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Citations sur Marie-Lune, tome 1 : Un hiver de tourmente (9)

On a rien dit. On était encore un peu à l’écart du peloton de danseurs quand il m’a enlacée. Ça m’a donné un grand coup au cœur. Il faisait chaud et doux dans ses bras. Son chandail sentait l’automne, la terre noire et les feuilles mouillées
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Tu es née ce matin, ma belle.
Je voudrais te dire tant de choses. Mais je suis fatiguée et je ne suis pas très douée pour l'écriture.
J'aimerais que tu lises cette lettre dans vingt ans. Ou quand tu auras des enfants. On verra.
Je ne sais pas du tout ce qui va nous arriver. Qui je vais devenir ni qui tu seras. Mais c'est le plus beau jour de ma vie.
Ça fait mal accoucher. Je ne pensais pas que ça faisait aussi mal. Dans les cours prénatals, on nous enseigne qu'en respirant bien, c'est possible de contrôler la douleur.
C'était atroce. Pourtant, je respirais exactement comme on me l'avait enseigné. Il y a eu des secondes, des minutes peut-être, où j'ai presque regretté de t'avoir fabriquée.
Je me demandais dans quelle galère je m'étais embarquée. J'avais l'impression que mon ventre allait éclater.
Pauvre Léandre -- c'est ton père ça --, chaque fois que je criais, il pâlissait. Si tu n'étais pas sortie, je pense qu'il serait devenu transparent.
J'ai repris courage quand ils m'ont annoncé qu'ils voyaient tes cheveux. Tu t'en venais! Je ne savais pas si tu étais une fille ou un garçon. Ça ne me dérangeait pas. Du moment que tu étais là.
Je savais que tu n'aurais probablement pas de frère ni de soeur. C'était déjà un petit miracle que tu sois là. Je te raconterai ça une autre fois...
Mais ma petite bonjour, tu me faisais mal en creusant ton chemin. À un moment donné, le Dr Lazure a lancé; «Arrêtez de pousser, Fernande.» Je l'aurais étripé! C'est facile à dire, ça: «Arrêtez de pousser.» Mais ce n'était pas moi, c'était toi qui poussais. Tu étaits déjà toute là. Avec ton petit caractère, tes désirs et tes idées.
Je me suis dit: «Au diable le beau docteur. Elle veut sortir, elle va sortir.» Je t'ai aidée. J'ai pris une grande respiration et j'ai poussé comme si j'avais une montagne à déplacer.
Soudain, je t'ai entendue. Tu n'étais pas grosse, mais tu en faisais, du vacarme! Tu ne pleurais pas, tu beuglais. Ça me faisait peur. J'ai pensé que quelque chose n'allait pas.
Tu avais peut-être un cordon enroulé trois fois autour du cou. Je n'avais pas le courage de regarder.
L'infirmière a crié: «C'est une belle fille!»
Au ton de sa voix, je savais que tout était parfait.
Mais les bébés, moi, je ne connaissais pas ça. Tu étais toute rouge et tu hurlais. J'ai cru que je ne saurais jamais comment faire. Trouver les bons gestes, les bons mots. Qu'est-ce qu'on fait avec un petit paquet de chair qui hurle à ébranler les maisons?
Ils t'ont déposée sur mon ventre mou. J'ai failli crier: Non! Attendez! Montrez-moi comment faire avant.
Tu étais encore gluante. Mais tu avais un nez mignon, une belle petite bouche et deux grands yeux qui me regardaient comme s'ils me connaissaient. Tu étais toute chaude. Moi aussi. On avait fait tout un marathon ensemble.
C'est là que je me suis aperçue que tu ne pleurais plus. Depuis que nos corps s'étaient touchés. Un vrai miracle.
Tu ressemblais à un petit oiseau affamé avec ton bec qui cherchait mes seins. Je t'ai aidée. Tu faisais presque pitié, tellement tu avais faim. Déjà. Ou peur. Je ne sais pas.
Pendant que tu tétais, je ronronnais.
C'est à ce moment-là que j'ai compris qu'on était unies pour la vie. Ce qu'il y avait entre nous, c'était déjà plus fort que tout.
Je ne sais pas ce qu'on va devenir, Marie-Lune. J'espère que je serai une bonne mère.
Quand je ne saurai plus, tu m'aideras. Mais je serai toujours là. C'est sûr.
Je t'aime, Marie-Lune.
Bonne vie!
Ta mère»
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Ces expériences m'ont sans doute aidé à créer une héroïne qui, bien que tirée de mon adolescence, ressemblait aux jeunes lectrices et lecteurs de la génération actuelle
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Moi? Voyons donc! C’est différent. J’ai déjà été la gloire de Fernande. Sa fille unique. Belle et brillante. Belle, dans la langue de ma mère, ça veut dire propre, bien mise et en bonne santé. Et brillante? Des «A» partout, en français comme en chimie.
Depuis l’an dernier, ma mère me trouve moins belle et brillante, et beaucoup trop adolescente. Et depuis qu’Antoine est entré dans ma vie, je me suis métamorphosée en cauchemar ambulant. Je fais peur à mes parents. La nuit des vampires, c’est rien à côté de moi.
Fernande a du mal à digérer la nouvelle Marie-Lune. Elle se ronge les sangs et elle s’arracherait aussi les cheveux si elle n’en avait pas déjà perdu autant. Elle fait des drames avec tout, pleure pour rien et souffre toujours de migraines.
Quant à mon père, journaliste sportif au Clairon des Laurentides, il lit plus d’articles sur l’adolescence que sur le hockey. Le pauvre a failli faire une syncope en apprenant que 50 % des adolescents ont fait l’amour avant la fin du cours secondaire.
Je suis devenue suspecte.
J’aime Antoine depuis le 27 octobre. Je l’aimais peut-être déjà auparavant, mais j’étais trop poire pour m’en apercevoir. L’année dernière, à la fête d’Halloween de la polyvalente, j’avais dansé avec Sylvie Brisebois.
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Vert forêt et bleu électrique
Ma mère a les cheveux bleus. Elle n'est pas complètement marteau, ni même un peu Martienne, mais simplement coloriste, au Salon Charmante, rue Principale à Saint-Jovite. La semaine dernière, ses cheveux étaient «or cuivré». Le flacon 57, sur l'étagère du haut.
Derrière les séchoirs, tout au fond du salon, ma mère mélange des couleurs. Mèches, teintures, balayages, reflets… Il y a des peintres en bâtiment, d'autres en chevelure.
Le bleu, normalement, n'est qu'un reflet. Mais Fernande n'a pas eu le temps de revenir à sa couleur naturelle – noir corbeau sans numéro – avant de l'essayer. Elle sait maintenant que le nouveau «bleu nuit 13» fait un peu psychédélique lorsqu'on l'applique sur un fond «or cuivré 57».
Moi, je rêve d'une mèche bleu électrique. Juste une, presque discrète, qui se tiendrait bravement debout sur le dessus de ma tête. Mais pas question! La petite Marie-Lune de Fernande et de Léandre n'a pas le droit d'être punk. Je me contente d'une coupe légèrement étagée et terriblement ordinaire, signée Gaëtanne, l'amie de ma mère, propriétaire du Salon Charmante.
Ce n'est pas très sophistiqué, mais c'est un peu ébouriffé, ce qui me convient. Avant, j'étais plutôt du genre coupe champignon. Un bol de cheveux renversé sur le crâne. Une auréole de poils trop sages. Maintenant, c'est fini. Je m'appelle encore Marie-Lune, mais attention! Je suis plutôt une Marie-Éclipse, une Marie-Tonnerre, une Marie-Tremblement de terre.
C'est drôle! Les clientes de Fernande lui réclament les pires extravagances, et elle ne bronche pas. Maman peint en blond Barbie les cheveux roux de Mme Lalonde, étale du jaune carotte sur la tignasse noire de Mme Bélanger, teint en noir charbon les derniers poils blancs de Joséphine Lacasse et jure à ces épouvantails qu'elles sont ravissantes. Ces dames lui demanderaient une mèche vert limette, et ma mère brasserait les couleurs sans dire un mot.
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J’ai changé de galaxie. J’étais loin dans mes songeries. Je ne l’avais pas vu approcher. Antoine était là, devant moi. Gauche et sérieux. Il avait l’air trop grand. Et gêné de l’être.

