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Philippe Munch (Illustrateur)
EAN : 9782266161459
512 pages
Pocket (11/07/2006)
4.12/5   58 notes
Résumé :
On les appelle Jivaros. Ils préfèrent se dénommer Achuar, les Gens du Palmier d'eau. Isolés dans la jungle de Haute-Amazonie, aux confins de l'Equateur et du Pérou, cette tribu légendaire fut protégée durant des siècles de l'incursion des Blancs par son inquiétante réputation de chasseurs de têtes. Plus qu'une condition de leur indépendance, la guerre est pour ces Indiens une vertu cardinale ; elle donne du prestige, renforce la solidarité, raffermit l'identité ethn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Entre 1976 et 1979, Philippe Descola et sa femme, tous deux anthropologues, vivent en immersion chez les Jivaros Achuar, en Equateur. Protégés par leur réputation usurpée de féroces réducteurs de têtes, pratique dont leur culture orale ne porte plus les traces, les Achuar sont restés dans une certaine mesure un isolat. Ce livre relate de façon méthodique tous les aspects de la culture achuar : culture matérielle, architecture, chasse, entretien du jardin par les femmes, culture immatérielle et spirituelle également. Les Achuars ont ceci d'intéressant qu'ils vivent en habitat dispersé et que chaque cellule familiale vit en autarcie pour la grande majorité de sa subsistance. Aux hommes la chasse des pécaris, des singes laineux et autres mammifères ; aux femmes la culture du manioc et le secret des plantes. Les Achuars ne connaissent pas de chef : certains chasseurs retirent quelque prestige de leur habileté à quérir le gibier et de leur éloquence. Leur charisme leur permettra occasionnellement de fédérer autour d'eux quelques guerriers pour mener une action de vendetta contre un autre groupe, mais il n'existe aucune relation de type féodal chez les Achuar.
Pour avoir lu d'autres récits de l'exceptionnelle collection Terre Humaine, je n'ai pas retrouvé chez Descola le parfum d'aventure que l'on trouve chez Jean Malaurie dans Les Derniers rois de Thulé ou chez Wilfred Thesiger dans le Désert des Déserts. Certains passages sont un peu ardus, et l'on se perd rapidement dans les liens de parenté qui unissent les Jivaros, qui n'ont rien à voir avec les nôtres, mais les derniers chapitres relatifs aux pratiques chamaniques nous transportent dans un univers où la césure nature / culture si enracinée dans nos sociétés disparaît, l'être humain fait partie d'une chaîne dans laquelle il ne forme qu'un élément parmi les autres, ni plus important, ni moins important que les autres, et ce paradigme a quelque chose d'apaisant et de réconfortant.
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Philippe Descola a vécu deux années avec les Achuar d'Équateur et nous raconte ici son séjour. Il était accompagné de son épouse Anne-Christine et ce fait facilita grandement son intégration car les Achuar ne le percevaient pas comme un rival du fait qu'il possédait déjà une femme. le couple s'installe donc chez Wajari et ils adoptent la mode de vie de la tribu qui l'accueille. Philippe Descola ne connaissait pas la langue donc les premiers contacts furent assez ardus et la compréhension difficile mais il ne tarde pas à apprendre suffisamment de mots pour pouvoir soutenir une conversation avec son hôte. Il s'attelle donc à la tâche d'observation qu'il s'est assigné. Anne-Christine doit participer aux travaux féminins alors que monsieur Descola adopte le mode de vie des hommes. Il consigne par écrit toutes ses observations et ses expériences et nous les livre dans ce livre exceptionnel. Tous les aspects de la vie des Achuar sont abordés : nourriture, hygiène, relations entre tribus, vie de couple, conflits, meurtres, vengeance, femmes battues, chamanisme, croyances superstitieuses, honneur, négoce, artisanat, rites funéraires etc., enfin tout ce qui constitue le quotidien d'une communauté humaine vivant au coeur de la jungle équatorienne.

Comme le mentionne Sebkzo, ce livre est un chef-d'oeuvre rien de moins. J'ai particulièrement apprécié les chapitres sur l'interprétation des rêves, les amitiés sélectives, la chasse, les rites funéraires et les expéditions vers les communautés voisines.

Je suis enchantée de ma lecture et je connais désormais beaucoup mieux les Achuar dont la culture particulièrement riche est malheureusement en voie de disparition. C'est un peuple que monsieur Descola sait nous rendre attachant. Les liens familiaux sont, par contre, tellement compliqués que j'ai renoncé à retenir tous les noms tellement ils sont nombreux pour me concentrer sur les rites et les moeurs décrits.

Un livre magnifique à tous points de vue. Les photos sont pertinentes et les illustrations de Philippe Munch nous donnent une excellente idée de la vie quotidienne de ce peuple et de leurs habitations. le glossaire est très utile pour bien comprendre tous les mots achuar émaillant le texte.

