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••••••• PÉPITE •••••••
•••Gros coup de coeur•••pour ce tout petit roman dont se dégage une puissance littéraire et imagée exponentielle.
Une réalité affligeante, une société de la honte, trop de yeux éteints, trop de coeurs fermés.
Les âmes et les enfants d'abord, à lire de toute urgence, un plaidoyer de l'infamie.
Venise, Venezia, aiuto, aiuto, détourne tes yeux de tes gondoles, la misère est sur ton sol, elle a mal, elle a froid, elle a faim.

Elle est où l'humanité ?

Les riches debout, les misérables au sol.
Même sous moins quinze, les regards restent hauts.

Et l'humanité ?

Les yeux lèchent les vitrines de Noël, une tasse de café chaude à la main, les poches bien remplies.
À hauteur d'âme, vous êtes là, Madame. Votre infirmité est celle du néant.
Chiffons, moignon, chien affamé, la misère s'écrase sur vous pendant que les néons élèvent les nantis.
Une robe Dior pour le prix d'une maison.
Une Porsche contre des milliers d'affamés.
Les enfants enjambent la misère. Adultes, ils marcheront dessus. Ils ouvriront la misère à coups de talons. le pavé est sale, le trottoir sombre, tache lugubre, ectoplasme édenté, émaillé, invisible.

Ils sont des milliers, des millions comme Cosette à quémander mieux que de la pitié.
Ils sont où les Jean Valjean ?

« Les ténèbres vous mâchent et vous recrachent, pauvre chose. »

Et toi, belle humanité, ou es-tu?

Un jeune père de famille tient sa paume ouverte. Deux photos d'identité, ce qui lui reste de sa femme et de son fils noyés la veille : « regardez comme elle est belle, et lui…si sérieux. »
Elle est là, l'humanité.

« Tant qu'il existera, par le fait des lois et des moeurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d'une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l'atrocité de l'enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans certaines régions, l'asphyxie sociale sera possible ; en d'autres termes et à un point de vue plus étendu encore, tant qu'il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. »
Le 1er janvier 1862, Victor Hugo, depuis sa cristal room sur l'île de Guernesey, écrit debout les milliers de pages qui deviendront les Misérables.
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Venise, Place Saint-Marc.

Une femme déambule. Ses yeux se posent sur la mendiante…

Electrochoc. Coup de poing.

A travers cette indigente sans visage, c'est toute l'insignifiance et la transparence de ces moins-que-rien qui l'éclabousseront, toute cette gueuserie puante qui refluera à travers ses pores, la misère de tous les suppliants du Monde qui fera intrusion dans sa vie qui ne connait pas la médiocrité.

A même le sol, devant ces loques fangeuses et cette main tendue, pauvre mais digne, c'est toute l'inhumanité d'un monde de nantis aseptisés qui saute à la gueule, pour quelques pièces que l'on n'accordera pas.

Parce que l'ignorance ne doit pas mettre de distance entre le paupérisme et notre âme.
Parce que la dèche, ce n'est pas que Bangkok, Lampedusa ou Beyrouth.
Parce que la misère rampe aussi dans nos villes, au coin de nos rues…
Parce que, au lieu de feindre son absence, on pourrait préférer rendre à ce Monde un peu plus de décence. Il n'est pas trop tard pour agir.
Mais pour grandir le Monde, il faut savoir s'abaisser, voir cette misère à hauteur de nos yeux d'enfants, au lieu de l'effacer de nos yeux d'adultes.


« Ce que j'ai compris, grâce à vous, Madame, c'est qu'aujourd'hui la misère est à hauteur des enfants. On vit avec. Avec tout ce que cela veut dire. Avant même qu'ils ne sachent lire et écrire, ce que nous offrons à ceux que nous élevons, c'est la misère à hauteur de leurs yeux, je ne sais pas si elle est à bonne hauteur. [...] Pour grandir, il lui faudra d'abord regarder le malheur dans les yeux. Tout comme ses parents, il s'y habituera vite, sauf que cela aura commencé trop tôt pour lui, avant même d'avoir compris ce que déjà il ne verra plus. Ne reste que le désespoir. On fait comment avec l'espoir sans l'espoir ? »


Elle est passée où, l'humanité ?