Je n’ai pas répondu. Je l’ai suivi. Ce n’était pas un nœud que j’avais dans la gorge, mais un troupeau d’éléphants. En avançant, je lui ai écrasé un pied – le droit, je crois. Il était aussi gauche que moi. En voulant me prendre le bras, il a failli s’enfuir avec ma chemise.

On n’a rien dit. On était encore un peu à l’écart du peloton de danseurs quand il m’a enlacée. ...
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Je me sentais drôle, ce soir-là. Triste et heureuse en même temps. Pour rien. Ça m’arrive parfois. J’ai les émotions de travers. Comme si on les avait passées au malaxeur.
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Sylvie est ma meilleure amie. On se connaît depuis la pouponnière. Nos mères étaient enceintes en même temps. Et toutes les deux, on habite au bout du monde. À vingt minutes de Saint-Jovite, en plein bois, au bord du lac Supérieur. Il n’y a que cinq familles assez cinglées pour vivre là douze mois par année. Quand je pense qu’on pourrait avoir un appartement au cœur de Montréal, près des boutiques de la rue Sainte-Catherine, ça me rend complètement folle.

Tout ça pour dire que l’an dernier, au party d’Halloween, pas un traître gars ne nous avait invitées à danser. On buvait sagement nos Coke dans un coin en faisant attention de ne déranger personne et de ne pas trop attirer l’attention. Deux vraies dindes !

Il faut croire que le Coke nous était monté à la tête parce qu’on avait décidé de danser ensemble. Un slow. Quand j’y pense, j’ai tellement honte. Mais Sylvie et moi, on fait toujours tout ensemble. Sylvie, c’est presque une sœur. On trouvait la musique belle, on était de bonne humeur et on avait envie de danser. C’est tout. Quand Claude Dubé et sa bande nous ont vues, ils se sont mis à hurler.
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On s’est regardés. Ses paupières se sont abaissées. La grande forêt verte a disparu et il m’a embrassée. Sur les lèvres. Tout doucement. Tellement doucement que, si ses lèvres n’avaient pas été si chaudes, je me serais demandé si c’était vraiment arrivé.
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