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Marie-Louise Mallet (Éditeur scientifique)
EAN : 9782718606934
218 pages
Galilée (19/01/2006)
4.67/5   6 notes
Résumé :

Souvent je me demande, moi, pour voir, qui je suis - et qui je suis au moment où, surpris nu, en silence, par le regard d'un animal, par exemple les yeux d'un chat, j'ai du mal, oui, du mal à surmonter une gêne. Pourquoi ce mal ? J'ai du mal à réprimer un mouvement de pudeur. Du mal à faire taire en moi une protestation contre l'indécence. Contre la malséance qu'il peut y avoir à se trouver nu, le sexe expos&#x... >Voir plus
Que lire après L'animal que donc je suisVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Etre vu nu par un chat,
suffit à plonger notre conférencier dans l'embarras.
Il se dit que « penser commence peut-être là ». Jacques Derrida exprime ici ses pensées, mais d'abord la honte d'être vu nu devant un chat,
puis la honte d'avoir honte.
Ami Spinoza, à l'aide ! d'où viennent ces sornettes du bien et du mal, la honte, et ces projections anthropomorphiques,
où l'on prête à Dieu ou à l'animal ce qu'il veut ou qu'il ne veut pas ?
Tous les textes canonisés, visités dans ce livre, sont très bornés,
et ce ne sont pas seulement les mythologies grecques ou bibliques,
mais aussi les écrits philosophiques de Descartes, Kant, Lévinas, Lacan, Heiddeger, etc…
La mission de Derrida est la déconstruction, exigeante exégèse,
de cette tradition-filiation, discours de la domination,
qui répète inlassablement, je suis ceci, je suis cela, mais je ne suis pas un animal.

* Descartes, le maître de l'indubitable (je pense donc je suis), juge que « les animaux sont en vérité, eux, des automates, des automates en chair et en os. Et pourquoi donc ? Parce qu'ils ressemblent à des automates ressemblant à l'homme. »
* Kant, homme des lumières, celui qui déclare son « horreur du goût barbare », insiste encore : « La guerre intérieure ou extérieure, dans notre espèce, a beau être un grand mal, elle est pourtant le mobile (Triebfeder : l'excitant de la pulsion) qui fait passer de l'état sauvage de la nature à l'état social. ». L'auteur souligne des accents de cruauté dans le discours de Kant quand il dit la nécessité impérative de sacrifier la sensibilité à la raison morale.
* Emmanuel Lévinas, obsédé «par l'autre et son altérité infinie», est bien vite embarrassé avec l'animal (dans cet extrait interview) :
- J.Llewelyn : « L'animal a-t-il un visage ?...Peut-on lire "tu ne tueras point" dans les yeux de l'animal ? »
- Lévinas : « Je ne peux pas dire à quel moment vous avez [ou on a] le droit d'être appelé "visage"… Je ne peux pas répondre à cette question.»
* Lacan, logicien de l'inconscient, parvient à l'hypothèse, que l'animal n'est pas capable de la feinte de la feinte. Il reste alors aux scientifiques à chercher et peut-être déjà à répondre à cette hypothèse hasardeuse : « l'animal ne fait pas de traces dont la tromperie consisterait à se faire prendre pour fausses, étant les vraies, c'est-à-dire celles qui donneraient la bonne piste ».
* Heiddeger, voulant dépasser la dialectique mécanisme/vitalisme, se trouve lui-même pris de vertige dans « sa neutralisation de la vie » (son Dasein). Pour lui, « l'animal ne meurt pas, il crève ».

