Mr Denuziere a longuement posé ses valises en Louisiane pour collecter le matériau nécessaire à l'élaboration de cette fresque somptueuse.
Une saga en trois volumes (Louisiane, Fausse Rivière, Bagatelle), impétueuse et ample comme le Mississipi, qui s'ouvre sur d'imperceptibles frémissements annonciateurs de la guerre de Sécession, et s'achève en 1918.
Un travail ambitieux, colossal, exhaustif et précis qui marie le roman et
L Histoire avec une habileté remarquable.
L'auteur manie sa plume, exquise d'élégance, comme une caméra.
Il alterne plans larges sur la scène internationale et zooms appuyés au coeur des plantations de Pointe-Coupée.
Loin des champs de bataille, son récit explore les joutes politiques, les tractations sous-marines, les conflits d'intérêts dont cette Amérique toute neuve, traquée par une meute de nations colonisatrices, est l'épicentre.
Au terme de l'inévitable choc nord-sud, le peuple noir est brutalement jeté en pâture dans une liberté à laquelle rien ne l'avait préparé.
Un apprentissage douloureux pour ces enfants de l'Afrique, volés, expatriés, asservis, infantilisés, volontairement maintenus dans l'illettrisme.
Sacrée marche à franchir pour une grande majorité de blancs, peuple à la suprématie auto-proclamée, qui réalise tardivement et avec un peu de stupeur, que l'accès aux urnes vient techniquement de s'ouvrir à des dizaines de milliers d'électeurs noirs.
La fragile mosaïque des États-Unis traverse une longue période de troubles.
Les organisations secrètes (au nombre desquelles le tristement célèbre KKK) rivalisent de méthodes infâmes pour sauvegarder le privilège blanc tandis que le Sud, au bord de la faillite, tente d'avaler l'amère pilule et d'amorcer un lent virage social et culturel.
Le génocide des Amérindiens, occupants premiers et légitimes du sol américain, est presque consommé et l'ère industrielle, en plein avènement.
Une narration passionnante, servie par un casting de premier choix.
Mr Denuziere campe ses personnages avec un tel luxe de détails que l'on s'attendrait presque à les voir prendre chair.
Parmi les figures majeures, Virginie de Tregan, marquise de Damvilliers, Dame de Bagatelle.
Une maîtresse femme, ambitieuse, orgueilleuse, ardente.
Gustave de Castel-BraJac, Gascon enthousiaste et généreux et bien sûr Clarence Dandrige, incarnation parfaite du Cavalier du Sud. Gentleman racé, distingué, élégant. Homme de convictions aux nobles valeurs.
J'achève cet étourdissant voyage en freinant ma lecture pour en savourer pleinement les dernières gouttes.
Info de dernière minute, un Ami très cher m'informe que la saga complète comporte deux volumes supplémentaires.
Du bonheur en perspective, encore. ..