- -

Quelle claque !

En cent pages à peine, Isabelle Desesquelles livre un roman époustouflant, un coup de poing dans nos estomacs de privilégiés, une remarquable réflexion sur cette inhumanité qui nous entoure !

Avec un style direct, moins imagé qu'à son habitude, parce que la misère ne se pare pas de fioritures, Isabelle Desesquelles dépeint une nouvelle fois un thème difficile, la pauvreté, avec pudeur et force d'impact. Elle nous incite à garder nos yeux grands ouverts et à oeuvrer avec et pour nos enfants pour nous élever tous vers plus d'humanité.

J'avais adoré Je voudrais que la nuit me prenne et Unpur. Avec ce troisième roman, Isabelle Desesquelles fait définitivement partie de mes auteurs préférés !
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Aujourd'hui, la température flirte avec 0°...
Peu de monde sur le marché, il fait trop froid et les conditions sanitaires n'encouragent pas à se risquer dehors pour quelques légumes frais que l'on se procurera plus confortablement dans une grande surface.
J'y tiens moi, à mon marché hebdomadaire !
J'aime aller à la rencontre de ces hommes et de ces femmes qui se lèvent à 4h du matin par n'importe quel temps pour vendre leur production.
La leur acheter, c'est respecter leur travail, tout simplement.

Entre deux étals, par ce froid de canard, un homme est assis par terre, emmitouflé et encapuchonné dans une vieille parka, masqué comme il se doit, un gobelet entre les jambes.
Impossible de l'ignorer après ce que je viens de lire...c'est comme si j'avais reçu une gifle.

Ce livre est la confession d'une femme comme les autres, l'aveu d'une culpabilité, celle de l'indifférence humaine face à la misère.
Un livre "coup de poing" qui nous oblige à écarquiller les yeux et à voir.
Voir ce qu'on ne voit plus, ce que nous avons fondu au décors par tranquillité d'esprit, ces pauvres hères qui feraient presque partie du patrimoine de la ville.
Une misère à l'exacte hauteure de nos enfants, qui rase les trottoirs, rampe dans les caniveaux, humains dans leur inhumanité.
Comment dire la misère à l'enfant qui vous tire par la main parce qu'il ne comprend pas, ne conçoit pas ce qu'il voit ?
Vous avez facilement passé votre chemin, pas lui, il n'en est pas encore là...
Mais c'est trop tard pour vous, il a déclenché la prise de conscience, le malaise, la culpabilité et ça vous accompagnera longtemps, même au coeur de la beauté.

Isabelle Desesquelles a mis dans le mille avec ce récit qui ne se raconte pas d'histoires.
Il est le miroir de l'humanité entière, celui dont le reflet coince, gêne, celui qu'on préfère ignorer.
Il fallait nous prendre par la peau du cou et nous forcer à ouvrir les yeux, elle l'a fait sans concession, sans hypocrisie afin de nous mettre face à la nôtre.
En une centaine de pages, elle nous secoue plus sûrement qu'un long discours moralisateur.
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La misère est à portée des yeux de nos enfants. Ils grandissent avec elle. Nous adultes, déjà par notre taille, nous la voyons mais avons la possibilité de la survoler, de regarder au loin. Nous la croisons partout, sous toutes les formes, une jeune fille aux dreadlocks avec son chien, un tas de chiffons ventre à terre d'où dépasse une main tendue, un regard éteint sous une barbe...

