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EAN : 9782709635790
440 pages
J.-C. Lattès (24/08/2011)
  Existe en édition audio
4.16/5   9009 notes
Résumé :
« La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous constitue, ma sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire.

La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (916) Voir plus Ajouter une critique
4,16

sur 9009 notes
Je n'ai pas du tout aimé ce livre, à telle enseigne, — et vous m'accorderez que c'est un cas rarissime me concernant — que je n'ai même pas trouvé la force de le lire complètement. Ce que j'en ai lu m'a suffisamment déplu pour me pousser à le refermer à jamais sans espoir de retour.

Dès mon tout premier survol, j'y ai de suite retrouvé tout ce que je déteste chez Annie Ernaux : écriture plate dénuée de tout ce que j'aime en littérature, sujets volontiers racoleurs, dissertation creuse et pseudo métaphysique sur son puissant " travail d'écrivain ". Elle a donc sagement fait attention de bien tout recopier de son aînée, mais en prenant le soin d'aller encore un peu plus loin du côté obscur… (C'est normal, me direz-vous, rien ne doit s'opposer à la nuit…)

Comme je suis normalement hostile aux critiques qui disent juste J'AIME / J'AIME PAS sans rien argumenter ou sans rien éclaircir sur le pourquoi de ce ressenti, je vais tâcher d'argumenter. On pourra aisément me rétorquer à chaque argument — ce sera légitime —, que je n'ai aucun droit à me plaindre de tel ou tel élément m'ayant déplu puisque je n'aurai pas lu le texte dans son ensemble ni l'intégralité du contexte dans lequel cet élément textuel se situait. Et au sens strict, on aura raison de fustiger une telle critique.

J'ai fortement hésité à écrire une critique sur un livre que j'ai lâchement abandonné. En ai-je réellement le droit ? Pas évident. Cependant, ce sur quoi j'ai quelques droits et quelques certitudes, c'est sur mon ressenti de lecture, qui lui peut s'exprimer à n'importe quel stade de la découverte d'une oeuvre écrite, même si la découverte n'est que partielle. Un site de partage littéraire comme Babelio a toute sa raison d'être justement si tous les avis s'y expriment. Certes, je n'ai pas lu le livre en entier, mais d'un simple point de vue statistique, ce que j'ai éprouvé d'autres peuvent l'éprouver également. C'est pour eux que j'écris ce qui suit, pas pour les nombreux aficionados qui ont dévoré goulûment ce livre et qui ne changeront pas d'avis après avoir (éventuellement) lu cette contribution mineure.

Pour être tout à fait honnête, j'avais un a priori très négatif d'emblée sur ce livre. Si j'y suis venue, c'est par l'entremise de quelqu'un qui m'est aussi cher que proche et qui a beaucoup aimé Rien Ne S'Oppose À La Nuit. Un gros succès éditorial, des gens que j'estime qui sont conquis, cela méritait sûrement d'essayer de passer outre mes a priori. Voilà comment j'abordais cette lecture : direction bibliothèque municipale. (Pas folle la guêpe, pas envie de laisser le moindre centime là-dedans avant de m'être forgée ma petite idée. Si le livre est vraiment bon, il sera toujours temps de l'acheter ensuite.)

Me voici donc au sortir de la grande médiathèque, moi, petite, frêle, avec un gros pavé sous le bras. L'examen de la quatrième de couverture ne me laisse rien présager de bon. Je l'ouvre par hasard à la page 84. le passage que j'y ai découvert allait prendre une très grande importance dans mon ressenti général. Je vous le retranscris tel quel avec seulement des parenthèses où le NB signifie Nastasia-B :

