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EAN : 9782266074131
320 pages
Pocket (02/11/1998)
3.68/5   79 notes
Résumé :
En 1804, le matelot Nicolas Jean Lafitte a 18 ans. Condamné à mort pour refus d'obéissance, il attend l'exécution de la sentence.
Quarante ans plus tard, il remet à Karl Marx un sac d'or pour permettre l'édition de son célèbre manifeste.
Jean-François Deniau retrace l'extraordinaire destin de ce corsaire au grand coeur qui faisait fortune "en volant les voleurs", attaquait les navires affectés à la traite des Noirs, s'initiait à l'amour volage dans les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Globalement, je n'ai aucun respect pour la politique étrangère américaine et je trouve qu'à bien des égards sur le plan social les Etats-Unis sont l'exemple type d'un système injuste. Mais je méprise tout autant l'anti-américanisme primaire. L'Amérique ce n'est pas que Trump, le Maccarthysme, la guerre en Irak... L'Amérique, c'est aussi Mark Twain, John Ford, c'est une terre qui a longtemps symbolisé le possible, le rêve et l'aventure. A ce titre, je trouve que la France et les Etats-Unis évoquent trop rarement (et lorsqu'ils le font c'est à mauvais escient) le lien si particulier qui les unit. En tout cas, la France le fait trop peu, et notamment à travers la fiction. de toute façon (là je vais pas mal digresser) les artistes français ont toujours été un peu frileux à s'emparer de personnages historiques pour en faire des mythes. Les américains sont en revanche très doués pour ça. Ils sont même capables de s'emparer d'une personnalité historique, de triturer la réalité pour faire de cette personnalité un mythe puis de revenir à plus de réalisme et tirer à vue sur le mythe. Je pense notamment à la figure de Wyatt Earp qui est devenu l'incarnation du Old West. Un même cinéaste a su à la fois participer à l'ériger en mythe avant de s'amuser à le détruire. Dans le très bon classique "Règlements de compte à OK Corral" John Sturges présente Earp comme l'incarnation du type honnête et bon qui va se dresser contre des bandits sans foi ni loi (construction du mythe). Quelques années plus tard, le même Sturges réalisera l'excellent "7 secondes en enfer" dans lequel Earp est présenté de façon sans doute plus conforme à la réalité comme un vigilante brutal et la mort des hommes du clan Clanton ressemble à une exécution sommaire (déconstruction du mythe). Tout ça pour dire qu'en France on n'a pas beaucoup d'exemples de fictions osant s'emparer de telles figures historiques. Ainsi, étrangement, scandaleusement, il y a très peu de fictions s'inspirant de Jean Laffite. Vous avez vu, après ma trop longue digression je parviens à revenir sur mon histoire du lien qui unit la France et les U.S.A. Parce que qui mieux que Jean Laffite peut incarner ce lien ? Ouais bon, c'est vrai il y en a d'autres (La Fayette, Rochambeau...) mais ce Laffite, quel personnage ! Pourquoi, mais pourquoi si peu d'auteurs français se sont intéressés à lui ?! Comme il y en a très peu et que je voulais lire un roman s'inspirant de sa vie, me voilà avec cette "Désirade" dans les mains. Je ne pensais pas un jour lire un roman de Deniau qui a, pour moi, l'image d'un papy guindé. Et bien, ça aurait été vraiment dommage de passer à côté de ce roman qui est un régal.