Isabelle Desesquelle, accompagné de son fils âgé de cinq ans, l'a croisée plus particulièrement à Venise au seuil de la basilique Saint-Pierre. Et depuis elle la surprend partout. Comme tout le monde, elle a fui devant cette misère étalée sur le sol mais son âme est restée accrochée à cette vision. Alors, pour nous, et à voix haute, elle égrène ses pensées et celles de son petit garçon, ses révoltes, ses compromis mais surtout cette soumission face à la misère. de solution, elle n'en propose aucune et ne moralise jamais, mais doucement, amèrement, elle partage ce qu'elle ressent. Et nous nous retrouvons peu à peu dans ses mots qui peut-être à force d'être dits apaiseront d'autres maux.

Je remercie Sylire d'avoir partagé cette lecture. C'est une lecture sans faux fuyant, les faits sont relevés franchement et objectivement. Rien n'est enjolivé, ni noirci. C'est un constat terrible et lucide sur la pauvreté, la misère, les sans-abris et sur ceux qui les croisent tous les jours, sur vous, sur nous...

Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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La pauvreté à hauteur des yeux, le quotidien de nos enfants

Quand Isabelle Desesquelles parle des mendiants, des pauvres qui errent dans les rues à quémander pièces, nourriture ou même un regard, c'est avec une totale franchise et un regard plutôt objectif qu'elle analyse cette triste situation en parlant de ces gens, qui hantent les trottoirs des villes, se déplaçant uniquement pour tendre une main aux passants ou pour changer de trottoir après avoir reçu l'ordre de ne pas rester là. Ces gens, qui attendent assis sur le sol qu'on daigne leur donner de quoi survivre, ces gens qui crient leur pauvreté à hauteur de figure de nos enfants. Ces gens, au parcours chaotique, ces gens à qui la chance n'a pas souri, ces gens que l'on fait mine d'ignorer, car donner à tous serait difficile, donner à un seul serait injuste, ces gens qui nous hantent car la honte nous submerge lorsque nos enfants nous demandent pourquoi le Monsieur est sale, pourquoi il tend la main, pourquoi il se précipite aux vitres des voitures à l'arrêt, pourquoi on presse le pas et pourquoi on fait semblant de ne rien voir.

Un roman qui crie à l'injustice et à l'impuissance

"Les âmes et les enfants d'abord" c'est un récit sur cette injustice que l'on ressent face à de telles conditions de vie mais aussi sur la colère qui nous habite car cette pauvreté, nous ne voulons pas la voir et pourtant elle s'impose à nous. Dans ce roman, elle s'impose à la narratrice à travers la silhouette sale et pustulante d'une dame sans âge devant la basilique Saint Marc. D'elle, on ne voit qu'une main tendue sous un tas de chiffon. Pourquoi, alors qu'elle s'apprêtait à passer un moment avec son fils, cette femme ose t-elle imposer l'image de sa déchéance à hauteur des yeux du petit garçon. Pourquoi, à l'âge de l'insouciance, le malheur lui saute t-il à la figure, comme s'il était pressé de se faire connaître. Comment expliquer à son enfant que oui c'est triste mais que non, on ne fera rien, ou si peu. Isabelle Desesquelles aborde sans tabou, le cas des sans-abris, les bandes organisées, l'enrôlement des enfants dès leur plus jeune âge, la médisance des gens, l'injustice quand "Liberté, égalité, fraternité", ne s'applique pas à tous.

"Les âmes et les enfants d'abord", un roman osé mais d'une triste réalité

C'est un court roman poignant, écrit avec beaucoup de délicatesse malgré cette lucidité qui agresse à la manière d'une lumière trop vive. J'ai beaucoup aimé la façon dont la narratrice s'adresse à cette pauvre femme de Venise. En la nommant "Madame", elle la fait vivre, lui donne une âme, la considère. C'est à une personne qu'elle s'adresse et non pas à une image souillée recroquevillée sous un parvis. En la nommant "Madame", c'est à tous ces exclus de la société qu'elle parle, ceux que nous croisons au quotidien avant de passer notre chemin et de passer à autre chose.