“La lance du crépuscule arrive, fils, mon fils
Vite, évite-la !
La lance du crépuscule arrive, fils, mon fils
Mon fils Soleil, la lance du crépuscule vient à toi
Vite, esquive-la !
L'emesak, ainsi dit
Qu'il ne te guette pas, fils, mon fils
Qu'il n'ait pas de toi la claire vision des transes du natem
T'éloignant peu à peu
Que chacun de tes pas se déguise en palmier chonta.”
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Un très bon livre nous permettant de découvrir trois populations d'Amérique du Sud, regroupé sous le terme de Jivaro.
Ici ce n'est pas une analyse anthropologique que met en place Philippe Descola dans Les lances du crépuscules. un peu comme le fait Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, il nous explique tout ce qu'il a fait. Il se base sur ses cahiers de terrain pour nous expliquer au présent ses découvertes de la population et l'éloignement progressif de son ethnocentrisme.
Son ethnographie participante se concrétise par l'apprentissage de divers dialectes après son essai de compréhension des gestes et rituels quotidiens par la simple vue.
Mais il ne fais pas que regarder. Il agit également avec la population, participant par exemple à la construction d'une nouvelle maison.
Il fait également partie intégrante des rituels chamaniques à un moment, leur donnant l'illusion d'être un chaman européen en chantant du Brel... Réputation chamanique qu'il aura du mal à se défaire par la suite.
Là où je pense qu'il a été très loin, c'est de ne pas hésité à aller dans le groupe ennemi lors de règlements de compte.
Les conclusions anthropologiques sont tout de même bien présente, et la notion que je garderai de ce livre, c'est que à l'inverse des populations européenne qui différencient Nature et Culture, les Achuars par exemple les associent. Les plantes et les animaux ne sont pas des objets, mais des espèces faisant partie intégrante de l'univers cosmique, et on n'hésite pas à les faire intervenir dans l'explication des forces présentes et dans les actes chamaniques.
Un très bon livre qui me donne envie de lire Par delà nature et culture du même auteur.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Wajari ne revient pas à la maison avec moi, mais m'annonce d'une voix sereine qu'il va déféquer dans la rivière. La purification doit se poursuivre jusqu'à son terme par une immersion dans les eaux encore très froides du Kapawi et l'évacuation au fil du courant des derniers déchets. Je devrais à notre camaraderie naissante de l'accompagner dans cette activité que les hommes liés par l'affection mènent toujours en tandem, mais j'ai renâclé jusqu'à présent devant cette soumission excessive aux obligations de l'observation participante. Légèrement en aval de la petite anse dédiée aux activités ménagères, Wajari fait un tapage de tous les diables : il bat l'eau de ses mains en poussant un hululement soutenu qui s'élève des vapeurs de la rivière comme une corne de brume. Il s'interrompt par moments pour hurler triomphalement : "Je suis Wajari! Je suis Wajari! je suis fort! je suis un jaguar qui va dans la nuit! je suis un anaconda!" Le contraste est saisissant avec la douceur des tableaux domestiques qui précèdent. Evanoui le tendre père, disparu l'hôte attentionné; c'est bien un guerrier qui maintenant exalte sa gloire dans l'aube attentive.
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Bien souvent , les maux qui affligent le client d'un chamade sont imaginaires ou de type psychosomatique. J'ai vu plusieurs fois des gens quasiment à l'article de la mort, ayant abdiqué toute volonté de vivre tant ils étaient persuadés que rien ne saurait les délivrer de leur ensorcellement, et dont j'aurais pourtant parié qu'ils étaient en parfaite santé, vu l'absence apparente de tout symptôme préoccupant. Entraînés par l'un de leurs proches chez un uwishin renommé dont ils gagnaient la demeure avec une peine infinie, ils s'en revenaient quelques jours plus tard d'un pas vif et la mine florissante, délivrés d'un tourment qui n'avait sans doute jamais eu de base organique. Parce qu'ils apaisent l'angoisse de ceux qui les consultent, parce qu'ils les délivrent de l'aliénation terrible du face-à-face avec la douleur et l'inconnu, les chamans arrivent même à provoquer un mieux-être temporaire chez des gens réellement malades, toute détérioration postérieure de leur état apparaissant moins comme le signe d'un échec que comme l'indice d'un nouvel ensorcellement sans rapport avec le premier. Contrairement à ce que pense avec une certaine naïveté les missionnaires catholiques qui imputent le présent mercantilisme des chamans jivaros à une navrante dégradation des valeurs antiques, il semble bien que le réconfort apporté par la cure soit proportionnel à son prix. Chacun sait ici que la guérison est d'autant plus rapide qu'elle a coûté plus cher, les chamans ayant compris ce que les psychanalystes ont découvert tardivement, à savoir qu'il faut littéralement "payer de sa personne" pour faire d'une situation de dépendance la condition de son propre salut.
