Leur étreinte avait la force et l'unité d'un orchestre de jazz : à chaque coït, la trompette du plaisir, commencée en duo, débouchait sur un solo lancinant, avant de les précipiter à pic dans la baie merveilleusement tranquille des blues de leur enfance.
Un jour , après avoir beaucoup lu, j'osai regarder clairement le monde.
Où que je tournasse le regard, je voyais un désert de mensonge, d'hypocrisie, de bestialité.
La fameuse civilisation moderne maintenait les yeux fermés sur les problèmes essentiels de l'homme.
Et aveuglément, à perte de vue, on emprisonnant, torturait, humiliait, zombifiait, racialisait, animalisait, écorchait l'homme partout où il osait lutter pour une humanité réelle.
Aveuglément, on mentait à l'homme noir, à l'homme jaune, à l'homme blanc.
On mettait depuis des siècles à tous les damnés de la terre.
J'étais l'un des fils de ce vieux mensonge.
L'un des fils d'une hypocrisie depuis longtemps sénile.
Je n'étais qu'un zombie parmi des milliards d'autres.
...
Pseudo-civilisation, pseudo-culture, pseudo-raison, pseudo-identité d'homme.
...
La déshumanisation était la seule réalité qui pouvait se passer du préfixe pseudo, étant omnilatéralement le coeur battant, le sang frais de l'histoire des hommes.
...
Dans ma tête comme dans mon cœur, la culture mondiale n'était qu'une épouvantable maladie.
C'était une culture-serpent, une culture-chacal, une culture-exil !
...
On avait fait de moi un faux Olivier zombie !
Où trouver la négation radicale, volcanique, de cette zombification profonde de mon être ?
...
Mais un matin, en regardant dans la glace, je découvris dans mes yeux une lueur formidablement inconnue.
Une prodigieuse santé rayonnait sur mon visage.
Je m'entends dire intérieurement : " prends ton parti, vieux zombie haïtien, ton salut sur la terre est du côté des femmes !
Jette-toi dans leur merveilleux courant.
Elle s’endormit aussitôt. Moi, je n’y parvenais pas. Ma vue s’habitua peu à peu à l’obscurité de la pièce. On pouvait distinguer les lignes intenses de chaque objet. Par la fenêtre, on voyait frissonner les arbres et un coin de ciel étoilé. Quel dommage de n’être pas né étoile, arbre, poisson, ou n’importe quoi d’autre, sauf cet animal transi de peur que j’étais dans le dos de ma princesse. Je sentais peu à peu sa présence passer dans mon propre corps. Son sang se déversait et se mettait à circuler dans mes veines sous l’action d’une fabuleuse transfusion. Ainsi complètement drogué d’elle, je sombrai dans un profond sommeil.
Cet été-là, quand on voyait Roséna, il fallait détacher avec la langue chaque syllabe pour convenir qu'elle était é-blou-is-san-te.
Et cela dit, si vous étiez un professeur de philosophie dans un établissement religieux ou un futur père du Saint-Esprit, il vous fallait dire beaucoup d'Ave Maria pour vous rafraîchir le sang.
La soirée d'août était une source de haute montagne autour des maisons de Jacmel. À ses bords, les pensées des gens poussaient comme du cresson ou de la menthe. (P. 75)
N'a-t-on pas, dans la plupart des langues, recours aux mots les plus orduriers pour nommer le sexe de la femme ?
Ce sont partout les mêmes vocables grossiers qui servent à agonir d'injures et diffamer le vagin : con, Cunt, coco, pussy, bohio, porra, cono, twat, etc.
On entend dire : un tel est un sale con, por el cono de su marde, kolanguette manman'ou, lambi bounda mamman'ou !, etc.
Tandis qu'Isa marchait dans l'après-midi, je chassais de ma vie à coups de couteau les mythes funèbres ou répugnants qui ont enténébré et humilié la femme en présentant son sexe comme l'extrême cap avalissant des relations humaines !
À regarder Zaza marcher, roulant sous le soleil ses flots sensuels, sa chair aux rondeurs de fruit, ses fesses qui avaient la rotondité de la bonne terre prête aux labours, je pensai à la terreur et au dégoût que les religions du salut ont suscités des organes sexuels de la femme.
À la regarder ondoyer sensuellement devant moi, j'étais saisi d'une rage homicide envers tous ceux qui ont discrédité la chair de la femme.
Où étaient-ils enterrés les prophètes écumants d'éjaculation précoce qui ont inventé que les charmes de la femme induisent en erreur et au mal ?
Je ferais éclater de la dynamite sur la tombe de ces procureurs vindicatifs et barbares qui , au long des âges, ont cherché à séparer la cadence du corps féminin de celle des saisons, des arbres, du vent , de la pluie et de la mer.
J'étais né pour le rythme vital de la femme qui fuyait devant moi.
Ses courbes se déliaient dans une harmonie incandescente de glandes, de fibres, de tissus, de nerfs, de muscles, de chair aux rondeurs implacablement lyriques.
Je te baptise au nom de ma bouche, de mes seins et de mon saint-esprit, cria-t-elle en riant aux éclats et en m'aspergeant de plus belle.