AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782864328810
126 pages
Verdier (18/08/2016)
3.75/5   4 notes
Résumé :
Dans le port du Havre, au fond de la salle de classe, sous le regard de Simone Lagrange, petite fille déportée à treize ans, Grichka reste à quai…

L’Histoire et les histoires, les secrets de famille, les destins brisés vont se révéler au fil de ce récit polyphonique.

La rencontre de son professeur de français et la découverte du théâtre vont être déterminantes. Grichka Vyssotski prend le large et entraîne dans son sillage les autres pro... >Voir plus
Que lire après GrichkaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
C'est un livre de silences, de nombreux silences.

Parce que, parfois, il n'y a pas de commentaires à faire, pas d'explications à donner. C'est monstrueux, c'est fait. On aimerait mieux penser à autre chose, à de belles choses, mentir aux enfants, leur dire que ça ne s'est pas passé, que personne n'aurait été capable de faire ça, personne. Mais non, ça a eu lieu et il faut en parler.
Simone Lagrange, déportée enfant à Auschwitz-Birkenau en septembre 1945, témoigne face à des lycéens. Silence. Les élèves sortent, muets, stupéfaits.
Grichka Vyssotski, lui, ne sort pas. Un rideau de cheveux cache son visage.

Et, puis, il y a d'autres silences…
Muet à l'école, l'adolescent le sera tout autant à la maison. Etranger à sa mère, étranger à son père. « Grichka-sans-voix, réveille-toi » a-t-on envie de lui crier aux oreilles. « Fantôme d'enfant sans histoire, sans route tracée sous ses souliers. »
La mère, elle, n'est pas silencieuse mais sa logorrhée affolée masque sa peur, sa gêne.
Le père ne dit rien.
Babou, la grand-mère « coud, brode, tricote », elle rit aussi mais se tait sur son secret, bien caché, bien gardé.
Enfin, Madame Kerouani, la narratrice, professeur dont le métier est de parler, d'expliquer, ne peut pas entrer en scène toute seule, sur l'estrade, devant les élèves. Parfois, elle bloque. Elle ne peut pas dire ce qui la ronge vraiment. Alors, elle cite les vers des autres, elle s'accroche désespérément à une parole qui n'est pas la sienne, une parole porteuse de sa douleur de femme qui vieillit, de femme seule et orpheline bientôt.

Et ces silences, tous ces silences, se mêlent, s'emmêlent : échos de peines, la voix se perd, la bouche se tord, le son se meurt…

Alors, qui parle dans ce livre, d'où viennent les mots qui surgissent ?
Du choeur. du choeur ? Ah, bon, c'est une tragédie ? Oui, un peu.
Il explique, le choeur, il donne des conseils. C'est son rôle.
« Prends garde aux enfants fous ».
Il dit qu'il faut arrêter de se battre, il dit qu'il faut « déposer les armes ». C'est la sagesse du coeur. Il invite à sortir du miroir, aller plus loin, vers l'autre.

Et puis, il a ce qui va sauver le monde. Quoi donc ? La littérature, voyons, l'aviez-vous oubliée ? le théâtre. Lieu de paroles. Grichka Vyssotski veut lire. Et faire du théâtre, avec Madeleine. Alors, soudain, « Grichka parle sans s'arrêter », il est torrent, il est déluge. Il est un homme qui « sort de l'ombre à présent ».
Et les autres suivront…

Plusieurs voix qui taisent leurs souffrances, leurs blessures enfouies, leurs secrets étouffés. Et puis, tout à coup, c'est une poésie du jaillissement, une renaissance, une course vers la lumière, pour respirer enfin, vivre, remonter à la surface par la force des mots, par la puissance du verbe, de la littérature.
L'enseignante meurtrie, qui n'y croit plus, prononcera les formules magiques, celles qui font encore lever la tête de quelques-uns et le miracle aura lieu…

- Il faut qu'on parle, dira le père…

En cette veille de rentrée, je ne peux m'empêcher de dédier cette chronique sur ce texte magnifique de Laure des Accords à toutes celles et ceux qui dans quelques jours vont se retrouver devant des enfants dont il faudra délivrer la parole afin que naisse en eux le plaisir du texte littéraire, qu'ils en goûtent les mots, les phrases, les sons, les sens, qu'ils s'en nourrissent et qu'ils en vivent. Et qu'ils en soient heureux…