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L'obsession de rendre raison, pour employer une vieille formule platonicienne, a valu bien des reproches aux ethnologues. Combien de fois ne s'est-on pas gaussé de leurs prétentions à révéler, mieux que les hommes et les femmes qu'ils avaient étudiés, les ressorts fondamentaux d'une culture avec laquelle ils n'avaient eu qu'un contact assez bref? On a voulu voir dans cette ambition un témoignage du mépris dans lesquels ces professionnels de l'altérité tiendraient le savoir réflexif des sociétés qu'ils prétendent expliquer. La volonté de dépasser le sens commun n'est pourtant pas l'apanage des seuls ethnologues. Personne ne se scandalise lorsqu'un sociologue nous explique les mécanismes de reproduction de nos élites ou lorsqu'un linguiste nous montre les distinctions implicites qui gouvernent l'organisation des temps du verbe français. Nous admettons que, chacun dans leur domaine, ces savants maîtrisent un savoir spécialisé, susceptible de jeter sur notre réalité quotidienne un éclairage entièrement original que notre seule connaissance intuitive serait incapable d'apporter. Pourquoi se choquer dès lors que certains d'entre nous aient choisi d'élucider l'inconnu non pas au coin de la rue et en notre langue, mais au-delà des mers et en des idiomes aux consonances étranges? L'on prétend parfois que les sociétés sans écriture jouissent du privilège d'être entièrement transparente à elles-mêmes, mais qu'étant trop étrangères à notre manière de voir, elles en peuvent que nous demeurer à jamais opaques. Loin de combattre efficacement l'ethnocentrisme, cette idée romantique conduit à reconstituer l'ancien clivage entre Nous et les Autres. Sous couvert de respect envers une différence culturelle jugée trop vaste pour être véritablement comprise, resurgissent ces incompatibilités que l'on croyait révolues entre connaissance sensible et connaissance scientifique, entre mentalité prélogique et pensée rationnelle, entre sauvages et civilisés. Voilà de trop commodes distinctions de nature qu'un racisme toujours dispos serait bien heureux de voir remises au goût du jour.
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Rien n'empêcherait, par exemple, les Shuar ou les Quichuas de fabriquer des sarbacanes, du curare ou des tawasap, puisque tout indique qu'ils le faisaient encore dans un passé récent : la matière première s'est amenuisée mais n'a pas disparu, et le savoir-faire pourrait être facilement revivifié. S'ils ne le font pas, c'est d'abord qu'ils trouvent leur avantage à obtenir ces produits difficiles et longs à fabriquer en échange d'une pacotille relativement bon marché et qui leur est d'un accès facile. Hormis ce simple motif d'intérêt, la répartition entre tribus des spécialisations artisanales et commerciales aboutit également à faire du troc un instrument forcé d'interaction régionale.: par lui se tissent des relations durables de dépendance réciproque entre des groupes d'hommes qui pourraient parfaitement vivre en autarcie. Fondé sur une rareté artificiellement maintenue, codifié dans les obligations mutuelles des amik, nourri par les détours erratiques du capitalisme marchand, l'échange à longue distance répond donc autant é une nécessité économique qu'à la volonté politique de maintenir une forme de liaison entre des gens qui s'apprécient assez peu.
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Les femmes et les enfants sont enterrés quelques pieds à peine sous le peak où ils avaient coutume de dormir, seul espace qui, dans la vie comme dans la mort, leur appartienne en propre au sein de la demeure commune. Il en va autrement pour un homme. C'est toute la maison qui est son domaine, il en est l'origine et le maître, il lui donne son identité et sa substance morale. Elle deviendra donc son sépulcre solitaire lorsque, après avoir enseveli son corps entre les piliers centraux, la famille abandonnera les lieux pour s'éparpiller aux quatre cents de la parentèle. Afin que ce lien entre la maison et celui qui l'a fondée apparaisse de façon plus tangible, l'on dispose parfois le mort dans la posture de l'hôte recevant les visiteurs. Assis sur son chimpui au fond d'une petite fosse circulaire que protège une clôture de pieux, les coudes sur les genoux et la tête posée sur les mains, coiffé de la tawasap et ceint de ses baudriers, il maintiendra sa faction macabre jusqu'à ce que la toiture s'écroule sur ses os blanchis et que commence à disparaître, sous le grouillement conquérant de la végétation, toute trace du site qu'il avait jadis policé.
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Videos de Philippe Descola (77) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Descola
Rencontre avec Patrick Dupouey à l'occasion de la parution de Pour ne pas en finir avec la nature. Question d'un philosophe à l'anthropologue Philippe Descola aux éditions Agone.


Patrick Dupouey, longtemps professeur de philosophie en classes préparatoires, est notamment l'auteur d'un «Que sais-je?» sur La Nature (2023), de la Croyance. Comment savoir ce qu'il faut croire? (Vrin, 2022) et, en passionné d'alpinisme, de Pourquoi grimper sur les montagnes (Guérin, 2012).


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06/02/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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