Un roman très bien écrit que je trouve assez osé, courageux, mais tellement vrai.

Lien : http://que-lire.over-blog.co..
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Les âmes et les enfants d'abordIsabelle Desesquelles (Française, née en 68) – 2016 – Belfond
/ !\ Alerte Taiseux / !\
Seulement 104 pages mais… On ne négocie pas avec les terroristes Littéraires !! (Lol !! ) …
Ou comment faire compliqué ce qui est simple ?!
Donnant des leçons de moralité semi poétique semi-« société de la honte » c'est pas des constats qu'on attend. le monde change par ton exemple, pas par ta parole. Tels tous ces philosophes qui ne qui ne suivaient par leur propre oeuvres « Livres et conseils « x) (Oui mais j'ai le droit de critiquer la Philosophie car j'en ai fait des centaines d'heures).
J'ai beaucoup de mal avec ce concept qui est unique à l'Humain qui est la Self Shaming, souvent, par exemple, en ce faisait passer après la vie animale (Oui on est des animaux quand même, mais une espèce à part).
Le moment est venu de Laisser la parole à Orelsan :
« Adieu ces pseudo-artistes engagés
Pleins de banalités démagogues dans la trachée
Écouter des chanteurs faire la morale ça me fait chier
Essaie d'écrire des bonnes paroles avant de la prêcher »
Et encore Lui :
« J'manque de certitude pour être un artiste révolté
J'regarde plus loin, machine et progrès »
Peut-être que je manque juste d'altruisme:/ …
Phoenix
++
Lien : https://linktr.ee/phoenixtcg
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Un jour, à Venise, la narratrice a croisé une mendiante, main tendue vers le ciel, corps étendu sur le sol. Elle ne s'est pas arrêtée, mais l'image de cette femme est restée. « Pourquoi, Madame l'Obscure, votre misère fait-elle plus que me rentrer dedans ? Elle est installée, blottie dans ma pensée. » (p. 17) Hantée par cette misère incarnée, la narratrice s'adresse à elle. Madame, lui dit-elle. Cette déférence envers l'indifférence est aussi l'occasion d'interroger la marche du monde, sa folie et son non-sens. Qu'elle est grande, l'impuissance de l'obole ! Donner ou ne pas donner, où est la différente quand d'autres brassent sans honte des millions ? « Et si je vous donne du Madame, c'est simple courtoisie ; cela, je peux vous l'offrir. » (p. 15) Aussi compatissante et gênée envers les pauvres qu'elle est cinglante et cynique envers les riches et elle-même, la narratrice pratique une ironie blessée : elle aussi est privilégiée par rapport aux miséreux qui pullulent, « préférant régler des consommations à prix prohibitif qu'aider cent malheureux. Ce n'est pas simple, l'âme. » (p. 35) Elle présente le dilemme de beaucoup : on voudrait aider, on croit aider, mais on ne fait qu'achever. Dans chaque main tendue, dans chaque sébile posée sur le sol, désormais, la narratrice voit cette femme ignorée sur le pavé vénitien. « Je vous ai sur la conscience, Madame, et je vous remercie d'y être. » (p. 72) Et que dire aux enfants qui ont cette misère à hauteur de regard et ne comprennent pas encore les calculs des adultes ? Il faut apprendre la générosité aux petits alors qu'on voudrait les protéger et leur éviter d'avoir jamais à poser les yeux sur l'indigence et le dénuement.