La réussite de "La Désirade" ne tient pas seulement à l'illustre personnage qu'elle prend comme matériau de base mais aussi au talent de conteur de Deniau qui a su se saisir de ce personnage et lui donner une dimension de mythe.
"La Désirade" est un formidable récit d'aventures. Tout y est pour combler le lecteur : combats sur terre et sur mer, exotisme, romantisme... Et l'auteur sait donner du souffle à son récit. Cet aspect est vraiment enthousiasmant.
Derrière le roman d'aventures, des réflexions intéressantes sont abordées, sur la naissance d'une cité, sur les hommes guidés par une utopie...
Mais avant tout, "la Déisrade" est un très beau portrait. Deniau a offert là un magnifique hommage à cette figure flamboyante. Il le fait de façon très intelligente. L'évolution de cet homme qui va être dépassé par sa propre légende trouvera un écho dans les changements de ton du récit. D'abord la jeunesse fougueuse, exaltée, pleine de rêves, puis le temps de la désillusion, des échecs, des espoirs déçus. La 1ère partie est digne des plus grands romans d'aventure. Jean Laffite y est bouillonnant, exubérant, audacieux, séducteur, un personnage irrésistible, haut en couleurs (Errol Flynn aurait été parfait même s'il n'est pas français). La suite du récit va adopter un ton plus mélancolique. Au fur et à mesure, Laffite apparait de plus en plus désabusé. Il devient touchant et émouvant. Il a voulu ressusciter la flibuste, on a voulu y croire avec lui mais c'étaient là les derniers feux et Laffite en prend conscience. Mais Laffite reste indomptable et il aura un dernier pied de nez réjouissant :

Au cours de ma lecture, je suis passée du rire aux larmes, mon petit coeur a battu très fort (seules quelques longueurs m'empêchent de parler de coup de coeur absolu).
Maintenant , il faudrait que je lise "la baie des maudits" de Alain Dubos qui s'inspire également de Laffite et puis... et puis voilà. Il n'y a, à ma connaissance, pas d'autres romans s'intéressant à cet homme bigger than life. Merde, ce type a tout de même sauvé La Nouvelle Orléans aux côtés d'un futur président des U.S.A ! Quand je vous dis que c'est une honte de ne pas s'emparer d'un tel personnage. Auteurs français, allez-y, saisissez-vous de Laffite pour construire un mythe. Et pourquoi pas ensuite le déconstruire (ses activités dans le cadre de la traite des esclaves). Mais d'abord le construire...
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On sait peu de choses sur le légendaire Jean Lafitte, personne ne sait vraiment où il est né, (Bordeaux, Bayonne, Biarritz, Saint Domingue ?) ni où et quand il serait mort. Que sait-on vraiment de lui ? Il s'agissait d'un pirate écumant le golfe du Mexique pour s'emparer de navires essentiellement négriers dont il revendait à son profit les tristes cargaisons. Il amassa une fortune considérable et reste célèbre aux Etats-Unis pour avoir, à la tête de ses canonniers, repoussé les Anglais qui voulaient s'emparer de la Nouvelle Orléans lors de la seconde guerre d'Indépendance en janvier 1815. Hollywood lui a consacré trois films et un parc national porte son nom, à l'emplacement même où il avait établi son camp, la réserve de Barataria, à proximité du delta du Mississipi. On visite encore aujourd'hui, rue Bourbon à La Nouvelle Orléans, la maison qu'il s'y était fait bâtir.
Tout le reste est légende, ses débuts de mutin puis de capitaine, ses amours, ses descendants (en eut-il ?), ses trésors (que certains prétendent toujours enterrés sur le littoral du Texas ou de la Floride), sa société utopique de Galveston, ses rencontres avec Engels et Marx dont il aurait (pourquoi pas ?) financé la parution du Capital. Rien n'est avéré, tout est possible et Jean-François Deniau, qui était un bon marin* et un bon écrivain s'est emparé de la légende pour en faire un très bon roman d'aventures. Le pirate devient corsaire, le négrier se fait discret et nous voilà embarqués à bord d'un brick hollandais rebaptisé La Désirade pour quelques heures de navigation sous haute tension. Si l'on accepte de lire un scénario hollywoodien en technicolor, c'est très réussi. En bon marin qu'il était l'auteur nous livre les meilleurs moments du roman sur les flots, en particulier dans la description d'un navire de commerce traversant un cyclone. A cette occasion, j'ai presque eu l'impression de comprendre la différence entre navigation à la cape et navigation à la fuite. Le reste du temps, on abat la mâture pour éviter d'enfourner, on canonne, on vire de bord, on passe au près serré (je fais l'intéressant mais je n'y connais rien) avant d'explorer la Floride au milieu des Indiens Séminoles, de boire du champagne en prison ou d'ouvrir le bal du gouverneur à La Nouvelle Orléans.
Une lecture très agréable et distrayante.

