Recluse dans son appartement, postée derrière sa baie vitrée telle une vigie, une vielle femme observe l'extérieur, regarde le monde se faire sans elle. Atteinte de démence sénile, elle ne sait plus depuis combien de temps elle a largué les amarres et renoncé à ranger, trier, nettoyer, obéir. Désormais elle vit comme un Robinson sur une île née du chaos qu'elle a elle même créé. En saccageant son bel appartement et en y accumulant des détritus, elle s'est réinventé une géographie, une géologie, une terra incognita que nul autre qu'elle ne doit fouler. Elle est farouchement déterminée à protéger son territoire contre toute tentative d'ingérence.
Sale, repoussante, ressemblant à une sorcière de conte, la vielle dame indigne n'a provoqué chez moi aucune répulsion mais plutôt de l'intérêt . Pas un intérêt froid d'entomologiste qui observe un sujet particulièrement intriguant mais un intérêt teinté de compassion. Je l'ai trouvée touchante, surtout quand elle cherche son chat.
Aurélien Delsaux entraîne le lecteur à la découverte d'une étrange contrée, celle d'une pathologie très particulière restée longtemps ignorée mais qui existe cependant depuis la nuit des temps. le sujet est délicat à traiter mais l'auteur fait preuve d'habileté en ne versant ni dans le larmoyant ni dans l'immonde et réalise un bel exploit en faisant fleurir la poésie sur cet amas d'ordures.
J'avais quelques appréhensions avant d'ouvrir ce livre, peur d'avoir la nausée mais je n'ai jamais été dégoûtée pendant ma lecture par l'évocation de la vermine qui grouille dans l'appartement. Chapeau, Mr Delsaux !
J'ai adoré ce roman que j'ai lu d'une traite et ose affirmer que je le considère comme un petit chef d'oeuvre.