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EAN : 9782895961550
194 pages
Lux Éditeur (14/03/2013)
3.88/5   8 notes
Résumé :


Dans les années 1980, les technocrates de Margaret Thatcher ont habillé du joli nom de gouvernance le projet d'adapter l'Etat aux intérêts et à la culture de l'entreprise privée. Ce coup d'Etat conceptuel va travestir avec succès la sauvagerie néolibérale en modèle de "saine gestion". Nous en ferons collectivement les frais : déréglementation de l'économie, privatisation des services publics, clientélisation du citoyen, mise au pas des syndicats, ce ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Gouvernance, voilà un mot fréquemment utilisé de nos jours dans les médias, sans que l'on sache vraiment le définir. Il est probable que 99% d'entre nous peineraient à expliquer la différence avec gouvernement.

Ce terme de gouvernance, tombé en désuétude, revint en force dans les années 90, suite à une série de scandales et la chute de quelques entreprises mastodontes, les plus connues étant WorldCom et Enron.

Les principaux dirigeants d'Enron avaient mis en place un système complexe pour dissimuler certains des investissements et certaines dettes, ceci afin d'améliorer le bilan... et de faire monter le cours de l'action. Lorsque ces investissements perdirent de leur valeur, l'entreprise fit faillite, pénalisant les actionnaires... et aussi - surtout -, les employés, dont la retraite était basée sur les actions.

Des principes et des règles de gouvernance furent alors édictés, leur but officiel étant de protéger l'investissement des actionnaires en cas de malversation des dirigeants. Il est plaisant de constater que les actionnaires avaient eux-mêmes tendu le bâton pour se faire battre: en effet, rémunérés en actions, les dirigeants étaient fortement incités à faire monter le cours de Bourse.

Mais fermons la parenthèse. La thèse d'Alain Deneault est beaucoup plus inquiétante. Il nous montre que la gouvernance, originellement limitée à l'entreprise, s'est étendue à la politique, et à toute l'économie. En un mot, ce principe de protection des investisseurs, s'applique désormais à l'ensemble des individus. Elle dépossède les gouvernements de la possibilité de choisir d'autres politiques, plus favorables à leurs administrés. Tiens, par exemple, les décisions sur les retraites, la gestion du secteur hospitalier, de l'éducation, sans parler de l'agriculture, sont elles prises en fonction de l'intérêt général, ou d'intérêts particuliers?

On entend toujours parler de "bonne gouvernance", mais les caractéristiques de celle-ci sont plutôt nébuleuses, malgré le nombre important d'instituts qui travaillent sur le sujet, et les financements privés juteux qu'ils reçoivent. Et pour cause: les apôtres de la gouvernance avancent avec des intérêts masqués. C'est par exemple au titre de la "bonne gouvernance" que l'on continue à exploiter des ressources dans les pays dits "en voie de développement" en leur versant une toute petite partie des revenus de cette exploitation, et, au passage, en se faisant exempter le plus possible d'impôts et de taxes.

Alain Deneault met en exergue les contradictions de ces principes, par exemple lorsqu'ils promeuvent benoîtement la discussion avec les "parties prenantes", tout en insistant sur la nécessité d'une organisation extrêmement hiérarchisée, et d'une prise de décision totalement centralisée. La ressemblance avec le récent épisode de la réforme des retraites me semble exactement correspondre à ce schéma pervers.

C'est également à ce titre que des universités - financées par le secteur privé - se voient orientées vers des recherches dont l'intérêt est évalué en fonction de leur potentiel commercial.

Je viens de consulter le site de l'ONU, et l'on y découvre que le principal ennemi de la 'bonne gouvernance' serait la corruption, qui officiellement, engloutirait au bas mot mille milliards de dollars chaque année. Donc, sans surprise, il est recommandé de lutter contre ces pratiques... mais, comme le souligne Alain Deneault, pour corrompre, il faut être deux: le corrompu et le corrupteur. Si certains gouvernements sont régulièrement accusés d'être corrompus, on s'intéresse bien moins à ceux qui les corrompent...

L'idée de la bonne gouvernance est que toutes les décisions devraient être prises par des experts. Or, quels meilleurs experts que les managers d'entreprise? Les autres, gouvernements, citoyens, sont aimablement désignés comme des "parties prenantes" dont le but, on l'aura compris, doit aller dans le bon sens: un partenariat. L'exemple du Congo est éclairant: un rapport de 60 pages signé Banque mondiale et intitulé "la bonne gouvernance dans le secteur minier comme facteur de croissance" fait appel à des experts et des consultants géologues travaillant également pour des sociétés minières...

Pire encore, lorsqu'une entreprise fait faillite, ou commet des fraudes, alors, on accuse les États de ne pas avoir posé les bonnes barrières pour l'éviter. de ne pas avoir mis en place une "bonne gouvernance". La faute est donc rejetée sur les gouvernements. Imparable!
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« Gouvernance », mot « magique » utilisé par Margaret Tacher en 1984, puis repris par la Banque mondiale, puis dans le Management de l'ouest États-uniens et, tout récemment, aux débuts des années 2000, lors de colloques, conférences et commission sur « gouvernance et secteur minier ».