* En 1995, après un triple pontage, âgé de 67 ans, il effectue une traversée de l'Atlantique à la voile accompagné du champion olympique de voile Nicolas Hénard. Il est élu à l'Académie de Marine, en 1999, en remplacement d'Éric Tabarly. En 2003, il fonde le groupe des « Écrivains de Marine ».
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Ce roman nous fait voyager sur les traces du flibustier français Jean Lafitte, né près de Bordeaux en 1776.

Fils de marin, Jean va rejoindre son frère Pierre dans les Caraïbes en 1794. Ils sont corsaires et attaquent les Anglais et les Espagnols au nom de la France, ils font du trafic négrier également. Leur réputation grandit vite.

En 1803, il s'installent à La Nouvelle Orléans que Napoléon vient de vendre aux Américains au grand dam de la nombreuse population française très mécontente. Une forme de résistance s'installe et il faudra dix ans aux Américains pour prendre le contrôle effectif de la ville. Jean et Pierre y sont très appréciés. Ils y ont des maîtresses et vivent une vie de grands seigneurs, financée par leur royaume de Barataria. A quelques kilomètres de la ville dans des marécages et des bayous inextricables, Jean et Pierre ont fondé un royaume de pirates qui n'obéit qu'à leur loi. Cinq milles marins s'y livrent à toutes sortes de trafics et contrebandes, Pierre se chargeant d'écouler la marchandise en ville. Les pirates vivent selon un code d'honneur et s'ils sont impitoyables envers leurs ennemis, ils sont très solidaires entre eux et prennent soin de leurs blessés et infirmes. Jean règne d'une main de fer sur son petit royaume. Il est très riche. En 1813, le gouverneur de la Nouvelle Orléans veut asseoir l'autorité américaine et met la tête de Jean à prix pour 500 dollars, ce dernier réplique en offrant trois fois plus pour celle du général Claiborne.

Depuis 1812, les USA sont en guerre contre les Anglais, leur armée n'est pas encore bien organisée, ils manquent d'hommes et de moyens. Les deux belligérants se tournent vers Jean qui disposent de tout le nécessaire en hommes et en armes. Etant Français avant tout, il choisit d'aider les Américains. le général Jackson lui offre l'amnistie en échange de son aide. C'est ainsi qu'en 1815, les Anglais sont battus à plates coutures par les Américains commandés par Jean et ses hommes.

Les pirates sont désormais des héros qui vivent en ville, car le démantèlement de Barataria fait partie du traité d'amnistie. Au bout d'un an de cette vie de seigneurs locaux, Jean et Pierre se lassent. Ils quittent La Nouvelle Orléans pour fonder un nouveau royaume à Galveston au Texas, mais les temps ont changé, celui de la flibuste est terminé.

J'ai lu plusieurs fois ce roman. On ne peut que s'attacher à ce magnifique héros, à la fois terrible et juste, témoin d'un monde disparu qui ne veut pas mourir. Certes Deniau a un peu embelli Jean en gommant les aspects les plus noirs de sa carrière criminelle. Il en a fait un des nombreux héros de la liberté qui constellent son univers romanesque. La langue est magnifique, le vocabulaire marin précis, les paysages magnifiques. C'est toujours un plaisir de s'embarquer avec Jean François Deniau, je vous le recommande chaleureusement.

