Impression du paysage où vont se dérouler les faits de cette histoire : une côte des Landes, au pied de l'océan, un alignement de dunes sauvages. Un découpage incongru de cette dune laisse la vue libre, vers l'immensité des flots, à une villa, une verrue plantée là au mépris de la loi littorale. À l'horizon, un ciel menaçant, une perturbation en devenir. Implantation magnifiée par la très jolie plume de
Pascal Dessaint.
Dans ce paysage, deux voix vont s'élever dans une intrigue télescopant préservation de la nature, projet humain pour enfouir des déchets dangereux du monde de la consommation, douleur de la délocalisation et doux frémissement des ailes de libellules.
Boris, 36 ans, se présente comme un naturaliste très imparfait et se dit complice des saccages de la nature. Il travaille dans un cabinet de contre-expertise. Lors de projet visant une soi-disant amélioration pour tous, il doit contrer l'avis des experts qui s'opposent audit projet en raison de l'impact environnemental. Sa façon de vivre, ses motivations profondes, son besoin d'observer la nature pour s'apaiser, se heurtent à son gagne-pain et lui procurent quelques problèmes de conscience.
Ici, une création d'une zone d'enfouissement de déchets rencontre une complication de taille : la svelte cordulie à corps fin qui a eu la fâcheuse idée d'établir ses pénates en ce lieu. Et Pépé, un odonatologue fougueux et déterminé, au service de ces petites libellules, n'entend pas renoncer à leur préservation. Boris partagera des huîtres et un petit blanc avec ce fameux Pépé, qui compte bien le rallier à sa cause.
Lui fait écho la voix d'Alexis, un exploitant forestier, ami du propriétaire de la fameuse villa construite sur le littoral, et qui nous expose avec un admirable humour cynique son attitude vénale. Bon, de toute façon, les arbres repoussent alors où est le problème ? Pour lui, l'évolution de pollueur doit être assumée, encore mieux inévitable et pourquoi pas carrément nécessaire ! La faune sauvage est un obstacle majeur à son bizness, c'est insupportable !
Et parfois, l'envie de tuer un homme se fait sentir…
Au coeur et en périphérie de cette intrigue, un bon bol de nature nous est offert par un spécialiste, l'auteur, qui sait parfaitement transmettre tout son amour des insectes qui zinzinulent, des chevaliers gambettes, des bécasseaux ou des limicoles qui s'ébattent au bord d'un lac, des crapauds qu'il faut éviter d'écraser, des pics épeiches qui nichent dans le creux d'un arbre, de l'odeur résineuse des forêts de pins.
L'intrigue n'a rien de révolutionnaire mais son déroulé avec ses personnages aux convictions bien opposées, son avancée cadencée, ses petites notes d'humour et son enveloppe de sciences naturelles, est très convaincant et plaisant.
Les deux camps, préservation des espèces ou exploitation financière, sont équitablement et intelligemment exposés à travers ces deux voix que l'on écoute attentivement.
Un roman écologique captivant qui pointe du doigt certaines dérives humaines mais où la Nature fait également entendre ses multiples voix. Une très jolie découverte, une lecture difficile à lâcher et un émerveillement naturel très réussi !