Gouvernance, un mot qui se donne des airs vagues par sa terminaison en « ance » mais qui, au fond, vise de « Gouverner par le haut »; de centraliser les pouvoirs et décisions par le haut vers le bas, vers le terrain.

Ça fait longtemps que l'on connait les résultats hautement réfragables et non-concluants des démarches et résultats entourant cette idéologie. Néanmoins, on nous répète ce mot, tel un lavage de cerveau, dans les milieux publiques et parapubliques, comme un idéal, un but à atteindre.

Soyez vigilants. Sachez être critique en lisant ce court volume traitant du sujet de la Gouvernance comme objectif et résultats totalitaires.

« Définir la gouvernance: qui sont les joueurs? Qui a (réellement) de l'influence? Qui décide? » ; la Gouvernance est le processus par lequel les sociétés ou organisations prennent leurs décisions importantes, déterminent qui a une voix (et comment il l'aura), qui est engagé dans le processus et comment des comptes sont rendus. citation in Edgar, Marshall et Basset, « partnerships », Institut sur la gouvernance, Ottawa, 2006.

« L'état abandonne toute mission sociale au principe de la libre entreprise » (…) vers des finalités (…) de la production d'un savoir commercialisable » citation in Martin et Ouellet, « La gouvernance des universités dans l'économie du savoir », IRIS, 2010.
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critiques presse (1)
NonFiction
20 août 2013
Une analyse marxienne de la notion de "gouvernance" qui s’impose de plus en plus dans les institutions et grâce à certaines institutions.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La gouvernance, qui depuis a fait florès, est une forme de gestion néolibérale de l’État caractérisée par la déréglementation et la privatisation des services publics et l'adaptation des institutions aux besoins des entreprises. De la politique, nous sommes ainsi passés à la gouvernance que l'on tend à confondre avec la démocratie alors qu'elle en est l'opposé.
Dans un régime de gouvernance, l'action politique est réduite à la gestion, à ce que les manuels de management appellent le « problem solving » : la recherche d'une solution immédiate à un problème immédiat, ce qui exclut toute réflexion de long terme, fondée sur des principes, toute vision politique du monde publiquement débattue. Dans le régime de la gouvernance, nous sommes invités à devenir des petits partenaires obéissants, incarnant à l'identique une vision moyenne du monde, dans une perspective unique, celle du libéralisme.
"Jouer le jeu veut pourtant dire accepter des pratiques officieuses qui servent des intérêts à courte vue, se soumettre à des règles en détournant les yeux du non-dit, de l'impensé qui les sous-tendent. Jouer le jeu, c'est accepter de ne pas citer tel nom dans tel rapport, faire abstraction de ceci, ne pas mentionner cela, permettre à l'arbitraire de prendre le dessus. Au bout du compte, jouer le jeu consiste, à force de tricher, à générer des institutions corrompues.
La corruption arrive ainsi à son terme lorsque les acteurs ne savent même plus qu'ils sont corrompus. "
Comment résister à la médiocratie ?
Résister d'abord au buffet auquel on vous invite, aux petites tentations par lesquelles vous allez entrer dans le jeu. Dire non. Non, je n'occuperai pas cette fonction, non, je n'accepterai pas cette promotion, je renonce à cet avantage ou à cette reconnaissance, parce qu'elle est empoisonnée. Résister, en ce sens, est une ascèse, ce n'est pas facile.
Revenir à la culture et aux références intellectuelles est également une nécessité. Si on se remet à lire, à penser, à affirmer la valeur de concepts aujourd'hui balayés comme s'ils étaient insignifiants, si on réinjecte du sens là où il n'y en a plus, quitte à être marginal, on avance politiquement.
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Jusqu'alors, la gestion gouvernementale avait toujours été entendue comme une pratique au service d'une politique publiquement débattue. Mais puisque cette politique s'est laissée renverser par cette pratique au point de s'effacer à son profit, il convient de dire de la gouvernance qu'elle prétend à un art de la gestion pour elle-même.
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La notion de gouvernance véhicule une conception particulière de l'État , une notion fonctionnaliste et instrumentaliste qui prévilégie ses fonctions économiques , ''créer un environnement favorable aux forces du marché'', et subordonne ou met en marge ses fonctions redistributives.

p.152
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Que le modèle mathématique fonctionne en certains cadres est une chose , qu'il traduise au titre de la norme et du savoir les fondements psychologiques et pratiques des comportements sociaux en est une autre.

p.140
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Diffamer ceux qui monopolisent la fable qui les dit fameux.

p.190
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Vidéo de Alain Deneault
Alain Deneault en conférence-dédicace à la SCOP Librairie Les Volcans ! Il répond aux questions de ses lecteurs pour son ouvrage Médiocratie.
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