AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782749906614
329 pages
Michel Lafon (20/09/2007)
4.26/5   17 notes
Résumé :
4° de couverture :
(Edition source : Michel Lafon - 10/2007)


« Elle devait être la cinquième fusillée. Elle attendait debout dans le froid. Détonations. Sa voisine, touchée par une balle, l'entraîna dans sa chute.. . Elle reprit conscience au petit matin, au fond de la fosse, sous les corps. Elle ressortit nue, s'accrochant aux racines, couverte de sang. »


1941. Les Einsatzgruppen, unités mobiles nazies, s'enfonce... >Voir plus
Que lire après Porteur de mémoires. Sur les traces de la Shoah par ballesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Porteur de mémoires est un essai qui se situe à mi-chemin entre le témoignage autobiographique et la communication des résultats d'un travail de recherche. le père Patrick Desbois, petit-fils d'un déporté qui fut interné dans le camp pour prisonniers de guerre français et belges de Rawa-Ruska, y raconte comment il en est venu à s'intéresser à la Shoah par balles et à enquêter sur le sujet, sur lequel peu d'informations étaient disponibles. Sa méthode ? Se rendre sur place, en Ukraine, rencontrer les témoins qui ont vu, parfois participé sous la contrainte aux massacres, essayer de retrouver l'emplacement des fosses où reposent les victimes encore aujourd'hui. Ses buts : éviter l'oubli et rendre leur dignité aux victimes. L'auteur nous décrit ce difficile travail mais surtout, il nous raconte les faits, sans pathos : comment des enfants ont pu assister aux exécutions, des habitants être contraints d'y participer. Il restitue quelques-uns des entretiens qu'il a pu mener avec des personnes qui, malgré la peur, la culpabilité, la douleur, ont accepté de témoigner.

Porteur de mémoires est un essai essentiel auquel il est impossible de rester indifférent. Un ouvrage souvent difficile à lire, car les scènes décrites par les témoins sont parfois insoutenables, mais nécessaire : un tel génocide ne doit jamais être oublié.
Commenter  J’apprécie          40
Patrick Desbois est un prêtre catholique français. Pour des raisons personnelles (il pense que son grand-père, prisonnier de guerre à Rawa-Ruska, aujourd'hui en Ukraine, aurait été témoin du massacre de Juifs par les nazis) et professionnelles (il est investi dans les relations judéo-chrétiennes) il a enquêté sur la shoah en Ukraine. En Ukraine, en 1941-1942, les Einsatzgruppen nazis, des unités de soldats ou SS, ont organisé des massacres de masse, le plus souvent par fusillades, contre les Juifs et les Roms. On parle parfois de shoah par balles.

La démarche originale de Patrick Desbois c'est d'être allé à la rencontre des témoins de ces massacres, les habitants non juifs des villages où s'est déroulé le crime de génocide, les voisins des massacrés qui ont tout vu, parfois même qui ont été contraints de servir d'assistants pour creuser ou refermer les fosses communes. Ils étaient souvent encore enfants ou adolescents au moment où les faits se sont déroulés. Beaucoup n'en avaient jamais parlé. Souvent ils hésitent à témoigner puis sont soulagés de l'avoir fait.

Patrick Desbois rappelle bien qu'un des objectifs des génocidaires est de faire disparaître jusqu'à la mémoire de leurs victimes et de leur crime. Lors de sa première visite à Rawa-Ruska, il est surpris de constater que le camp n'a jamais été détruit alors que tout le monde sur place lui assure qu'il n'en reste aucune trace. C'est dans les environs de Rawa-Ruska également qu'il découvre le cimetière des Allemands : une fondation privée allemande rassemble à cet endroit les restes de tous les Allemands tués en Ukraine durant la seconde guerre mondiale. Il y a un carré de SS où on peut lire "A notre grand-père qui était si gentil". Cette découverte le choque -et elle me choque aussi- et il décide d'agir : "Les cimetières sont à l'échelle du Reich. Des cimetières magnifiques pour les Allemands, y compris les SS, de petites tombes pour les Français, des pierres blanches enfouies sous les ronces pour les dizaines de milliers de soldats soviétiques anonymes, et absolument rien pour les Juifs. Impossible de laisser une victoire posthume au nazisme. Impossible de laisser les Juifs enterrés comme des animaux. Impossible d'accepter cet état de fait et de laisser bâtir notre continent sur l'oubli des victimes du Reich".