Dans toute cette exégèse se retrouve le motif de l'animal qui ne sait pas répondre, dont le langage est « fixé ou figé dans la mécanicité de sa programmation », et enfin qui est privé de quelque chose qui ne se laisse pas vraiment définir.
Ce qui peut paraître incroyable c'est que le langage puisse être ce point ambigüe, qu'un auteur comme Kant soit loué ailleurs pour son pacifisme, par Russell (histoire de la philosophie occidentale), et montré ici sous le signe de la cruauté par Derrida et d'autres avec lui.
Il faudrait surtout que les philosophes intègrent les faits scientifiques de l'éthologie, l'étude des comportements des animaux dans leur milieu naturel, en restituant la diversité entre le chat et « quelque aveugle protozoaire ». Mais est-ce que Derrida lui-même a raison de considérer son chat comme un animal sauvage alors qu'il continue à le nourrir, et en conséquence sait-il que son chat fait partie du problème ? https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/chats/les-chats-responsables-d-un-desastre-ecologique_105142
Car le problème de la violence faite aux animaux est là et se creuse : perte de la biodiversité, élevage intensif, expérimentation génétique…
Car « l'animal que donc je suis » peut aussi être juif, être femme,… et le discours dominant est toujours discriminant. Derrida lui-même ne va-t-il un peu vite en déclarant que « la violence faite à l'animal est sinon d'essence du moins à prédominance mâle » ?
Quant au droit des animaux, il faudrait lui donner les moyens de s'appliquer concrètement, « quitte à repenser jusqu'à l'idée même du droit, de l'histoire et du concept d'un droit qui jusqu'ici, dans sa constitution même, suppose l'assujettissement irrespectueux de l'animal ».
Tout comme Lévinas avait laissé la possibilité d'une « analyse plus spécifique », Derrida n'a pu livrer que cette « exploration à la hâte » de l'être animal, mais la tentative est courageuse.
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« L'animal nous regarde et nous sommes nus devant lui. Et penser commence peut-être là. » (p.50)
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Si je suis responsable de l'autre, et devant l'autre, et à la place de l'autre, pour l'autre, l'animal n'est-il pas encore plus autre, plus radicalement autre, si je puis dire, que l'autre en lequel je reconnais mon frère, que l'autre en lequel j'identifie mon semblable ou mon prochain ? Si j'ai un devoir, un devoir avant tout dette, avant tout droit, envers l'autre, alors n'est-ce pas aussi envers l'animal qui est encore plus autre que l'autre homme, mon frère ou mon prochain ?
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J’ai du mal à réprimer un mouvement de pudeur. Du mal à faire taire en moi une protestation contre l’indécence. Contre la malséance qu’il peut y avoir à se trouver nu, le sexe exposé, à poil devant un chat qui vous regarde sans bouger, juste pour voir. Malséance de tel animal nu devant l’autre animal, dès lors, on dirait une sorte d’animalséance : l’expérience originale, une et incomparable de cette malséance qu’il y aurait à paraître nu, en vérité, devant le regard insistant de l’animal, un regard bienveillant et sans pitié, étonné ou reconnaissant. Un regard de voyant, de visionnaire ou d’aveugle extralucide. C’est comme si j’avais honte, alors nu devant le chat, mais aussi honte d’avoir honte.
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Nous suivons, nous nous suivons. Cette théorie d'animots que je suis ou qui me suivent partout et dont la mémoire me serait inépuisable, je ne vous en imposerai pas une exhibition. Loin de l'arche de Noé, la chose tournerait au cirque, quand un montreur d'animaux y fait défiler ses sujets tristes, le dos bas.
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(dans une interview de Emmanuel Lévinas pas J.Llewelyn, rapporté par J. Derrida dans "L'animal que donc je suis")

Llewelyn : le fait d'avoir un visage implique-t-il l'aptitude au langage ? L'animal a-t-il un visage ? Peut-on lire "tu ne tueras point" dans les yeux de l'animal ?

Lévinas : Je ne peux pas dire à quel moment vous avez [ou on a] le droit d'être appelé "visage". Le visage humain est absolument différent et c'est seulement après coup que nous découvrons le visage d'un animal. Je ne sais pas si le serpent a un visage. Je ne peux pas répondre à cette question. Une analyse plus spécifique est nécessaire

(Référence : The Paradox of Morality : an Interview of Emmanuel Lévinas..)
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Devrait-on accepter de dire que tout meurtre, toute transgression du " Tu ne tueras point " ne peut viser que l'homme, et qu'en somme il n'y a de crime que " contre l'humanité " ?
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Videos de Jacques Derrida (42) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Derrida
« On écrit toujours avec une main coupée »
Selon Hélène Cixous, l'écriture ne renvoie pas à un statut ni à une profession, mais à un acte : aussi écrit-elle en collaboration avec les voix qui l'habitent et la traversent. Dans cette perspective on peut à bon droit reprendre la formule par laquelle elle titre une séance de son séminaire : « On écrit toujours avec une main coupée». Ces ouvrages nous confrontent en effet au mouvement même de la vie et de la mort, à la joute entre Eros et Thanatos, au commerce des vivants et des morts. Ils équivalent à bien des égards à « sentir, penser, écrire avec les fantômes ». D'autant qu'à travers eux se déploie un continuel et profond questionnement : qui parle, qui écrit quand « j »'écrit ? On comprend dès lors que, dans ces conditions, Hélène Cixous soutienne : « Transformer sa pensée en poème, parce que c'est cela écrire ».
Première table ronde : - M. Marc Goldschmit, Directeur de programme au Collège international de philosophie : « Derrida, l'écriture, la littérature » ;
- Mme Marie-Claude Bergouignan, PR émérite, ancienne VP de l'université de Bordeaux IV: "Hélène Cixous et la cause des femmes" ;
- Mme Céline Largier-Vié, MCF Paris 3 : « 'Une présence incalculable' : l'Allemagne d'Hélène Cixous ».
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2654738/helene-cixous-mdeilmm-parole-de-taupe
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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