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Citations sur L'emprise (15)

(...) là dans le jour, la saison qui s'achèvent, et tout autour il y aurait le parc, le jardin qui descend vers la rivière, la lumière qui tremble doucement. Il y aurait en ce lieu, en cet instant, une douceur rare. Un exceptionnel arrêt du temps. Vous comprendriez que soudain tout s'immobilise autour de vous. Que l'image se compose, n'en finit pas de se composer, dans la pâleur tremblante, ces formes, ces couleurs qui se détachent du néant auquel il y a peu encore elles appartenaient, c'est pourquoi elles gardent cette pâleur, cette forme d'apparition. Le temps s'arrête, il est cette pâte délicate et transparente comme l'argile, où s'impriment des formes qui ne sont là que pour témoigner de leur prochaine disparition, des visages, des sourires évanescents.
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Du monde perdu il restera ça, cette autre nuit, la nuit froide, la nuit d'hiver sur les épaules qui vous emportent. De ces mémoires, de ces bonheurs qu'on peine à dire, ressentant, éprouvant les régions obscures et reculées, où la parole ne peut aborder et la phrase s'échoue, le seuil ultime au-delà duquel il devient dérisoire de prétendre figurer le monde.
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C'est la nuit que l'on meurt, un peu avant l'aube. Quand d'une grande et dernière fatigue, et par une de ces redditions qui semblent épuiser jusqu'à la terre même, le coeur faiblit, le corps tout entier. Je me demande si alors le chagrin vous envahit, d'invisibles pleurs au-dedans de soi-même. Si dans le temps fragile se bouleverse le sang, les pensées qui vous viennent. Que se passe-t-il donc la nuit, et qu'est-elle pour tarir notre souffle, notre chaleur de vivant ? d'une invisible étreinte se saisir de ce qui nous reste de voix, de sang qui cogne aux tempes. Le corps se livre, se soumet, il tend le souffle qu'on lui a donné. On se dit que c'est peut-être une affaire de lumière, de ce qui, avec la pâleur du jour, repose encore au bas des murs, autour des lits, comme une vieille haleine, une trace à quoi on n'aurait pas pris garde.
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Nous figurons dans l'image, dans l'étonnante lumière. La demeure, le parc très grand, et tous ces arbres qui paraissent le bout du monde après quoi plus rien ne se voit ni ne s'entend, il n'y en a guère besoin, pour l'heure tout est rassemblé ici de ce que le monde peut vous porter, pour quelque temps, quelques années de bonheur fou.
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Cette façon qu'a le monde en silence et dans une grande douceur, de se défaire d'un coup, de dire en peu de choses et peu de temps ce qu'il y a à dire. Que mourir n'était peut-être rien d'autre que s'étendre à demi sur un lit comme dans Rome il y a deux mille ans aux soupers de fête et regarder la mer tout le temps qu'il faudrait. Mourir dans les yeux de la mer un jour qu'elle serait bleue.
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On rêve qu'ils sont là. On rêve qu'ils reviennent. un soir, une nuit ils apparaissent. Là devant nous ils commencent à parler et à rire. Ils semblent heureux d'être de retour, de nous revoir après tout ce temps. La journée est belle, on se souvient que c'est une journée comme il y en a rarement eu. Une clarté, une douceur dans l'air, incomparable.
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C’est qu’écrire a toujours été un partage. Comme du temps où l’on vous demandait de vous taire et de ne plus bouger, de n’y être pour personne. On vous demandait à force de silence et d’immobilité de vous faire oublier, et alors le pendule, c’était un pendule, se mettait à osciller (il oscille encore) entre la mesure, le peu de mots, le peu de gestes, et l’excès, le débordement, bouger, proférer, dire et dire encore. Comme si tout cela qui déchirait et divisait n’était pas qu’une seule et même chose, et que marcher sans fin ne revînt pas à être immobile. Qu’à force de marcher encore on ne finissait pas par se trouver là comme figé, pétrifié dans son propre mouvement, son propre élan. Il faudrait du temps pour comprendre, mais que l’on comprenne ou non n’aurait pas d’importance. Ni ce lieu, ce moment où tout se jouerait de la profération ou non du silence, du epu de mots et du peu de gestes.
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Lui ne sait rien de tout ça. De ses départs à elle, de la porte derrière laquelle on attend le cœur à rompre. Il travaille, il rentre de plus en plus tard, de plus en plus souvent à présent nous dînons sans lui, nous sommes là dans la cuisine face à la chaise, à l’assiette vides, la serviette roulée dans l’anneau de buis qui porte son nom. Nous l’attendons, je l’attends, d’une attente éperdue, impatiente, et de cette attente, de ce manque se fabrique une absence absolue, et telle que chacun de nous autour de la table, même le petit me semble-t-il, en mesure la conséquence. Du manque, de la déception se fabrique cette chose démesurée qui peu à peu envahit l’espace autour de nous, là dans la cuisine, dans la maison tout entière qui soudain n’est plus la même, elle n’est plus la maison où la vie se passe sans trop d’encombres, avec ennui sans doute mais l’ennui est tolérable, mesurable, peut-être même non dénué d’agrément, il n’entrave ni le cœur ni le cours ordinaire des choses, il y a des joies, du contentement, cette grande impatience que le monde bouge.
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Je faisais ce rêve que là dans ma maison, après des années d’absence, d’effacement, une cuisine réapparaissait, et le bonheur était infini, il était incomparable, il était à soi seul la somme de tous les bonheurs jamais rêvés : c’était au cœur de la maison, de l’intime et du familier, et se résorbant entre ses murs, un endroit qui m’était révélé dans une félicité sans commune mesure avec la découverte que je faisais, qui n’était rien qu’une grande et douce cuisine d’autrefois, oubliée, disparue, et qui par on ne sait quelles secrètes métamorphoses soudain réapparaissait, comme à même la terre le tracé d’une cité ancienne, ou l’on ne sait quelle ville engloutie.
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On a sept ans, huit ans peut-être, dans la pénombre d’un grenier où parmi les piles de « Confidences », c’est le nom du magazine, on rêve la beauté et le mystère, on cherche là à même ces regards et ces visages très beaux, et plus loin entre lignes un secret quelle doit connaître puisqu’elle est, elle, et pas une autre, la femme qu’il aime, et le matin quand on la voit s’installer à sa coiffeuse, on vient rôder autour des crèmes et des parfums, on se souvient, les formes, les couleurs et les odeurs, le verre et la porcelaine des pots et ce flacon de « Fleurs de rocaille » qu’un printemps il lui offre, la laque et le carton peint des boîtes à poudre, le rouge qu’elle se passe sur la bouche avant de l’estomper du doigt, de le mouillé d’une rapide torsion des lèvres.
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