La misère quotidienne des grandes villes compose des tableaux qui deviennent banals à force d'être vus. « Les ténèbres nous mâchent et vous recrachent, pauvre chose. » (p. 13) La culpabilité de ceux qui ont assez, parfois juste assez, pour vivre est sans doute plus grande que ceux qui débordent d'argent et n'en donnent pas. Dans ce texte vibrant, puissant et au style exceptionnel, pas de réponse, pas de solution, pas de miracle. Pas de conseil, ni de consigne non plus. « Je ne changerai pas le néant, je ne vous arracherai à rien, et surtout pas au malheur, la terre vous vomit, cependant je vous réclame : ne me lâchez pas. » (p. 30) À chacun d'assumer, plus ou moins clairement, sa position vers ceux qui tendent des mains vides et désespérées.
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C'est un court récit poignant que nous offre Isabelle Desesquelles, après un voyage à Venise avec son jeune fils, ils font une rencontre avec une mendiante qui n'a de cesse de la hanter. Comme une porte qui s'ouvre sur une évidence malheureusement de plus en plus sur notre chemin, la pauvreté avec son lot d'inhumanité.
Une prise de conscience peut être plus prononcée car dans sa main celle de son fils qui s'interroge vers ces mains tendues. Comment faire face à cette misère étalée sur nos trottoirs, on ne peut pas toujours fermer les yeux, mais à la fois on ne peut pas donner à tous. Alors on tente d'offrir des sourires, un peu de chaleur humaine avec un petit bonjour et quelques pièces à l'occasion histoire de remplir son devoir de charité. Tout se bouscule dans les esprits, tant de questions du jeune garçon bien souvent sans réponses. Apprendre à grandir avec la misère sous yeux puis finir par ne plus la regarder ni la voir.
Un récit tout en franchise, où tout à chacun s'y retrouvera. Combien de fois a t on déploré le gâchis et l.outrance de l'argent alors que des gens avec bien moins pourrait avoir un toit et une assiette remplie. Mais aussi combien on fuit les mains tendues, excédés par ce harcèlement permanent de mendicité.
Qu'est ce que l'humanité au final ?
Beaucoup de réflexions et interrogations dans ce court récit sur notre monde d'aujourd'hui et demain quand sera t il.
La misère est depuis des lustres, elle sera certainement la dernière à disparaître de la société.
En filigrane du récit , l'auteur s'appuie sur les misérables de Victor Hugo, pas si loin de nous comme la petite fille aux allumettes citée également dans le texte. Où est donc l'évolution de l'humanité hormis que nous tentons de faire de l'humanitaire ?
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J'ai lu ce livre, parce que je l'ai confondu avec un autre roman que je voulais lire et dans lequel il y a le mot "enfants" !

Au final, quelle claque que ce très court texte. Je ne sais même pas si je peux le qualifier de roman ! C'est autre chose ! C'est violent, brut et il frappe au coeur.
L'écriture est abrupte, courte, percutante et le sujet ne peut nous laisser indifférent.

Ce court texte nous parle d'une femme en vacance à Venise avec son fils. Elle se trouve brusquement confrontée à la misère à l'état brute, en découvrant, sur le sol de l'entrée de la basilique Saint-Marc, un tas de haillons duquel n'émerge qu'une main. En temps normal, elle n'y aurait pas prêté attention, l'ignorance ordinaire de cette misère que l'on ne voit plus. Mais, ce qui change cette fois, c'est la présence de son fils. de cette "rencontre", la narratrice éprouve le besoin de s'adresser à celle qu'elle appellera Madame.

C'est l'occasion de parler de son (notre) rapport à la pauvreté, au mendiant. Cette Madame est universelle, elle est le mendiant du métro, du coin de la rue, celui qui a froid, faim, celui qui est agressif, et celui qui ne demande plus rien etc...
Elle est indifférente (parfois), gênée (souvent), généreuse (rarement), épuisée par toute cette misère qui ne semble pas diminuer, bien au contraire et son fils, qui pose sur tout cela le regard encore innocent de l'enfance.
L'incompréhension devant le prix de certains articles de luxe aussi cher qu'un mois de loyer...etc... Ce fossé infranchissable entre les très très riche et les pauvres.

