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Critique de Marti94


Je ne sais pas par quoi commencer tellement ce livre m'a émue et passionnée.
« le Roi René: René Urtreger par Agnès Desarthe » c'est une biographie pas comme les autres.
C'est l'histoire de René Urtreger, un homme qui ressemble à mon père, pianiste de jazz qui a traversé le 20eme siècle et qui est toujours là pour témoigner de sa vie chaotique et passionnante. Et puis son histoire est racontée par Agnès Desarthe, une écrivaine qui chante, et pour moi c'est le nec plus ultra. C'est cet échange qui donne la richesse de ce livre.

Né à Paris en 1934 dans une famille juive aimante, le petit René va vivre l'horreur avec la déportation de sa mère. C'est elle qui rêvait de le voir musicien.
Mais l'enfant de la guerre pense aux copains, comme tous les enfants. Il rencontrera Claude Berri en novembre 1942 et restera lié avec lui toute sa vie. C'est l'époque où il va voir le film « Fantasia » au grand Rex à Paris, celui qui le révélera à la musique classique.
Après la guerre, il prépare le concours d'entrée le conservatoire poussé par sa professeure de piano mais pas par sa famille. C'est le premier échec de René, virtuose de Chopin mais au style pas suffisamment académique.
C'est aussi peut être grâce à cela qu'il va faire du piano son métier accueilli très jeune dans la famille des jazzman. C'est une réussite car, au début des années 50, Paris devient la capitale mondiale du jazz.
Il va s'installer à dix-huit ans sur la scène du Blue Note pour accompagner le saxophoniste Don Byas. Pianiste attitré de Miles Davis lorsque ce dernier fréquentait la Rive Gauche, René va le suivre en tournée et deviendra son ami.
En 1953, il remporte le Concours national de jazz amateur dans la catégorie piano. Il va enregistrer son premier disque en 1955 avec Sacha Distel et va être le premier jazzman français à signer en exclusivité chez Barclay.
En 1957, c'est lui qu'on entend sur la bande originale d'Ascenseur pour l'échafaud, le film réalisé par Louis Malle.

René Urtreger est l'un de ces musiciens européens qui, sans le savoir, inventèrent le son d'une époque et se firent les meilleurs serviteurs du jazz sur le vieux continent. Il a joué avec les plus grands, de Dizzy Gillespie à Lee Konitz en passant par Johnny Griffin, Sonny Rollins et Stan Getz. Ancré dans une tradition authentique, doté d'une érudition qui est le fruit d'une écoute amoureuse de la musique inventée par Thelonious Monk et Bud Powell (son idole), marqué à jamais par le be-bop, le pianiste aime aller à l'essentiel, ne pas se mentir, ne pas se prendre au piège de l'exubérance facile.

C'est donc dans le monde du jazz, qu'on va l'appeler le « Roi René ». Mais le roi va tomber de son trône et l'excès de drogue, d'alcool, vont l'entrainer dans la déchéance sans qu'il trouve d'excuse à cette situation. Il va devenir un perdant, invivable, un « Schmock » comme disent les juifs. Mais René a toujours su rebondir grâce aux rencontres qui l'ont sauvé dont celle avec Claude François qu'il va accompagner dans les années yéyé. Pas d'états d'âme pour lui et pas d'impression d'avoir renié le jazz. Il a sauvé sa peau et s'est ouvert à un autre univers. Personnellement, je trouve ça bien. Il croisera aussi le chemin de Serge Gainsbourg avant de revenir au jazz pour ne plus le quitter.

Les femmes ont compté dans sa vie, elles ont souvent été des « béquilles » dans les moments les plus difficiles : il y a eu Marianne, la mère de ses deux enfants et son amour de jeunesse, la belle Lydia, danseuse qui a été « Claudette » et avec qui il s'est toujours bien entendu notamment pour la rigolade et puis Jacotte celle qui l'accompagne toujours, la femme de sa vie, celle à qui il va promettre d'arrêter de boire et sans doute grâce à qui il est encore en vie. Heureusement pour nous.

Agnès Desarthe termine ce livre de façon très émouvante avec celui qui est resté modeste dans ses propos, simple dans ses manières, discret sur ses exploits : ils vont rester dans le partage de quelque chose de fort. Elle écrit qu'elle a offert les mots à René Urtreger avec ce livre et qu'il lui offre la musique en l'invitant à chanter sur scène avec lui.

Ce livre m'a été offert par les éditions Odile Jacob dans le cadre d'une opération masse critique. Je les remercie de tout coeur.


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