C'est la guerre, on ignore ce que demain nous réserve, alors je ne veux pas passer à côté de l'amour.
Non, mais vous avez vu! s'est insurgé Rémi la première fois, on paye des impôts au Reich pour que le ministère de la Guerre achète des bombes qu'ils nous lâcheront sur la tronche!
On devient égoïste. C'est moche.
C'est vraiment trop con d'être traité de communiste parce que j'écris à l'encre rouge.
Ah, on peut dire que la préfecture de l'Ardèche a été rapide! La loi pour le Service du Travail Obligatoire est parue le 13 février 1943. Le 26 février, les jeunes de 21 à 23 ans sont convoqués pour la visite médicale et le 16 mars, c'est le départ! Si c'est pas du zèle, ça!
Ben mon vieux...Si on m'avait dit qu'un jour je partirais loin aux frais du gouvernement.
Selon le règlement, nous sommes des travailleurs libres et pouvons aller et venir à notre guise. Pour aller, il n'y a pas eu de problèmes. Pour revenir, ça ne semble pas aussi simple.
- Groupez-vous sous les pancartes correspondant à votre profession!
Je lève la tête et je lis: "électriciens", "maçons", "menuisiers", "mécaniciens", "tourneurs"...
- Et ceux qui ne savent rien faire, ils se mettent où? ironise Michel.
- Ils rentrent chez eux! j'ajoute en esquissant un demi-tour, ma valise à la main.
- Tiens, en v'là une idée! On va dire qu'on sait rien faire. Ils seront bien embêtés d'avoir recruté des incapables.
Je dors jusqu'à midi, puis je mange quelques provisions de mon dernier colis. Je savoure le plaisir d'être seul. Depuis presque un an, pas une minute de solitude, pas une minute de vrai silence, pas une minute pour se retrouver... Je vis cette après-midi-là comme des vacances. Je m'applique à écouter le vent dehors, à ne rien faire, à rêvasser.
On râle encore, en sachant que ça ne sert à rien, mais ça soulage, ça nous donne l'impression de résister.