« de mon corps à leurs voix je sens dessous mes bras grandir comme à l'aisselle d'une feuille de tendres rameaux, jeunes, vigoureux, volubiles, et tout au bout, translucides et coriaces, des bractées aux couleurs argentées, des fleurs avortées, des mots qui me transportent.
Je veux encore une fois, une dernière fois, leur donner de la parole. »

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          66
Un court roman, beaucoup trop court peut-être, sur les déchirures qu'on de dit pas, tout le monde en a, des qui brisent une vie, d'autres qui la grisaille simplement. Grichka est au centre de tous ses silences et lui non plus ne parle pas. Pour se sortir de ces non-dits étouffant, il faut faire semblant, faire comme si on parlait vraiment. Alors c'est le théâtre comme un cadre pour cette histoire avec son choeur antique et comme une thérapie pour tous les taiseux et le premier d'entre eux, Grichka.
Un récit à fleur de peau, qu'on sent à vif juste en dessous, plein de poésie qu'on prononce tout bas ou dans la tête, alors que la poésie il faut la déclamer comme au théâtre, pour vivre vraiment une bonne fois et faire sortir tous les morceaux déchirés qu'on a en soi.
Un moment de lecture très fort mais bien trop court ...
Commenter  J’apprécie          70
L'éclosion d'un jeune homme par les mots et le théâtre, et le dévoilement des trajectoires de tous ceux qui l'entourent.

Tout est mouvement et dévoilement dans le deuxième roman de Laure des Accords à paraître en août 2016 aux éditions Verdier. Autour du personnage de Grichka Vyssotski, adolescent récalcitrant et énigmatique qui ne prend jamais la parole, ce texte polyphonique réussit à évoquer en peu de mots de nombreux destins entrecroisés, leurs multiples plaies, brisures, mensonges et silences, et comment les mots peuvent alléger les êtres de secrets trop pesants.

La suite sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2016/08/05/note-de-lecture-grichka-laure-des-accords/

Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          100
Et la roue éclata au beau milieu de son sourire

Dès le premier chapitre, « Dans le regard d'une inconnue », la/le lectrice/lecteur devine derrière le choix des mots, les rythmes des phrases, la singularité de ce récit à plusieurs voix. « Sur le mur, au fond de la salle de classe, Simone Lagrange nous regarde. Elle nous attends. Il n'y a pas de pourquoi. Il n'y a pas de comment.Parce que. Simplement parce que. Et nous savons que quelque chose est en train de se passer ». Simone Lagrange professeure de français, enseignante de mots, « revenue des camps d'Auschwitz-Birbenau en septembre 1945, la petite fille de treize ans enfin rentrée chez elle »… Non linéarité du temps, présent et passé, demain… « J'ai éteint le projecteur et ouvert les rideaux. Grichka est resté ».

Des personnes, des voix, des mots et en contrepoint un choeur, renvoyant à une forme littéraire particulière.

Grichka, le sans-voix, la parole bloquée, retenue dans sa gorge, « Ce bruit à l'intérieur de toi ». Les mots emmêlés, disloqués, en retard, toujours trop tard.

Le garçon et sa famille, ce que la mère et le père disent, Grichka et le mal de vivre, Babou la grand-mère, « Je m'appelle Evguénia Ivanova et moi aussi j'ai voulu mourir ».

Les autres, éphémères ou présent-e-s.

Les ruptures, les regards, un adolescent aux yeux trop clairs. Un regard qui entre dans les yeux de Babou, une plongée dans les yeux sans fond, la lecture « d'une histoire ancienne où l'effroi et le couteau tentaient de se répondre »

Natalia, un dé unique souvenir, « un petit jouet repris dans le poing d'un assassin »… Siegfried, « ta pauvre haine, ta sale besogne »…

La violence et les mots pour le dire, se souvenir et s'échapper du temps qui nous enferme, qui fait semblant de passer doucement, « laisser rentrer les oiseaux »…

Les mots et les regards, « il ne me regarde jamais, la découverte de l'amour, « aujourd'hui il dira non aux silences qui s'ouvrent comme des plaies, non aux mots qui fardent les chagrins », l'étrange dans les yeux, les mots et le théâtre, Caligula, « c'est sur scène que tout commence, que tout recommence ».