« L'homme que j'aime, dont l'amour se heurte parfois à mes absences, s'est inquiété, il y a quelque temps, de me voir entreprendre ce travail. (NB : il s'agit donc d'un travail. Travail, au sens commun, rime avec rémunération et salaire, je tiens à le préciser.) C'est ainsi en tout cas que j'ai interprété sa question, posée avec une certaine prudence : avais-je besoin d'écrire ÇA ? (NB : normalement ce « ça » ainsi que le suivant est en italique, mais je n'ai pas la possibilité de le restituer.) Ce à quoi, sans hésitation, j'ai répondu que non. (NB : c'est donc qu'aussi bien elle que ses proches perçoivent le côté voyeur, racoleur, indécent ou impudique de la chose, comme le nez au milieu de la figure.) J'avais besoin d'écrire (NB : exutoire ou salaire ? That is the question.) et ne pouvais rien écrire d'autre (NB : tellement absorbée par le sujet ou en panne totale d'inspiration pour autre chose, un vrai roman par exemple ? That is another question.), rien d'autre que ÇA. La nuance est de taille ! (NB : effectivement, la nuance ou plutôt les nuances sont de taille, je confirme.)
« Ainsi en avait-il toujours été de mes livres, qui au fond s'imposaient d'eux-mêmes, pour des raisons obscures (NB : oui, très obscures) qu'il m'est arrivé de découvrir longtemps après que le texte eut été terminé. (NB : probablement en fonction des succès remportés par les ventes !) À ceux qui redoutaient les dangers que pouvaient représenter pour moi un tel chantier, si peu de temps après la mort de ma mère, je répondais avec assurance que non, pas du tout, mais enfin, pensez-vous. (NB : vous aurez remarqué au passage la grande richesse de plume de cette « auteure ».) Je sais aujourd'hui — alors que je ne suis même pas encore à la moitié du vaste chantier dans lequel je me suis empêtrée (j'ai failli écrire : du vaste merdier dans lequel je me suis foutue) — combien j'ai présumé de mes forces. (NB : là, pas d'erreur, vous êtes convaincus, nous avons affaire à une grande écrivaine au style incomparable qui imprimera de son sceau la littérature française pour des siècles et des siècles.) »

Après ce passage introductif, j'en viens aux deux points principaux qui me dérangent avec cette marchandise livresque. Premièrement, les motivations de l'« auteure ». (J'ai mis des guillemets, ce n'est pas une erreur de frappe, ne m'en veuillez pas.) En effet, à l'ère de l'internet, lorsqu'on a un gros truc sur la patate, un besoin irrépressible de partager avec autrui des moments forts ou pénibles, il y a un moyen phare, largement ouvert et diffusé sur la planète entière, totalement libre et gratuit qui s'appelle le blog (ou toute forme apparentée).

Si je cherche à faire éditer un livre, c'est que mes motivations sont différentes. Soit j'ai quelque aspiration à la gloire et à la renommée, soit je compte en vivre et donc me faire de l'argent avec, soit je considère que ce que j'écris est réellement une oeuvre d'art, soit — ce qui est pire encore — un mélange des trois. En fait ces motivations ne me dérangent pas à partir du moment où l'on a affaire à un véritable artiste, quelqu'un qui a un talent de plume rare, suffisamment exceptionnel pour justifier et de la renommée et des retombées financières.

Oui, excusez-moi de penser ce que je pense Delphine de Vigan, mais vous ne m'empêcherez pas de penser qu'il y a une motivation cruellement commerciale là-dedans. Si vous vouliez vraiment partager (je précise qu'en langue française le mot « partager » signifie prendre partie avec, en même temps que d'autres, comme un repas, une conversation…), le blog eût été le meilleur support. le respect d'une mère, est-ce de l'étaler sur la place publique et de se faire payer pour cet étalage ?

À partir du moment où vous émettez sans recevoir, ce n'est pas un partage, et à partir du moment où vous vendez ce que vous émettez, cela s'appelle du commerce. du commerce de quoi ? de vie privée. Vie privée de qui ? Même pas la vôtre seulement. C'est-à-dire que non seulement vous vous arrogez des droits sur la vie privée de votre mère (la vôtre vous en faites ce que vous voulez, libre à vous) mais aussi sur celle d'autres personnes de la famille. C'est-à-dire que leur vie privée à eux n'est plus privée mais publique, lue et répétée par des milliers de gens (et dans vingt-cinq langues nous précise la quatrième de couverture.)