Cette volonté de redonner leur dignité aux victimes s'est traduite notamment, à l'occasion de la fouille de fosses, par l'intervention d'un rabbin orthodoxe venu de Jérusalem car "La loi juive, la Halakha, précise qu'en aucun cas les corps ne doivent être déplacés, notamment pour les victimes de la shoah, la tradition juive orthodoxe considère que les victimes de la shoah reposent dans la plénitude de Dieu et que tout mouvement de leur corps perturberait leur repos".

La mécréante que je suis est un peu dérangée par ce choix qui semble considérer que toutes les victimes étaient des Juifs orthodoxes.

La deuxième chose qui me gêne un peu dans ce récit est le fait que l'auteur ne fait que laisser échapper la possibilité que des Ukrainiens aient participé volontairement au génocide. On ne voit pas pourquoi ils auraient été épargnés vu qu'il y a eu des collaborateurs partout. Patrick Desbois pose en principe le fait de ne pas juger les témoins et je comprends bien qu'il ne faille pas les malmener s'il veut en trouver d'autres. du coup ça me donne envie de lire autre chose sur la shoah en Ukraine parce que globalement c'est un ouvrage qui m'a beaucoup intéressée.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
Commenter  J’apprécie          10
Un récit qui témoigne d'un épisode d'une violence inouïe, perpétrée par les Nazis en Ukraine qui ont écumé les villages pour assassiner méthodiquement par balles des villageois juifs. Événement trop méconnu de ce côté de l'Europe à l'ouest...
Le père Desbois intimement lié à cette tragédie par son grand père, a réalisé une enquête méticuleuse pour en témoigner et surtout pour retrouver les victimes et leur offrir une sépulture digne.
Ouvrage emprunté à la médiathèque très documentée sur l'Ukraine, complété par une déprogrammation ce soir sur Arte du docu sur "Le marché de l'art sous l'occupation" pour diffuser le documentaire sur les témoignages d'archives et nombreux intervenants. Edifiant et instructif, réalisé en 2021, avant les exactions épouvantables de qui l'on sait.
Commenter  J’apprécie          60

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Dora était une petite fille qui habitait à Simféropol, en Crimée. Elle était krymtchak. Dora est morte à quatre ans et demi, assassinée.
Lors de l'extermination des Juifs, les Allemands ont tout d'abord convoqué les Ashkénazes puis les ont assassinés. Quelques mois plus tard, ils ont reçus l'ordre de Himmler de convoquer les Krymtchaks. Ils se sont présentés à la convocation, ont été emmenés en camion sur le site d'extermination, au « kilomètre onze », et ont été exécutés les uns après les autres.
Dora a été embarquée avec deux autres membres de sa famille. Ceux qui ont échappé à la rafle ont supplié deux voisins de se rendre sur le site de l'extermination pour essayer de négocier avec les Allemands qu'elle ne soit pas tuée. Quand ils sont arrivés au « kilomètre onze », les Allemands avaient dressé un barrage routier. La circulation était bloquée pendant les fusillades. Seuls les camions remplis de Juifs étaient autorisés à passer. De l'autre côté du barrage, ils ont aperçu la petite Dora. Elle était nue. Dans le froid glacial, elle suppliait les Allemands de lui rendre son manteau : « Rendez-moi ma veste, je vous donne mes chaussures en échange !» Mais les Allemands n'écoutaient les requêtes de personne. Dora a été fusillée.
Bien des années plus tard, nous arrivons dans le petit musée des Krymtchaks, quelques pièces dans un quartier pauvre de Simféropol. Une petite dame, Nina Bakchi, la demi-sœur de Dora – le père de Dora s'était remarié après la guerre –, nous accueille et nous montre toutes les tenues traditionnelles des Krymtchaks… Avant de repartir, elle fouille dans un placard et en ressort, dans un sac en plastique, un petit vêtement. En nous le tendant, elle nous dit : « C'est la robe de Dora, c'est la robe de ma petite sœur de quatre ans et demi. Les Allemands ont tout pris dans la maison mais ils ont laissé les vêtements d'enfant. Peut-être qu'ils ont oublié, peut-être parce que ça n'avait guère de valeur. Alors on a gardé les vêtements de Dora et, moi, lorsque je suis née on m'a habillée avec. Voilà l'une de ses robes qu'elle portait avant d'être exécutée. » Elle ajoute d'un ton très solennel : « Mettez-là dans un musée. »
La robe de la petite Dora est l'un des éléments les plus poignants de cette Shoah qui ne laisse que quelques vêtements épars, sans valeur, après avoir exterminé toute une population, même les enfants, même les petits-enfants.
Commenter  J’apprécie          20
Qui sauve un homme sauve le monde.