Ce n'est pas tout… Vous n'avez encore rien vu… Ce n'est pas rien…
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          30
Merci à Lucia-lilas pour sa critique , qui m'a aidée à comprendre ce court récit.
C'est un livre d' une étrange beauté, par son récit polyphonique où chaque personnage vient vers vous pour raconter des secrets, des pages de vie, et entre deux ces silences.On n'entre pas dans ce récit, on se laisse guider par les personnages, c'est comme s' ils vous prenaient par la main .J' ai beaucoup aimé car jamais je n'avais eu ce ressenti en lisant un livre, j ' en ressors apaisée, calme, après du Philippe Huet, ça m'a étrangement réconcilié avec la vie.A recommander ★★★★★
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Grichka aime le silence de sa maison, l'odeur de la cire et des crêpes encore chaudes. Près d'elle, il aime se raconter des histoires comme quand il était petit, des histoires que Babou tricotait avec ses aiguilles le temps d'une rose rouge, d'une fleur de potage. Il aime cette femme qui rit tout le temps avec ses yeux, avec son corps, avec sa robe et ses cheveux. Sûrement, un jour, une joie merveilleuse est entrée en elle et ne l'a jamais quittée.

Elle, Babou sa grand-mère
Commenter  J’apprécie          83
Le choeur

Il est temps
Maintenant
De déposer les armes
Trouer de la laine et des coeurs
Blesser des mots sur le papier
Griffer des nappes rondes
Et lever des bâtons
Ce n'est pas ce que l'on attend de vous
Refermer des armoires
En silence
Recouvrir des lits froids
En pleurant
Chercher dans le ciel blanc
Des semblants de réponse
Ce n'est pas ce que l'on attend de vous
Il est temps
Ne croyez-vous pas
De déposer
Vos armes
Commenter  J’apprécie          30
Le choeur

Cet amour
C'est un cheval fou emporté par la mer
Emporté par le ciel
C'est un cygne tragique que la mort fait chanter
Le crois-tu, dis, le crois-tu vraiment. ....
C'est seulement ton corps
Qui voudrait que le sang coule
Encore une fois
Encore

Prends garde aux sabots durs qui raclent les cailloux
Ne prononce pas son nom
Prends garde aux coups de bec,
aux yeux qui font des ronds dans l'eau
Ne prononce pas son nom
Commenter  J’apprécie          30
Le choeur


Et soudain la fureur te prend
Et tu voudrais tout effacer
Ce bruit à l'intérieur de toi
Le sang qui bat au bout des doigts

L'enfant a brisé le silence
La règle est cassée
La belle affaire !

Prends garde au temps qui vient de passer là-bas
entre tes rideaux blancs
Prends garde aux enfants fous
Qui portent leur ombre sous le bras.
Commenter  J’apprécie          30
Sur le mur, au fond de la salle de classe, Simone Lagrange nous regarde. Elle nous attends. Il n’y a pas de pourquoi. Il n’y a pas de comment.Parce que. Simplement parce que. Et nous savons que quelque chose est en train de se passer
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Laure des Accords (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Laure des Accords
avec Laure DES ACCORDS, auteure, Au bord du désert d'Atacama (Le Nouvel Attila), Douna LOUP, écrivaine, Boris, 1985 (Zoé), Maria POBLETE, autrice, La dictature nous avait jetés là (Actes Sud Junior), animé par Sonia DÉCHAMPS, éditrice, journaliste
autres livres classés : silenceVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus

Autres livres de Laure des Accords (1) Voir plus

Lecteurs (18) Voir plus



Quiz Voir plus

Titres d'oeuvres célèbres à compléter

Ce conte philosophique de Voltaire, paru à Genève en 1759, s'intitule : "Candide ou --------"

L'Ardeur
L'Optimisme

10 questions
1290 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , roman , culture générale , théâtre , littérature , livresCréer un quiz sur ce livre

{* *}