Que dit votre pudeur ? que dit votre conscience ? que dit votre âme ? chère Delphine de Vigan quand vous vous rendez compte que vous gagnez votre vie sur les détails sordides de votre existence ou de celle de votre mère ? de votre famille ? (J'ai sous les yeux sur un autre onglet d'internet une photo de vous avec un gigantesque sourire tenant votre livre encerclée par des piles et des piles de votre ouvrage, et ça me fait froid dans le dos quand j'y pense.) Ici on fait tinter les trémolos du voyeurisme ordinaire, dont la presse à scandale fait ses choux gras, avec juste ce qu'il faut de retenue, juste ce qu'il faut de précaution et d'habileté mensongère pour faire croire à quelques scrupules, sous couvert d'expérience psychologique.

Pour moi c'est purement et simplement, dans le principe, répugnant et écoeurant. (Fasse l'avenir, ma pauvre maman, que jamais il ne me prenne l'idée de déballer en public tes pauvres travers et tes misérables secrets, ni ceux de tes pères ou frères.) Je vous assure, tous les détails sordides y sont. (Je n'ai pas tout lu heureusement mais quand j'ai survolé le passage de la croûte de camembert sur la joue bleue de la défunte, j'ai reçu mon quota d'irradiation aux rayons Gala, Voici et Closer pour une année complète.)

Mais surtout, ce qui est fort, c'est que Delphine de Vigan, par ces nombreuses considérations sur la gestation de son machin, sur la prouesse de parvenir à faire naître un tel chef-d'oeuvre en exhumant de la matière fétide en putréfaction, voudrait presque qu'on s'apitoie sur son sort d'écrivain, sur sa difficulté, sur son délicat labeur d'écriture, " ouh ! que c'est dur ma pauv' dame ", " oh ! là ! là ! que vous avez dû souffrir à affûter vos adjectifs et à régler tous vos verbes dans ce bourbier-là ! "

Le deuxième point qui me chagrine avec ce livre, je l'ai déjà vaguement évoqué plus haut, c'est son style. Aïe, aïe, aïe ! Que j'ai mal à ma littérature ! Rien Ne S'Oppose À La Nuit…
… effectivement, rien ne s'oppose à la nuit de la littérature française. Alors c'est donc ça la littérature française actuelle ! D'ailleurs j'en profite au passage pour faire une petite remarque aux éditeurs qui eux aussi n'ont que de nobles desseins et aucune vue financière.

Je ne sais pas pour la version de poche, mais sur celle de grand format, sous le titre, en première de couverture, est écrite l'appellation « roman ». Je suis désolée de pinailler de la sorte mesdames et messieurs les éditeurs de JC Lattès, mais à ma connaissance, ce type d'écrit doit être catégorisé sous l'étiquette « témoignage » ou « récit autobiographique » mais assurément pas de roman. Pardonnez-moi, mesdames et messieurs les éditeurs, mais cela vient du fait que j'ai une trop haute estime du roman pour le laisser salir ainsi. Un roman c'est autre chose que ça, parce qu'un roman, sachez-le une fois pour toute, un roman c'est écrit, un roman ça se compose, ça ne se rédige pas comme un rapport médical ou une note de service.

Je sais bien qu'en français le substantif « écriture » désigne aussi bien l'acte de faire une trace sur un papier comme ce qu'expérimentent les enfants de la maternelle qui apprennent à « écrire » que le travail d'un écrivain. Or ici, il ne peut certes pas s'agir de la seconde acception du terme écriture. Vous voulez un argument ? Okay, transportons-nous, si vous le voulez bien à la page 420 de l'édition grand format, c'est-à-dire à l'un des moments supposés être les plus forts de la narration, celui où l'« auteure » découvre le cadavre de sa mère :

« Lucile était allongée sur le côté, les bras pliés, hors de la couverture, j'ai voulu la retourner mais son corps était raide, résistait, j'ai voulu éteindre la radio branchée sur France Inter, comme depuis la nuit des temps, je n'ai pas trouvé le bon bouton, mes mains commençaient de trembler, j'étais gagnée par une panique progressive et silencieuse, je me suis relevée, je suis allée vers la fenêtre, j'ai ouvert les rideaux, j'ai enlevé mon blouson et mon écharpe, je les ai posés sur sa chaise, j'ai posé mon sac aussi, au pied de son bureau [… etc., etc…] »

