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Critique de Brulang


Dans cet essai, le philosophe québécois Alain Deneault étaie l'idée du système étatique de la médiocratie. Axant son étude sur le cas du Canada, plus particulièrement du Québec, ce serait selon lui cet ordre dans lequel tout devient moyen qui caractériserait davantage le régime politique du pays, et non pas la démocratie, comme c'est pourtant officiellement et communément admis. le principe de la démocratie est celui du gouvernement du peuple par le peuple, or l'auteur de « Gouvernance » croit que celle-ci, dans cette région du monde, « reste à faire bien plus qu'à préserver ».

La médiocratie est divisé en quatre courts chapitres dont les titres laissent croire à un travail académique bien en règle. En premier, on a « savoir et expertise », ensuite « commerce et finance », puis « culture et civilisation », pour ne nommer que les trois premiers, les principaux. Je reviendrai plus tard sur le dernier. Disons que le tout se présente sous la forme d'un essai essentiellement rhétorique comme on en voit souvent écrits par des bien-pensants qui se disent préoccupés par les questions « d'éthique » mais qui ne révèlent rien de consistant mises à part les capacités de leur auteur à se conformer au format prescrit pour les publications à l'ère de la médiocratie. Au contraire, cet ouvrage « comme les autres » en apparence s'en distingue sur le fond. Sur le ton de l'arrogance, il s'avance et il dérange, dénonçant les revers de la pensée dominante, regorgeant d'informations salées et compromettantes pour les institutions officielles, et qui aident le lecteur à mieux comprendre les rouages du pouvoir caché mais véritablement établi dans la société.

C'est donc sous des airs empruntés aux essais politiquement correct, pour ne pas dire « bée-bête », que Deneault rend l'exposé magistral de son érudition subversive. On remarque que si son savoir n'entre pas dans les normes de ce qui est permis, il est en revanche tout sauf « superflu », à l'opposé de ce qu'il dénonce être produit aujourd'hui dans les universités de la médiocratie, le plus souvent par des experts soumis au jeu de l'élite financière. Par ailleurs, non seulement le titre de la médiocratie est trompeur puisqu'il recèle la vision d'un intellectuel résistant à la pression de la médiocrité, prétendant à une certaine grandeur, mais, en plus, les analyses de ce dernier s'appuient sur un travail journalistique mené avec rigueur, des données statistiques, des faits et des exemples concrets, depuis la collusion des universités québécoises avec les firmes d'énergie transnationales jusqu'aux partys privés à Sagard qu'il nous rend impossible d'ignorer. En somme, son ouvrage est aussi divertissant qu'instructif et il fait un joli pied-de-nez à ces autorités.

L'esprit, le style de Deneault est inimitable. La façon avec laquelle, dans cet opus publié en 2015, les institutions et les dimensions de la vie publique sont passés au crible d'une analyse vitriolique qui la dépeint dans des figures comme celle de « l'analphabète secondaire » étudiant dans les universités ou encore de « l'ermite de masse » qui passe tout son temps isolé parmi les autres devant son écran de télé ou du professeur « Superman », rien n'échappe au regard critique de ce professeur de philosophie.

Cependant, à mon avis, celui qui se présente comme un « penseur » est avant tout un excellent humoriste ! En effet, malgré la lourde teneur des propos de Deneault, je ressors franchement satisfait à la fin de ce qui pourrait tout aussi bien être une oeuvre de fiction, pourquoi pas, une satyre, marqué encore par ses images, ne serait-ce que ce fameux portrait des « colons » du Canada.

Enfin, je dois dire que le comble du comique se retrouve dans ce tout dernier chapitre, où le philosophe fait son appel à la prise de conscience universelle et au soulèvement… J'avoue que c'est là que mon rire s'est étrangement modulé. Dans le but, peut-être, de détourner l'attention de son lecteur sur sa grande influence marxiste, Deneault puise dans la pensée d'Aristote pour rallier son public autour de l'idée non pas d'une révolution à faire mais bien d'une « co-rruption ». J'hésite… Est-ce un bel exemple de prouesse d'humour au quatre-vingt-treizième degré ou une basse concession à la médiocrité ?
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