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Critique de Trollibi


Paris, été 1973. Que se serait-il passé si Olympe de Gouges, auteure de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » avait rencontré la Liégeoise Théroigne de Méricourt, l'amazone de la Révolution ? Sans doute auraient-elles uni leurs voix et leurs forces pour défendre corps et âme la même idée qui les anime : il est temps de considérer la femme comme l'égal de l'homme, en tout point et en toute chose. Il est temps de faire changer les mentalités.

L'auteur se focalise sur cette rencontre fictive, comme un arrêt sur image dans la vie des deux féministes de la Révolution française. On les suit quelques jours seulement, avec deux faits historiques pour point de départ : l'arrestation d'Olympe de Gouges et la fessée publique de Théroigne de Méricourt par les Tricoteuses. Elles se retrouvent toutes deux dans la même cellule et s'évadent ensemble ; l'une utilise les mots pour défendre ses convictions, l'autre (que d'aucun qualifierait d'hystérique...) veut inciter les femmes à prendre les armes. On ne pouvait pas faire plus dissemblables à première vue et pourtant elles vont s'entraider. Des bribes de leur passé, des souvenirs permettent de reconstituer leur histoire personnelle et, au final, elles se ressemblent plus qu'elles ne le pensent... À la fiction vient s'ajouter une jeune fille, orpheline misérable errant dans les rues de Paris, qui aidera les deux femmes, sorte d'incarnation du lien qui les unit.

Le style de l'auteure est un peu déstabilisant. La narration alterne les points de vue des trois personnages, en focalisation interne mais, pour la jeune fille et Olympe, cette focalisation interne à la 3e personne du singulier flirte avec le point de vue omniscient, alors que Théroigne s'exprime en je, comme si elle racontait son histoire à quelqu'un. Parfois, on pense toujours suivre les pensées des personnages alors qu'en fait ils sont en train de dialoguer... Et, à côté de la focalisation interne, on sent très fort par moment - et tu ne t'y attends pas - la présence du narrateur omniscient qui commente et glisse des références de notre monde moderne au milieu de le fin du XVIIIe siècle. C'est déstabilisant (tout comme la fin d'ailleurs) mais finalement c'est très agréable à lire.

Le roman, tout en étant une fiction, est aussi historiquement très précis et rigoureux. Je me suis aperçue que j'ai d'énormes lacunes historiques en ce qui concerne l'histoire de la Révolution française... Cela n'a aucunement gêné ma lecture même si j'ai tout de même fait quelques recherches rapides pour comprendre certains faits. J'ai ainsi approfondi les portraits d'Olympe de Gouges et de Théroigne de Méricourt tout en faisant ce constat qui n'est pas neuf pour moi : l'Histoire avec un grand H a tendance à se focaliser sur les grands noms qui sont connus de tous, laissant pour compte d'autres personnages qui ont pourtant aussi lutté pour défendre leurs droits, ceux de leurs semblables et des générations futures. On ne les a pas ou peu écoutés ou entendus et ils ont fini par être délaissés. Avec son roman, c'est un bel hommage que l'auteure rend à deux figures féministes que je ne connaissais absolument pas (je le dis sans honte...).

Comme quoi, le combat féministe n'est pas neuf (on s'en doutait) et il est loin d'être terminé (malheureusement)... Moi qui ne suis pas une grande adepte de littérature féministe, j'ai apprécié ici qu'il n'y ait pas de militantisme de la part de l'auteur : seulement des faits, des idées, deux perspectives différentes pour défendre ses convictions et un savant mélange des deux qui pourrait faire bouger les choses.

« C'est pour cette gamine que nous sommes là. Pour toutes les gamines de la terre entière. Pour toutes les femmes venues et à venir. Je suis là en leur nom. Si les femmes ont le droit de monter à l'échafaud, elles ont aussi le droit de monter à la tribune, n'est-ce pas ? (...) Je suis là pour vous entretenir de la Nation tout entière, de la Nation non amputée de sa moitié féminine. » (p.298)

Merci à Béatrice Renard pour son roman et aux éditions Murmure des soirs de me l'avoir fait parvenir pour que je puisse le partager ici sur Babelio.
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