Un drôle de livre qui impose une drôle de lecture. Sans trop savoir vraiment à quoi ça tient. Peut-être dans la rythmique particulière de la prose qui semble avoir
été écrite pour être "dite". Alors comme au moyen-âge quand les textes n'avaient pas encore de ponctuation très évoluée ni même d'espace pour séparer les mots, là, il faut lire à haute voix. Peut-être pas vraiment à haute voix mais s'imaginer l'auteur en train de nous le raconter, oui. Pour ma part, j'ai bien fonctionné sur cette méthode d'autant que les phrases de Desproges sont souvent telles que l'on est dans l'incapacité de savoir à l'avance comment elles vont s
e terminer - ce qui malheureusement est la cause d'une lecture rapide de certains textes mais pas celui-ci. Donc il faut y mettre le "ton" et rendre le souffle - une sorte de résurrection quand on y songe et c'est encore mieux si on arrive à se souvenir de l'accent du fantaisiste - alors que la lecture impose la reconstruction d'un univers, ou pour le moins d'images plus ou moins complexes, ici c'est la reconstruction d'une forme sonore presque chantée : un one man show perso avec le bonhomme, là, dans les projecteurs. Ceci dit, on aime ou on n'aime pas. Question de sensibilité personnelle et de capacité d'adaptation. Il faut toujours un petit moment pour... comment dire ? se faire au style de l'auteur - tous les auteurs pas celui-ci en particulier. Mais dans le cas de ce petit polar, si on passe cette étape, il est possible que l'on aille jusqu'à l'analyse du contenu qui pour l'instant, au moment où j'écris ces lignes, me fait surtout penser à un collage (plutôt réussi) d'articles tirés de France-Dimanche, Ici Paris et Détective réunis par quelques manchettes d
e Télérama (là, ça en dit plus long sur ma culture que sur le contenu réel du bouquin, tant pis !). A la longue - passée la centième page - la lecture devient un peu comme une épreuve de force. On saute continuellement de traits d'humour dignes du détachement et de la distance d'un parfait gentleman à un humour graveleux basé sur des lieux communs du moment - entendre : la période allant du début de la fin du règne de Giscard d'Estaing (1979-81) à la fin de celui de
François Mitterrand vue au travers du Bébête show (1994, quoique ... ici, le crapaud vert qui se prend pour dieu apparaît sous les traits d'un bonhomm
e ternasse équipé d'un parapluie échappé d'un des ennuyeux tableaux de Magritte) -, sans compter les incrustations de vocabulaire pédant et les références d'une cuistrerie qui ne font sourire que ceux qui ne les comprennent pas. Ce mouvement entre les quatre points cardinaux de l'humour selon saint Desproges finit par engager, pour essayer de suivre, un tressautement continuel de la comprenette qui lui donne l'impression de rouler à vélo sur les pavés du nord, épreuve pénible s'il en est pour tout fondement qui se respecte, insupportable plus d'une heure pour une cervelle moyenne - la mienne étant un peu en dessous (j'ai appris récemment avec
Edith Wharton que je ne savais pas lire et la majorité des babelionautes conviendra avec cette critique que je ne sais pas écrire non plus), je n'ai pas dépassé des périodes de lecture de plus 45 minutes. Pour résumer : c'est un peu comme les rillettes. Il y a du gras et du maigre. C'est tout mélangé en si petits morceaux qu'on pourrait en ajouter, ou même en enlever, sans voir la différence. Mais on a beau savoir que ce n'est pas bon pour la santé ni pour la ligne, on y revient quand même ...