Sur notre route, nous rencontrons aussi des individus ou des familles qui ont sauvé des Juifs. Beaucoup d’entre eux ont été dénoncés, torturés puis fusillés.
Je me souviens de Galina Boulavka, sa mère Anna était revenue de Saint-Pétersbourg très malade. Elle voulait mourir chez elle, dans sa ville natale, à Lubomil près de la frontière polonaise.
Un jour d’avril 2007, alors que nous sommes sur le marché à rechercher des témoins, Galina nous aborde : « Venez vite, ma mère va vous parler, venez vite, peut-être qu’elle va mourir. » Elle nous conduit rapidement devant une maison toute peinte de bleu qu’elle ouvre avec une grosse clé. Nous enlevons nos chaussures pour nous retrouver au chevet d’une dame très âgée, entourée de portraits de son enfance et de son adolescence. Sa vie paraît ne plus tenir qu’à un fil. Elle semble nous attendre, attendre de parler enfin avant de partir. Nous installons nos caméras, gênés de pénétrer dans l’intimité d’une mourante. Sa fille, consciente de notre hésitation, se tourne vers moi : « C’est important, ma mère veut que ça se sache ! » La vielle femme, elle, pouvant à peine relever la tête de son oreiller, marmonne qu’elle ne sait plus, qu’elle n’en peut plus. Alors sa fille arrache du mur, l’une après l’autre, violemment, les photos de sa mère. Elle les brandit sous ses yeux en suppliant : « Maman, maman, souviens-toi, souviens-toi ! » Et la mère et la fille, en pleurant, se souviennent et racontent.
Elles avaient cachés une adolescente juive dans la maison. Elles l’ont cachée pendant des semaines. Toute la communauté juive du village avait déjà été fusillée. Mais cette jeune fille n’en pouvait plus de rester enfermée et, un jour, elle est allée jouer dans la cour, devant la porte de la maison. Des Allemands sont passés dans la rue, ont vu que la jeune fille était juive et l’ont fusillée contre la porte d’entrée de la cuisine.
La mère mourante, en pleurs, se tait, comme délivrée. La fille nous dit : « Maman tenait à ce que cela se sache avant de mourir. Pour nous, ça été un drame que cette jeune que nous avions cachée soit assassinée si sauvagement contre la porte d’entrée de notre maison. » Je repars de chez elles en pensant à la barbarie sans bornes que tous ces gens ont subie, Pas une rue, pas une maison qui ne soit meurtrie, sanglante et ensanglantée.
La Shoah par balles, ce sont aussi ces femmes, ces enfants qui se cachaient, sortaient pour mendier de la nourriture dans les villages. Et puis un jour, une dénonciation ou un Allemand qui passe et c’est l’assassinat qui est perpétré. Tuer un Juif était un acte banal, licite, autorisé, encouragé, qui correspondait aux directives du Reich. Protéger un Juif conduisait à la peine capitale.
Commenter  J’apprécie          10
Le curé disait que le Christ était vraiment présent à la messe, alors, assis sur le banc en bois, je cillais des yeux autant que je le pouvais, surtout lorsqu’il utilisait l’encens, en pensant : “Je vais bien finir par le voir !ˮ (p. 18)
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Patrick Desbois (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Patrick Desbois
L'invité du 12/13 Père Patrick Desbois pour son livre La fabrique des terroristes, les secrets de Daech, écrit avec Costel Nastasie aux éditions Fayard
>Histoire de l'Europe depuis 1918>Seconde guerre mondiale: 1939-1945>Histoire sociale, politique, économique (169)
autres livres classés : shoahVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (54) Voir plus



Quiz Voir plus

C'est la guerre !

Complétez le titre de cette pièce de Jean Giraudoux : La Guerre ... n'aura pas lieu

de Corée
de Troie
des sexes
des mondes

8 questions
1124 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , batailles , armeeCréer un quiz sur ce livre

{* *}