- Jules-qui, tu déraisonnes. Je t'ai déjà prévenu. Moi, je peux t'aimer, mais toi tu ne dois pas m'aimer. Tu n'es pas assez solide pour une personne comme moi. Un jour, tu le seras, et tu verras qu'être l'amant d'une comédienne, ce n'est pas du tout, mais pas du tout, une bonne idée. Avec moi, si tu te laisses aller, je casserai en morceaux ta petite âme romantique... et pas mal dispersée.
- Vous êtes jeune, vous avez encore à découvrir la bêtise et la méchanceté. Vous ne serez un homme que quand vous en aurez une idée précise. En attendant, gardez-vous.
Marchons, veux-tu, j'ai besoin d'exercice. Nous parlerons dans des capsules de buée comme les héros des bandes dessinées. Si nous rencontrons des passants, ils ne pourront rien lire. Ce sera écrit à la parole sympathique.
Si un poète t'ennuie, tu en prends un autre, puis un autre, jusqu'à ce que tu aies trouvé celui qui te parle le mieux de toi-même.
On ne lit pas quand on aime.
Il sut aussi que la générosité profonde de Claude attirait les coups et qu'une âme basse serait toujours tentée de la blesser.
- Tu vois, Marceilne, je fume.
Il tirait sur une cigarette imaginaire et prétendait la cacher derrière son dos quand elle le grondait.
- C'est très mauvais de fumer à ton âge. M. Michette, qui est dix fois plus âgé que toi, n'a jamais fumé de sa vie et c'est pour ça qu'il se porte bien...
- M. Michette, c'est le père Lustucru ?
- Tu sais que je vais me fâcher vraiment !
- Oh, je sais que non. Tu es trop bonne.
Le coeur de Marceline se serra : un enfant lui apprenait qu'elle était bonne. Elle avait vécu cinquante ans sans le savoir. Cyrille saisit sa main :
- Rentrons, Maman va s'inquiéter.
Une sentinelle se tenait à la porte. jean fut certain d'avoir lu sur les visages du couple un autre sentiment que la résignation, presque un soulagement comme celui que, deux ans plus tard à Paris, Tristan Bernard allait résumer dans un mot admirable lors de son arrestation : "Jusqu'ici nous avons vécu dans la crainte, maintenant nous vivrons dans l'espoir."
Préservé par ses ambitions désintéressées, Jesùs ne sera jamais un adulte alors que Jean le devient par petites étapes qui lui arrachent chaque fois un peu plus le coeur. Quel prix ne faut-il pas payer pour devenir un jour un homme !
On pouvait se poser des questions sur la redoutable intelligence du hasard qui prépare de longue date un événement fatal et le prépare avec une minutie dans le détail dont aucun cerveau électronique n'est capable. Cette constatation laisse peu d'illusions sur la liberté de nos choix, mais qu'importe puisque le résultat est celui auquel nous nous préparions depuis la naissance. [...] L'impression est celle d'un immense mécanisme d'horlogerie. Seul le résultat compte et, pour l'instant, Claude et Jean sont face à face.