Oooooouuuuuhhhhh ! Là ça dépote, les enfants ! Des phrases qui fusent, des verbes qui chantent, des figures de styles sur quatre étages ! Chapeau l'artiste ! Choderlos de Laclos et Flaubert, vous pouvez aller vous rhabiller, Racine et Verlaine, faites dans votre caisse et tremblez car la relève est assurée et c'est pas de la roupie de sansonnet ! Quelle indigence, mes aïeux, quelle indigence… les bras m'en tombent ! Stendhal aurait passé un mois entier à composer le paragraphe de cette découverte, à soupeser chaque gramme de mot chaque atome de syllabe et pourtant c'était un rapide en matière d'écriture. En fait, sur l'ensemble de l'ouvrage, j'avais trouvé le titre pas mal et elle nous révèle que même ça ce n'est pas d'elle, mais un emprunt à l'Osez Joséphine d'Alain Bashung. Aïe, aïe, aïe ! Que j'ai mal à ma littérature ! Rien, absolument plus rien ne s'oppose à la nuit… une nuit sans lune, sans étoile, sans rien.

En somme, l'« auteure » a utilisé sept mots pour donner un titre à sa mixture, je n'en ai pour ma part besoin que de six pour exprimer ce que j'en pense :
— déballage impudique dans un style insipide — Voilà, six mots, pas un de plus et j'ai dit tout ce que j'avais à en dire, tellement c'est beau et combien c'est dense dans l'analyse psychologique.

Des souvenirs me reviennent d'À L'Est D'Eden de John Steinbeck, qui lui aussi abordait beaucoup de points intimes et mettait en scène sa famille, je me souviens de la pudeur, du velours, de la dentelle d'écriture, de la magnifique ouverture et généralisation qu'il avait faite du cas particulier de sa famille à quelque chose de plus vaste et transcendant et c'est là que je mesure toute la différence, tout l'écart, tout l'abîme qui existe entre une oeuvre d'art, fruit du travail d'un authentique romancier et ce machin, cet édredon plat fourré aux vers fétides, cette émanation bassement commerciale sans la moindre parcelle de génie littéraire, ce truc qui passera comme une étoile filante dans les cieux du mois d'août, qui engrangera quelques substantiels bénéfices au passage et que tout le monde se dépêchera d'oublier avant dix ans d'ici.

Aïe ! Que j'ai mal à ma littérature ! Mon coeur se serre, mes jambes se fléchissent, mes genoux touchent le sol en soulevant un léger nuage de poussière qui vient masquer, pour quelques instants, ma tristesse d'avoir levé le voile et posé le regard sur un tel non roman. Bien évidemment, il en faut pour tous les goûts (sans quoi TF1, ARTE et Horse TV diffuseraient le même programme), nombreux(ses) sont mes ami(e)s qui ont adoré ce livre et qui y trouvent mille qualités, mais permettez-moi, en mon seul nom, de ne pas applaudir cette fois-ci.

D'ailleurs qui suis-je pour exprimer ce que j'exprime ? qui suis-je pour juger l'oeuvre d'autrui ? Alors certes, en ce qui me concerne c'est : rien ne s'oppose à l'ennui, mais ce n'est qu'un avis noir, nocturne, aussi ténébreux que l'âme de Judas, c'est-à-dire, pas grand-chose, soyez-en sûrs.

P. S. : je passe évidemment sous silence le fait que cette « auteure » soit la compagne de François Busnel et qu'elle ait accepté que celui-ci en fasse la promotion dithyrambique dans son émission " La Grande Librairie " en 2011. Tout ceci n'ayant aucune espèce de rapport avec un quelconque intérêt commercial de l'entreprise Rien Ne S'Oppose À La Nuit.
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D'emblée, la femme de la couverture est belle. Sa blondeur sage, le col roulé noir, la cigarette à la main… un sourire à peine esquissé et puis ce regard, que vise-t-il ? Vers quel horizon se porte-t-il ?

