tôt, Andhré Mordann. Ce dernier lui a fait parvenir un journal avant d'être arrêté par la police couvert de sang et serré contre des pierres tombales. Ainsi commence une plongée sombre et délirante dans les jours d'Andhré. le jeune homme n'est pas fou, mais la vie le fait souffrir. Eternel inadapté, il ne se fait pas à l'hypocrisie familiale, déteste la campagne, trouve la contemplation vaine, l'idée du couple bourgeois l'ennuie et « le fantôme de son enfance » le poursuit. On voudrait le marier à une fille de bonne famille dont l'âme trop lisse ne l'attire pas. Lui, au contraire, cherche des personnes aussi brisées que lui. Si elles ne le sont pas, il tourmente leur sensibilité pour leur léguer un peu de sa souffrance. Ses satisfactions sont cruelles. Andhré incarne, sans compromis, la figure d'un être en rupture avec la société. Il est cynique, car il sait son mal incurable. Intelligent et cultivé, il préfère les bouges à son milieu. La salubrité du Paris populaire lui est une sorte de consolation. La misère ne ment pas. Elle le laisse s'avilir tout entier, et s'émerveiller dans l'horreur.

Mais, la mélancolie seule n'explique pas l'attitude d'Andhré. Elle n'est que le point de départ de son malheur. Son impossibilité à donner un sens à son existence a fait de lui un éthéromane. En bon observateur, Delphi esquisse le portrait d'un drogué qui ne pouvait ressentir la vie autrement qu'en s'empoisonnant l'âme.

Des dizaines d'araignées rouges courent le long des pages. le plus souvent, il s'agit de mains nerveuses et agitées, parfois cerclées de bagues, qui, sous le regard du narrateur, se détachent des corps, semblent exister indépendamment de celui-ci. Elles sortent aussi des fleurs, rouges, leurs pattes s'éployant comme des pétales. Au fil des jours, la tension monte. le personnage glisse vers un point de non retour complètement désespéré. Gogol fait pâle figure à côté de ce journal d'un fou qui impose un fantastique dérangeant, martèle l'esprit et nous rend presque suffocant.
Impossible de lâcher le livre avant la fin. L'auteur nous piège dans un vortex infernal, en arrivant presque à nous faire ressentir les effets de l'éther à coup de symboles sanglants, et de créatures rampantes qui, irrésistiblement, conduisent à la mort, aux passions assassines.

Tous les clichés du fantastique fin du siècle répondent présents. Delphi les enchaîne avec un style excessivement tactile et visuel. La lecture est brillamment indigeste et l'auteur ne s'en cache pas en annonçant, dans une lettre à Jean Lorrain (qui était éthéromane), un « récit noir, noir, noir… ».
L'Araignée rouge est une épreuve mentale. On en sort comme d'un mauvais rêve, à bout de souffle, étourdi, l'esprit en feu et balloté. Delphi signe un livre d'une rare violence, et sans doute l'un des premiers textes psychédéliques. Les effets de l'éther sont palpables, et, je dirais même qu'il n'est plus besoin d'en consommer pour goûter ses désordres cauchemardesques. Une expérience littéraire des plus troublantes.


Lien : http://unityeiden.fr.nf/lara..
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Delphi Fabrice est un auteur assez méconnu et quasi pas réédité. Cette Araignée rouge est une merveille de la littérature décadente. le texte est dédié à Jean Lorrain, pas étonnant d'y retrouver certaines des obsessions de notre "enfilanthrope" préféré. Pour résumer très brièvement ce texte délirant, il s'agit du portrait d'Andhré Mordanne, un mélancolique névrosé qui promène ses obsessions du Paris populaire à la campagne sans pouvoir s'en défaire. Obsédé par le Fantôme qui le poursuit partout sous la forme d'une araignée rouge qui se manifeste à tous moments de sa vie, dans les mains de ses amis ou celles des filles de joie qu'il croise sur sa route maudite. L'éther et la morphine ne font qu'accentuer ses délires jusqu'au drame final. En bref une plongée dans la folie maniant à merveille toutes les obsessions fin de siècle, spleen, identité sexuelle, drogues, névroses, fantastique...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Anéanti devant mon impuissance, j'étais sans courage pour échafauder une illusion de travail. Non, je n'avais même pas le peu de volonté nécessaire pour m'employer à quelque oeuvre utile et banale dont la réalisation ne laisserait pas en moi une place pour l'inquiétude. Et des cours, et des nuits, je m'hébétais dans la monotonie d'une existence à la dérive qu'une angoisse aiguë torturait par crises. C'est alors que je connus mon ami, mon confident, mon consolateur, celui qui est toujours là, l'éther...
Un jour où je souffrais atrocement de névralgies gastriques, le docteur de Fauvières m'ordonna quelques gouttes d'éther. Mon mal physique disparut. Et ma personne spirituelle, si faible, si débile, se sentit vivifiée, comme née d'une nouvelle existence. J'eus alors - cela très nettement - le sentiment que je vivais, que mon être, jusque là dans les limbes, s'éveillait en joie, en lumière, en paradis, un paradis blanc, froid.
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- Les plaisirs de la campagne, maman : Une mauvaise invention de feuilletonniste à court de copie. Non, je ne suis pas idyllique. La campagne ne me fait pas vomir de vers, à moi. Je ne m'extasie pas sur la beauté des panoramas, la mine fraîche des paysannes. Je ne m'amuse pas à cueillir des violettes, des pensées, des jacinthes des bois. Je n'ai pas cette âme de modiste chère aux poètes contemporains. Quand j'ai envie d'un bouquet, je télégraphie à Paris et je reçois des fleurs le lendemain. Je déteste les bouquets paysans, mastocs, composés sans aucun souci de forme, d'arrangement, de couleurs.
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- Enfin, Monsieur Mordann, quelles joies pouvez-vous trouver à gâcher ainsi votre santé et votre existence ?
Et les yeux clairs s'attachaient sur moi, interrogateurs, si sympathiquement interrogateurs, qu'un gros sanglot soulevait ma poitrine et que, d'un trait, je criais mes secrètes tortures, la maladie du doute qui était en moi, cette maladie de la sensation à outrance, quand même et toujours, qui s'était attachée à mon âme comme une rouille, stridait à mes oreilles comme un essaim de guêpes obstinées...
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Nous échangeons de futiles propos, et maman ne devine pas toutes les larmes qu'il y a au fond de ma gaité feinte.
Larmes sur quoi, larmes pour quoi ? Je ne sais. Ce sont des larmes sur mon impossibilité à avoir un but dans l'existence, mais un but vraiment haut, une conquête, pour lesquels il vaille la peine de se battre et de peiner. J'ai trop le sentiment de mon impuissance à créer une oeuvre, - et c'est pour cela que quelque chose s'est détraqué en moi : l'intérêt de vivre.
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