Très beau livre que j'ai lu en 2012 en pensant à ma maman (décédée en 2010 des suites d'une leucémie). "Ne pas pleurer. Jamais".
L'auteur rend visite à son frère qui est mourant et a très bien retranscrit ce que l'on ressent quand on va voir à l'hôpital quelqu'un qui va mourir.
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Découpé en courts chapitres, La nuit tombe quand elle veut mélange une langue très pure avec un vocabulaire extrêmement vivant, une rage terrible avec une grande sagesse, une douceur inouïe avec une lucidité tranchante.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Un livre hospitalier sur l'hôpital, un livre qui glisse et qui grince comme un brancard à roulettes dans un couloir, un livre d'adieu, discret, ébloui. L'écrivain se promène dans le CHU Mondor comme une souris dans son fromage, elle furète et grignote, creuse des galeries secrètes avec le malade, croise des semblables en perdition et leur jette des regards furtifs et pénétrants, tremble et se sauve, mais toujours revient.
Lire la critique sur le site : Telerama
Parce que demain on recommencera. On ira vers lui, et il sera vivant. ça aide à dormir.
Si on se force à aller à l'hôpital il ne faut pas y aller. Il arrive pourtant qu'on se force, quand on rend visite à un ami qu'on n'a pas encore vu couché là. On a peur, de ne pas le reconnaître, de trop sourire. Mais si on l'aime, quelque chose en nous s'ajuste, quelque chose de l'ordre de ce qu'on appelle l'âme du violoncelle. Quand on y va tous les jours ça va. Je ne parle pas de bonheur, quoique...
Il y a des heures, dans les jours, où l'on pourrait parler de ça. Mais avant d'ouvrir la porte de la chambre, on a le corps noué, la tête traversée par des trains qui déraillent.
On sait qu'il y a eu la nuit, que la fatigue augmente dans son sourire. Puis on ouvre la porte, doucement, et on avance, il est réveillé, il nous regarde. On ravale le chagrin, on le tasse n'importe où dans le corps et on avance vers lui avec du bonheur dans les yeux, quelque chose que peut-être on ne lui a jamais ou si peu donné à voir quand on pouvait jouer et rire ensemble parce que la vie qu'on vit est fait d'encombrements, de ratures, d'oublis.
Il ne vous demande pas de parler, il vous regarde. Il suffit de rester au pied du mur de la souffrance, de sa peur. Et de tenir. A la distance, difficile à trouver, qui respecte son énigme de vivant. Etre tout près de ce qu'il a de plus lointain. Il suffit de voir son sourire, le mystère de ce sourire, pour tenir. Le chagrin c'est pour vous. C'est lui qui va mourir.
Le corps médical protège comme il peut ses malades de la défaite de la mort. Certains, des infirmières aux médecins, ont du mal à parler. Il n'y a pas si longtemps, ils touchaient les corps. C'est de plus en plus rare, à cause de la multiplication des machines, les merveilleuses machines, qui rendent les gestes inutiles. Il leur faut maintenant parler. Non pas faire des discours. Je parle de basculement vers l'autre, le paysage détruit de l'autre, l'envisager, et y planter des arbres. La parole peut faire ça. (p.104)
Marie Depussé dans sa cabane à La Borde le 14 juillet 1993, avec Carine Toly, Jean Oury et Boudu, à l'occasion de la parution de "Dieu gît dans les détails" aux éditions P.O.L