Oui, d'emblée on est séduit par cette femme, et le titre du récit, Rien ne s'oppose à la nuit, finit de l'enfermer dans un mystère éternel.

Cette femme, c'est la mère de l'auteur, une mère particulière, comme elles le sont toutes pour leurs enfants.

Delphine de Vigan brosse le portrait de sa mère, et de sa famille, remontant les souvenirs comme on remonte un fleuve, avec ce qu'ils charrient de bon et de mauvais. Ces bagages, lourds, légers, qui font le portrait intime et réel des êtres à part.

Lucile est à part. Et l'est restée jusqu'ou jour où elle a décidé de se donner la mort.

L'auteur parle de trouble bipolaire, pour décrire les failles de toute une vie. Je ne sais pas si ce diagnostic filiale est juste, peu importe. Il s'agit du regard d'une fille qui porte le souvenir de sa mère, comme un testament, comme l'exécutrice légale d'une vie bleue-noire.

Il y a des couleurs dans ce récit. Je me suis rappelé Rimbaud avec ses correspondances. Bleue-noire, comme la musique de Bashung qui donne son titre au roman. Bleue-noire comme cette palette de couleurs qui s'impose à moi quand je pense à Lucile, racontée par sa fille. Bleue-noire la vie brûlée par les deux bouts. Bleue-noire comme la culpabilité et la souffrance, et ces épisodes terribles, qu'on lit en s'accrochant aux pages, le vertige accaparant le lecteur comme au bord d'un gouffre d'incompréhension.

Il est de ces récits qui n'entendent pas se laisser résumer. Que dire ? C'est l'exposé-discussion de toute une famille, un matriarcat imposant, une fourmilière de personnalités, joyeuses et débordantes, tristes et heureuses, et au milieu se dresse, lumineuse, la figure de Lucile.

J'ai eu du mal, longtemps après sa lecture, à trouver les mots pour en parler, et je les cherche encore. Je sais juste que j'ai une tendresse immense pour ces personnes qui ne savent pas comment vivre. Et l'on peut avoir toutes les meilleures raisons du monde d'être heureux et comblés, il y a de ces failles qui ne s'expliquent pas comme on le voudrait. Il est de ces failles qui font la beauté et la sensibilité des gens les plus intéressants. Mais qui font aussi leur malheur, ainsi que celui de leur entourage.

J'ai de l'indulgence pour ces failles, qui sont la marque des gens incapables de vivre dans ce monde sans ressentir l'inexplicable poids de toutes les misères humaines. Il n'st pire souffrance que celle qui ne trouvent pas de source rationnelle aux yeux des autres. Comprendre Lucile est la quête de l'auteur, comprendre et se pardonner, lui pardonner peut-être.

Lire ce récit m'a heurtée, parce que je me suis reconnue, toutes proportions gardées, dans quelques traits de Lucile. Cette incapacité à vivre, ces brusques bouffées d'espérances et de folie, avant de mieux sombrer, autant de raison de lui porter la même indulgence que j'ai à mon égard.

La différence, c'est peut-être que j'essaie de changer deux ou trois petites choses, pour ne pas laisser le galion sombrer totalement.

Un récit d'amour pour la Mère, comme la littérature nous en offre quelquefois.
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On ne peut que souhaiter bonne route à Delphine de Vigan après qu'elle se soit, on l'espère, allégée d'un pareil fardeau. Car au-delà de ce portrait en creux de Lucile, sa mère, c'est bien sûr aussi sa propre histoire qu'elle nous livre. Et cette famille hors-normes, moi, je ne l'ai trouvée ni touchante ni sympathique, n'y devinant que des individualités occultées, asphyxiées par l'égocentrisme, l'indifférence ou les non-dits, au prétexte d'une apparente unité familiale censée forcer l'admiration de tous.

C'est mon ressenti essentiel au sortir de ce livre.

