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Critique de boudicca


Après un premier tome ayant rencontré un chaleureux accueil de la part du public et des critiques, suivi quelques mois plus tard seulement d'un second volume, la série « Le cycle de Syffe » avait marqué un petit temps d'arrêt (trois ans) jusqu'à la sortie récente du troisième opus : « Les chiens et les charrue ». [Rappelons que la série devrait comprendre sept tomes au total.] On y retrouve Syffe, notre héros, que l'on a connu petit orphelin débrouillard tentant tant bien que mal de survivre dans les rues de Corne-Brune, puis apprenti guerrier auprès d'un maître excentrique et exigeant, esclave, prisonnier d'un peuple montagnard isolé, mercenaire et enfin protégé d'une sorte de déesse végétale avec laquelle la rencontre s'acheva pour le moins brutalement à la fin de « La peste et la vigne ». [Attention SPOILERS : si vous n'avez pas encore eu l'occasion de lire les volumes précédents, je vous invite à passer directement au paragraphe suivant.] La disparition violente de celle qu'il désespérait de retrouver depuis son départ de Corne-Brune, de même que son expérience mystique perturbante dans la forêt des Ronces ont sérieusement sapé le moral du jeune homme qui erre depuis de village en village dans un état d'abattement total. Sa rencontre avec deux bateleurs contrebandiers va lui remettre peu à peu le pied à l'étrier, de même que ses retrouvailles avec un personnage brièvement croisé lors de ses précédentes pérégrinations, Aidan Corjoug, noble ayant désormais le titre de primat de Bourre et redevable à Syffe de sa survie. Bien décidé à exploiter ce lien avec le seigneur des lieux, notre héros va se voir assigner une nouvelle place dans la société bien au-delà de ses attentes puisque le voilà à la tête d'une petite troupe d'élite qu'Aidan entend employer dans les guerres à venir aussi bien pour des missions de diplomatie que d'assassinat ou d'espionnage. L'occasion pour Syffe de poser véritablement ses bagages pour la première fois depuis bien longtemps, et de peser dans les conflits politiques en cours, dont il avait jusqu'à présent avant tout été une victime.

On retrouve sans surprise tout ce qui avait fait le sel des précédents volumes, à commencer par ce protagoniste si attachant qui a parcouru un sacré bout de chemin depuis le début de ses aventures. Désormais bien plus sûr de lui et de ses capacités, mais aussi profondément marqué par toutes les épreuves et les pertes subies en chemin, Syffe continue de charmer le lecteur par son humilité et le recul qu'il porte sur son parcours. Les personnages secondaires sont pour leur part à nouveau très réussis, d'autant plus que le héros tisse avec eux des liens plus durables qu'avec ceux des tomes précédents, souvent de passage le temps d'une centaine de pages seulement. C'est d'ailleurs là le véritable changement (bienvenu) par rapport aux deux autres opus dans lesquels des circonstances dramatiques poussaient constamment le héros à quitter les différents endroits où il avait trouvé refuge, donnant ainsi l'impression au lecteur d'un exode sans fin et, parfois, sans véritable but perceptible. Ce troisième tome rompt un peu (mais pas complètement) avec cette routine puisque Syffe a cette fois un solide port d'attache, ce qui permet à l'auteur, outre de développer davantage sa galerie de personnages secondaires, de s'étendre également un peu plus longuement sur les enjeux des conflits auxquels le protagoniste a été mêlé sans jusqu'à présent véritablement se soucier des raisons politiques qui avaient mené à la guerre. L'univers se développe ainsi toujours un peu plus, et, quoique relevant du modèle désormais classique du medieval-fantastique, se révèle toujours aussi captivant à découvrir en raison de la complexité et de la richesse des différents territoires et cultures qui le composent. le fait de plonger ici un peu plus dans les intrigues d'ordre politique permet d'ailleurs de renforcer cette immersion, mais surtout de structurer davantage l'ensemble de la série qui, jusqu'à présent, semblait évoluer sans guère de direction précise en tête. On en sait désormais un peu plus sur la nature des menaces qui pèsent sur cette partie du monde, ce qui donne au roman un aspect un peu moins « brouillon » que les précédents.

Tout comme dans le premier tome (qui relevait essentiellement du récit initiatique), Patrick K. Dewdney renoue ici avec plusieurs poncifs propres à un certain type de fantasy épique plus classique : le héros qui va lui-même réunir une brochette de personnages plus atypiques les uns que les autres dont il va tenter de former un tout cohérent (j'ai beaucoup pensé ici à la série « Haut-Royaume » de Pierre Pevel, par exemple) ; ses balbutiements au sein d'une cour dont il méconnaît les usages et les rapports de force ; la réalisation d'une mission périlleuse avec un groupe d'individus restreints… Bien que peu originaux, ces épisodes n'en sont pas moins intéressants pour le lecteur qui prend beaucoup de plaisir à découvrir les hommes dont Syffe a choisi de s'entourer et qui possèdent tous une personnalité ou une particularité étonnante. le talent de conteur de l'auteur participe évidemment énormément à la qualité de l'immersion, la plume de Patrick K. Dewdney se révélant toujours aussi agréable et soignée. Parmi les bémols qui viennent parfois ralentir la lecture de ce troisième tome, on peut mentionner quelques longueurs, notamment au milieu du roman, qui mettent parfois à mal la patience du lecteur, avide de voir l'intrigue avancée et la petite troupe réunie par Syffe enfin être employée pour quelque chose. Autre reproche : la propension du héros à s'apitoyer sur son sort et à évoquer sans cesse les épreuves (certes terribles) précédemment endurées : si on comprend sans mal les difficultés du protagoniste de se relever après tant de coups durs, le fait qu'il ressasse longuement des événements dont le lecteur a lui-même déjà été témoin donne parfois une impression de lourdeur et de répétition qui pourra en agacer certains.

Troisième tome du « Cycle de Syffe », « Les chiens et la charrue » ne marque pas de rupture nette avec les volumes précédents, même si on commence ici à mieux cerner la direction vers laquelle l'auteur souhaite nous entraîner. Porté par un héros toujours aussi attachant, le roman réunit à nouveau toutes les qualités qui avaient fait le succès de « L'enfant de poussière » et ne manquera pas de ravir les lecteurs déjà séduits par l'univers et la plume de Patrick K. Dewdney.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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