Que resterait-il de Chevricourt dans un siècle ? le nom, sans doute ! le finage appartiendrait à un propriétaire résidant loin de là, dans une ville moderne, avec ses équipes d'ouvriers spécialisés. Chaque jour, des tracteurs exécuteraient les travaux nécessaires à grand renfort de mécanique et de moteurs. La nature ne serait plus qu'une immense usine dont les machines, minutieusement réglées, fonctionneraient jour et nuit. La fatigue humaine serait abolie ; mais les hommes ne seraient plus tels qu'on les avait connus. Ils accompliraient sans joie leur travail de robots. Ils ignoreraient la véritable grandeur faite de renoncements, de luttes incessantes contre l'adversité et la résistance au mal, comme ils ignoreraient le salut par l'amour, les élans du coeur et la pureté de l'acte gratuit.
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Devaux relate sans retenue le poids des ragots et commérages. Omniprésents, ils atteignent un paroxysme à la fin du livre.
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Pour lui, la chose était simple. Il faisait bon vivre ainsi malgré tous les ennuis et se laisser gagner par le sommeil pendant que la femme s’affaire autour de vous. Cela fait une petite musique qui vous berce tandis que la fumée bleue monte au plafond. Tout s’ordonne sous vos yeux ; chaque ustensile dit sa note avant de reprendre sa place pour la nuit ; la bougie grésille, son œil jaune clignote malicieusement, on entend une souris gratter dans un coin et tout s’apaise quand la pipe et la chandelle vous disent bonsoir. On est alors dans son lit, avec de vrais draps et la femme vient, vous prend dans ses bras, se fait tendre et vous délivre de vos soucis et de vos fatigues sans que vous y songiez.
On faisait remarquer qu'autrefois les forêts recouvraient toute la contrée et que, si l'homme les avait respectées, il n'aurait pu nourrir les siens. Plus le pays était peuplé, plus il avait fallu de champs. Depuis que le monde existait, il en était ainsi! Ne savait-on pas, en outre, que la Beauce et la Brie, à l'inverse de ce coin de la Champagne, sont riches de céréales bien que pauvres en forêts et que la mise en valeur des colonies repose sur un déboisement préalable?
Loin de favoriser la culture, les forêts devraient plutôt les contrarier, de même que la mauvaise herbe entrave la semence et que le couvert d'un arbre nuit aux légumes qui poussent à son pied.
De toute façon, il convenait d'agir prudemment et surtout d'acheter à bon compte les terres proposées. Cela n'irait pas sans difficultés, car si les propriétaires de champs en bordure des Breuillards envisageaient avec satisfaction la possibilité d'accroître leur patrimoine sans engager de grandes dépenses, les autres étaient jaloux et n'entendaient pas leur laisser conclure des marchés trop avantageux.
Page 93
Gustave s’accoutumait insensiblement à l’idée de la présence d’une femme aux Breuillards. Cette compagne existait : il lui avait déjà parlé ; elle répondait à ses désirs, mais répondait-il aux siens ?
Ses bras nus se refermeraient-ils amoureusement sur lui ? Serait-il pris un soir au piège d’un enlacement dont il pressentait déjà la bouleversante chaleur ?
Il n’y avait pas une femme comme elle au monde, il en avait la certitude, les battements de son cœur et l’afflux de son sa