Au-delà de ce sentiment inconfortable, on est touché par l'écriture de cette femme au passé si douloureux. Comme elle le dit si bien, il n'est pas très original d'écrire sur sa mère, mais la façon dont elle évoque ses recherches et ses découvertes, ses errances et ses doutes, en fait un récit plutôt atypique, humble, vivant, et surtout très attachant.


Lien : HTTP://MINIMALYKS.TUMBLR.COM/
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Il y a quelques mois, j'avais consacré une petite chronique "a chaud" tout juste après avoir refermé ce livre. Aujourd'hui je pense encore à cette lecture. le souvenir de ces pages est resté gravé au fer rouge dans mon esprit car malgré le côté intime du récit je pense que ce drame familial peut être universel et arriver à tous, la famille n'épargne personne et dans le cas de Delphine de Vigan qui couche sur le papier l'histoire de Lucile, sa mère, il s'avère que le passif est lourd. Je lui tire mon chapeau car il faut énormément de courage pour entreprendre une démarche qui risque de bouleverser à jamais les choses et les êtres.

Dans la famille de Lucile on fait illusion, on passe pour une grande tribu unie. Entourée de ses nombreux frères et soeurs, cette jolie petite fille fait des photos de mode qui mettent du beurre dans les épinards des parents. Plus tard c'est une Lucile silencieuse et renfermée sur elle-même, adulte, c'est une femme complètement déconnectée de la réalité, diagnostiquée bipolaire, mais si elle est folle, aux yeux de ses parents ,c'est forcément sa faute... Ajoutez à tout ça la mort qui vient frapper régulièrement à la porte de la famille et on comprends mieux pourquoi la petite Lucile en est arrivée là...

Pour que je lui consacre un nouveau billet il faut vraiment que cette lecture m'ai fait mal et me mette en colère. Malgré mon traumatisme des rapports familiaux, j'ai essayé de voir les choses avec neutralité mais en vain. J'ai vraiment souffert pour Lucile, je n'arrive pas à concevoir que des parents digne de ce nom puissent être si égoïstes. Ils font des enfants à la pelle et délaissent ceux qui sont déjà là sans se soucier le moins du monde des conséquences morales que cela peut engendrer. Au fur et à mesure des pages, quand les membres de la famille s'ouvrent peu à peu à Delphine de Vigan on se rend compte qu'ils ont tous gardé des séquelles de ces parents irresponsables qui leur offraient peut-être le confort matériel mais pas l'essentiel. Comment, quand on ose porter le titre de parent, on peut rester comme ça à côté de la plaque et continuer à se regarder dans une glace alors que les enfants morflent moralement?
Plus je pense à ce livre et plus je suis révoltée car dans le fond certaines familles détruisent plus qu'elles épanouissent et quand les dégâts deviennent irréparables, c'est toujours ceux qui sont réellement à blâmer qui retirent leurs billes.
Je n'essaie même pas d'imaginer ce que Delphine de Vigan a ressenti quand elle a commencé à gratter la couche de vernis, je comprend les moments de pause et de remise en question entre chaque chapitre car ça n'a pas du être évident pour elle de remuer un tel sac de noeuds. Ce livre ne ramènera pas Lucile mais néanmoins il continue de la faire exister, telle qu'elle était et malgré ses déviances. J'ai ressenti une profonde affection pour cette femme qui a seulement été la victime malheureuse de parents, qui selon moi, ne méritent même pas de l'être...
Ce livre met une véritable claque dans la gueule et fait réfléchir sur la complexité des rapports familiaux. Je le conseille à tous et pour les lecteurs sensibles comme moi, et bien, préparez les mouchoirs !
A lire !
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Ce livre laisse des traces. Je l'ai refermé la larme au coin de l'oeil.

Cette recherche d'une mère …

Cette recherche d'une certaine forme de vérité littéraire. Pour raconter, reconstruire cette mère imparfaite. Tant aimée.

Ce livre a beaucoup été critiqué. Je ne comprends pas bien pourquoi. de faux procès car écrire pour exorciser, pour comprendre, combien l'on fait avant elle sans s'attirer les foudres des critiques en tous genres.

