En Russie, au coeur d'une Cité de la Jeunesse désormais désertée, un homme continue d'entretenir l'installation radio du centre scientifique qu'elle abritait à l'insu de ses occupants, fermé suite à un incident nucléaire qui coûta la vie à tous les chercheurs alors présents. Une fois par semaine, il est chargé de relever le message codé qu'il y reçoit, qu'il téléphone ensuite en France, sur un numéro où l'on ne décroche plus depuis longtemps.
Le téléphone en bakélite destinataire de ces appels, et dont la sonnerie, avec le temps, a fini par provoquer une certaine forme de terreur, trône au sein du domaine provincial des de Lesmures. le maître des lieux, Herbert de Lesmures, l'avait réservé à son usage exclusif. Il n'y répondra plus : ce secrétaire d'état, confident du président de la République dans les années 80, s'est suicidé en 1994.
Le narrateur, jeune journaliste accessoirement amoureux de la fille du défunt, est chargé par cette dernière d'enquêter sur cette mort qu'elle juge suspecte.
Les facettes les plus intimes de l'homme d'état se dévoilant peu à peu, nous pénétrons les risques et les enjeux du programme nucléaire développé pendant la guerre froide -la France stagnant alors face à l'énergie et à l'avidité des deux puissances que représentent l'U.R.S.S. et les Etats-Unis-, dont il fut l'un des principaux acteurs.
Pour Herbert, pourtant programmé par son éducation et son milieu à exercer dans plus hautes sphères, donc à ne pas "s'accoquiner avec son être intérieur", et à travers lui, avec la réalité du monde, cette mission en vient à acquérir une dimension douloureusement existentielle. le moment où l'homme détient l'arme pouvant anéantir sa propre espèce sonne le glas des idéologies, et laisse la place à une réflexion métaphysique sur la survie. Les motivations politiques présidant à la possession de la bombe -chantage paradoxalement garant de la paix-, semblent dérisoires lorsqu'on prend profondément, intimement conscience d'avoir créé un monstre que l'on ne maîtrise pas vraiment, au nom duquel on inflige à l'environnement d'irréversibles dégâts, en même temps que l'on bafoue le droit des minorités avec lesquelles on partage la planète.
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Le rayon bleu" est un curieux roman, dont la structure un peu morcelée semble tendre vers un objectif unique, vers une seule pensée que l'auteur souhaite exprimer, celle de la dualité entre les impératifs politiques, les ambitions sociétales que s'impose l'homme, et sa capacité à les dépasser pour envisager le monde à l'aune d'une vision philosophique de la condition humaine, dont Herbert de Lesmures est ici le symbole.
Et cela fonctionne,
Slobodan Despot vous imprégnant presque mine de rien, par le truchement de son intrigue lorgnant vers plusieurs genres sans jamais s'y enfermer -roman d'espionnage, portrait d'un héros de l'ombre...-, d'un bouleversant plaidoyer pour un retour à une forme de sagesse humaniste...
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