Anaïd Demir nous offre un récit à l'image d'une quête labyrinthique et identitaire dans la maison de son enfance, héritage de ses parents, en banlieue Parisienne. Elle porte sur elle par son prénom Arménien et son nom Turque toute la complexité de l'histoire Arménienne, de l'histoire de sa famille, c'est la ligne conductrice de son récit.
Elle s'installe dans cette demeure avec son matelas et ses cartons, entre les quelques toiles d'araignées, le papier peint usé, les murs jaunis et le bois vieilli. La demeure regorge d'objets talismans, de boîtes secrètes. Elle arpente les pièces et les murs s'avèrent être bavards tout comme les meubles. Ils lui rappelle ses parents, ses grands parents et ses frères et soeurs. Ceux qui ont vécu l'horreur et l'impensable dans les années 1915 en Arménie, ceux qui ont tout fait pour s'affranchir d'un Pays, s'émanciper de leurs enfances douloureuses.
Lorsqu'elle prononce ne serait-ce que le prénom de sa soeur, c'est tout un pan de l'histoire arménienne qui en découle. Quand elle effleure de sa main, sa jambe dans un bain brulant semblable au Hammam, c'est sa grand mère Mayram qui s'invite dans ses souvenirs. Et quand la faim se manifeste au creux de son ventre, c'est au « tacht hantess », pique nique champêtre en arménien, quelle se plaît à repenser, aux côtés de ses cousins. Un patrimoine de réminiscences entier est présent dans ce manoir obscur.
Dans un contexte historique douloureux, les souvenirs heureux sont présents,
Anaïd Demir rend magnifiquement hommage à sa famille, avec une plume d'une poésie profonde. En a peine 206 pages, l'auteure nous offre un patrimoine entier, son histoire à elle en toute intimité. Nous sommes faits de notre histoire familiale, ancrée en nous, dans les gênes. Faut-il se défaire complètement ou partiellement de son histoire pour se réaliser pleinement?
« Une langue, plus encore qu'un nom et un prénom, raconte l'histoire d'un peuple et porté en elle les stigmates de son histoire »