Jean Lafite a fait naître de nombreuses légendes, notamment celle de son immense trésor, enterré quelque part sur les côtes de Louisiane, que de nombreuses personnes cherchent depuis deux siècles.
Lien : https://patpolar48361071.wor..
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Ce livre a été pour moi une bénédiction. Déjà lu plusieurs fois, j'ai trouvé l'histoire passionnante, le personnage principal qui raconte sa vie très intéressant, bien creusé. Ce livre donne des envies de voyage, j'ai suivi de nombreux documentaires sur la piraterie (je me souviens d'une fameuse soirée théma sur Arté) et surtout la flibuste et les frères de la côte... Pour moi, il est dans le même esprit que "Sa majesté des mouches" ou le film "Mosquito Coast" même si les histoires sont évidemment très différentes. Il s'agit de destin d'hommes qui se laissent guider par leur vie et qui vont là où l'aventure les appelle. La nature est très présente : mer, jungle, rivages côtiers. Je le recommande chaudement!!!!
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Raconter la vie d'un héros, c'est mixer des bribes de réalité avec les légendes qui l'entourent. Autant dire que Jean-François Deniau ne s'en est pas privé, s'agissant du Nicolas-Jean Lafitte mis en scène dans La Désirade, de la scène du début dans laquelle il échappe in extremis à son exécution à celle de la fin dans laquelle il va au-devant de cette mort qui semble le fuir. Bien que Lafitte, "voleur de voleurs", soit un négrier avéré, Deniau rend son personnage sympathique, charmeur et intelligent (il n'aime pas tuer, cependant il laisse faire quand la situation lui échappe) mais faible, voire lâche, car, ne sachant pas choisir, il subit (la perte de son amour de jeunesse) et laisse faire (les massacres de Galveston). Servi par son excellente connaissance de la navigation, Deniau prend un évident plaisir à valoriser les compétences de marin de son héros dans l'épisode du Constantin Constantinovich en plein cyclone, épisode qui amorce la quête de rédemption du héros. Ce dernier finira par financer l'impression du Capital de Karl Marx (hypothèse de quelques historiens), sensé déboucher sur un monde meilleur. Bref, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman qui oscille en permanence entre réalité (contexte historique) et fiction (légendes et romance).
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Tout se passe entre messieurs en habit et cravate à perle, parlant un anglais plutôt châtié, consultant d'un oeil lointain la montre en or pendue à la chaîne du gilet. De l'ancienne flibuste, seul est demeuré le décor de la mer au bleu profond bordé d'émeraude clair, puis de sable très blanc qu'éventent de leur palmes les cocotiers de la rive.
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A Bordeaux, les gens et estimés sont négociants en vins. Ou en nègres. Ou en vins et en nègres. Les tonneliers ne sont que des artisans qui n'entrent pas dans la maison, seulement à l'office. Être vinaigrier, c'est franchir un échelon. On récupère les mauvais vins, on devient négociant aussi, une sorte d'associé des grands. Ils vous font venir dans leur bureau. Bien sûr, ils ne vous invitent pas encore à vous asseoir. Ce sera pour la génération d'après.
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Il y a un mot qu'on n'aimait pas beaucoup employer dans la flibuste : la pendaison. Alors, on préférait dire : bénir la foule avec ses pieds...
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on va te fermer ta plaie. Elle a l’air saine, maintenant.
– Vous allez la coudre ? demande Lafitte.
L’autre s’esclaffe dans l’ombre.
– Pas moi, garçon. Il y a longtemps que je n’ai plus de doigts. Et ici, il n’y a ni fil, ni aiguille. On tisse, on ne coud pas.
Lafitte contemple sans sourciller le petit panier plein de gros termites rouges qu’apporte un Indien. D’une main, l’homme rapproche les bords de la blessure. Le termite mord. L’Indien, qui le tient de l’autre main entre deux doigts, pouce et index, de l’ongle du pouce coupe la tête et la sépare de l’abdomen. La tête n’a pas lâché prise. Voilà un point de suture de fait. La pluie tambourine sur le toit de palmes.
Du fond de la case, le lépreux a surveillé l’opération.
– N’est-ce pas beau, la médecine indienne, garçon ?
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Sans salutations d'usage, pendant vingt minutes, le major injurie le chef indien si fort et si vite que Lafitte a du mal à traduire. On n'a pas le droit de tromper à ce point. Infâme manque de parole. Satané, damné, sacré mensonge... Le chef laisse passer l'orage. Puis il tire sur sa pipe, crache, tire de nouveau sur sa pipe. Le major, debout, attend une explication. Elle vient, très bas, comme si elle coulait de la masse graisseuse de la figure du chef, comme si elle fondait du corps difforme dissimulé sous le tapis.
_ Dans ce pays, dit le chef, pour survivre il a toujours fallu faire trois choses : tuer, voler et mentir. Depuis que les hommes blancs se sont installés ici, tuer est devenu presque impossible. Voler est de plus en plus difficile. Qu'est-ce qui reste ?
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Vidéo de Jean-François Deniau
"Un héros très discret" adapté du livre homonyme de Jean-François Deniau (bande-annonce) 1996
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