Delphine de Vigan m'a emporté avec elle.

Delphine de Vigan est un auteur qui compte pour moi. Car elle donne de toute son âme et il en faut en tout cas du courage pour écrire un tel roman, cette folle fuite en avant.

Ce livre est un cri d'amour. Que dis-je, un hurlement.

Dans la nuit.

Lien : https://labibliothequedejuju..
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critiques presse (10)
Bibliobs
03 septembre 2015
"Rien ne s'oppose à la nuit" réussit une horrifique confession en trompe-l'oeil.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaPresse
17 octobre 2011
C'est dans les manques que le roman puise sa force. Au fil des questions qui restent sans réponse, des trous impossibles à combler, se profile un personnage fascinant. Lucile, si fragile, si déterminée aussi, est infiniment émouvante. D'autant plus que Vigan ne la raconte pas comme une mère, mais comme une femme. La dernière partie du livre, récit en détail du suicide, est bouleversante: Lucile emporte avec elle tout le mystère de son mal-être.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lexpress
23 septembre 2011
Avec tendresse et douleur, Delphine de Vigan évoque le suicide de sa mère. Sans doute son meilleur livre.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
21 septembre 2011
Intranquille et opiniâtre, affectif et âpre, empreint d'une vraie justesse, Rien ne s'oppose à la nuit s'est d'ores et déjà imposé comme un des livres importants de cette rentrée, présent dans les premières sélections des prix Goncourt, Médicis et Renaudot, récipiendaire du prix du roman Fnac.
Lire la critique sur le site : Telerama
Bibliobs
12 septembre 2011
«Rien ne s'oppose à la nuit» n'est pas attristant, c'est un récit débordant de santé. Vivifiant. Lustral comme toute tragédie.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
09 septembre 2011
Ce roman intrigue, hypnotise, bouleverse. Il interroge, aussi.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LesEchos
29 août 2011
Tout le talent de Delphine de Vigan est d'avoir capté avec sincérité, loin du pathos qu'un tel sujet pourrait induire - le suicide d'une mère -, la part de lumière émise par l'astre maternel à présent éteint.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Lexpress
25 août 2011
Une histoire à la fois solaire et infernale, lourd héritage dont semble enfin s'alléger Delphine de Vigan, à 45 ans, en le livrant avec sincérité et simplicité. Bon sang, quel bouquin.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
19 août 2011
Un chemin sinueux mais tendu par la force d'un amour, d'un élan vital.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lexpress
07 août 2011
Dans cette enquête poignante au coeur de la mémoire familiale, la romancière fait resurgir les souvenirs les plus lumineux comme les secrets les plus enfouis. Un récit sensible et fascinant, qui fait écho aux blessures de chacun...
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (766) Voir plus Ajouter une citation
J'écris ce livre parce que j'ai la force de m'arrêter aujourd'hui sur ce qui me traverse et parfois m'envahit, parce que je veux savoir ce que je transmets, parce que je veux cesser d'avoir peur qu'il nous arrive quelque chose comme si nous vivions sous l'emprise d'une malédiction, pouvoir profiter de ma chance, de mon énergie, de ma joie, sans penser que quelque chose de terrible va nous anéantir et que la douleur, toujours, nous attendra dans l'ombre.
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L'anorexie ne se résume pas à la volonté qu'ont certaines jeunes filles de ressembler aux mannequins, de plus en plus maigres il est vrai, qui envahissent les pages des magazines féminins. Le jeûne est une drogue puissante et peu onéreuse, on oublie souvent de le dire. L'état de dénutrition anesthésie la douleur, les émotions, les sentiments, et fonctionne, dans un premier temps comme une protection. L'anorexie restrictive est une addiction qui fait croire au contrôle alors qu'elle conduit le corps à sa destruction. J'ai eu la chance de rencontrer un médecin qui avait pris conscience de ça, à une époque où la plupart des anorexiques étaient enfermées entre quatre murs dans une pièce vide, avec pour seul horizon un contrat de poids.