Ce texte, ne donne pas de solution, pas de conseils. Ce sont simplement les pensées de la narratrice face à cette rencontre.
Et j'ai refermé ce livre en me demandant comment réagir lorsque ma route croisera à nouveau la détresse humaine... Et je n'ai pas de bonne solution...
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Ce texte ne ressemble pas à un roman, on imagine très bien Isabelle Desesquelles avoir rencontré elle-même la mendiante de Venise et tous les autres ensuite, dans sa vie quotidienne. Mais de fait, nous sommes tous confrontés à la rencontre de la misère dans nos rues. Comment réagissons-nous ? Comment cette misère étalée devant nos yeux, devant ceux de nos enfants nous touche ? Quelles sont nos stratégies, nos excuses pour ne pas donner d'argent ou pour ne pas voir ces gens qui mendient ?

Ce qui est bien dans ce texte, c'est que la narratrice ne se barde pas d'excuses, elle n'a pas d'indulgence pour elle-même : "Sur la pauvreté, je n'en sais ni plus ni moins que les autres. Je l'ai croisée, je ne l'avais pas remarquée ou alors c'était sans rien y trouver de remarquable, je ne m'y arrêtais pas. Avec moi, l'angélisme n'est pas de mise ; quand un mendiant me réclame une somme précise, je la convertis en francs et l'envie de lui donner me passe aussitôt, si tant est que je l'ai eue." (p.17) C'est aussi ce qui ne met pas à l'aise, car avouons-le, tous nous avons été -et le sommes encore sûrement- gênés devant la mendicité : donner ? ne pas donner ? pourquoi à cette personne et pas à l'autre ? Pour finalement ne donner à personne. Isabelle Desesquelles ne donne pas de réponse, évidemment, elle ne juge pas, elle se pose exactement les mêmes questions. Son texte est un cri de peur, de désespoir, d'impuissance, de désarroi, de mal-être. Elle doit tous les jours répondre aux questions de son enfant et penser à son avenir qu'elle imagine plus sombre que nos jours actuels. Alors, elle en appelle à la littérature parce que c'est son moyen de se ressourcer, de réfléchir, de tenter de comprendre le monde : Andersen et La petite fille aux allumettes, Emily Brontë et son poème, Ce n'est pas une lâche que mon âme et surtout Victor Hugo et Les Misérables dont certains passages reproduits dans ce livre sont cruellement actuels, bien qu'écrits il y a plus de 150 ans.

Et la narratrice de poursuivre sa réflexion qui part dans beaucoup de directions, comme nous le ferions nous-mêmes : la richesse mal partagée et ces robes qui valent le prix d'une maison, ces voitures de luxe qui tardent à être livrées tant il y a de demande, alors que devant les devantures des revendeurs des SDF font la manche, ces gens bourrés de pognon qui ne pensent qu'à s'acheter la dernière paire de chaussure à la mode parce que "Il faut bien s'habiller, non ? La loi l'impose. Nue, on va en prison" (p.49, réponse d'une riche héritière non citée à un journaliste), ... Dans un court chapitre qui débute par un "Elle est où l'humanité ?", beaucoup de phrases choc, des évidences à dire et redire, à asséner pour ne pas devenir insensible et "habitué" à la misère : "Quand il s'agit de vous porter secours, on n'a rien dans le ventre. Elle est où, l'humanité, dans la blonde qui rallie les suffrages avec des éructations en guise de programme : "Combien de Mohamed Merah dans les bateaux et les avions qui arrivent chaque jour en France ?" Au même moment, un Afghan, un Syrien, un Somalien, un Kurde, un du monde entier coule à pic au large des côtes européennes." (p.50/51)

Je vais m'arrêter là mais je pourrais continuer de longues lignes encore, tellement ce texte est bouleversant et dérangeant, il vient nous titiller sur nos points faibles, sur notre part d'humanité sans jamais nous juger, juste nous questionner. Un livre court (110 pages) et fort intelligent que je vous recommande très chaudement.
Lien : http://lyvres.fr
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