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Le 04 janvier 1980, Barbara, la soeur de ma grand-mère, et son mari Claude Yelnick, qui était à l'époque Directeur de l'information de France-Soir, furent invités sur le plateau d'Apostrophes pour un livre qu'ils avaient écrit ensemble, intitulé Deux et la folie. Le livre racontait à deux voix la maladie de Barbara, caractérisée par l'alternance de périodes d'excitation, voire de délire, et de périodes de dépression profonde.
Sans doute cette date correspondait-elle à la fin des vacances de Noël, car dans l'invraisemblable salle de télévision de Pierremont, tout entière dévolue au culte du petit écran (lequel était immense et trônait au milieu d'un meuble en bois conçu pour l'accueillir), il me semble que ce jour-là, la famille entière fut réunie dans un silence religieux. Les uns s'étaient installés sur les larges fauteuils recouverts de moumoute à poil doux, les autres s'étaient assis par terre sur la moquette bleue. On retenait son souffle. L'émission commençait à peine que déjà se chuchotèrent les premiers commentaires, mais pourquoi s'est-elle habillée comme ça, par qui va-t-il commencer, mais enfin, pas du tout, son tailleur est parfait. Les premiers chut exaspérés fusèrent à travers la pièce. Et puis voilà, attention, oui, Barbara et Claude passaient en premier, si ce n'était pas chic, formidable, épatant, mais enfin taisez-vous, et qui tousse comme ça sans arrêt ?
Lorsque nous rentrâmes à Paris, Lucile commença à peindre sur le mur du salon, qui était aussi sa chambre, une fresque tourmentée, composée d'arabesques et de spirales, vert foncé sur fond blanc. C'est ainsi que je me la rappelle, tortueuse et menaçante.
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J'avais écrit la mort d'Antonin -considérée, dans la mythologie familiale, comme LE drame inaugural (il y en aurait d'autres). Pour cela, j'avais dû choisir, parmi les versions qui m'avaient été données, celle qui me semblait la plus vraisemblable, la plus proche en tout cas de ce qu'en racontait Liane, ma grand-mère [...].
Qu'avais-je imaginé? Que je pouvais raconter l'enfance de Lucile à travers une narration objective, omnisciente et toute-puissante? Qu'il me suffisait de puiser dans le matériau qui m'avait été confié et faire mon choix, mon "petit marché"? Mais de quel droit?
Sans doute avais-je espéré que, de cette étrange matière, se dégagerait une vérité. Mais la vérité n'existait pas. Je n'avais que des morceaux épars et le fait même de les ordonner constituait déjà une fiction. Quoi que j'écrive, je serais dans la fable. Comment avais-je pu imaginer, un seul instant, pouvoir rendre compte de la vie de Lucile? Que cherchais-je au fond si ce n'était approcher la douleur de ma mère, en explorer le contour, les replis secrets, l'ombre portée?
La douleur de Lucile a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d'adulte, la douleur de Lucile sans doute nous constitue, ma sœur et moi. Pourtant, toute tentative d'explication est vouée à l'échec. Ainsi devrais-je me contenter d'en écrire des bribes, des fragments, des hypothèses.
L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser des questions et d'interroger la mémoire. (p.41/43)
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Je ne me suis jamais vraiment intéressée à la psychogénéalogie ni aux phénomènes de répétition transmis d'une génération à une autre qui passionnent certains de mes amis. J'ignore comment ces choses (l'inceste, les enfants morts, le suicide, la folie) se transmettent.
Le fait est qu'elles traversent les familles de part en part, comme d'impitoyables malédictions, laissent des empreintes qui résistent au temps et au déni.
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Elle est l'éditrice attitrée de plusieurs écrivains contemporains qui comptent dans le paysage littéraire français, tels que Hervé le Tellier, Delphine de Vigan ou encore Monica Sabolo. Depuis 2019, elle s'évertue à faire briller le talent des écrivains de la prestigieuse maison d'édition Gallimard, dont elle est secrétaire générale. Elle y a rapidement porté de grands succès, comme par exemple le livre L'anomalie de Hervé le Tellier, prix Goncourt 2020. Rencontre.
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