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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une biographie romancée de Niki de Saint Phalle. Je ne connaissais pas grand chose de la vie et de l'oeuvre de l' artiste. Je ne m'attendais pas du tout à une telle histoire. L'auteure s'est glissée dans la peau de son personnage et nous raconte sa vie, ses amours, ses failles, son art, sa maladie. Comme un trencadis, des éclats de vie selon Niki ou des témoins plus ou moins proches. On commence par ce que Niki révélera très tard dans sa vie, le viol commis par son père. Scène détaillée, état de sidération. Sa vie de femme adulte, mère sans mode d'emploi, artiste pour ne pas sombrer dans la folie pure, est un combat, une guerre. C'est lors d'un séjour à l'hôpital psychiatrique, quand la dysphorie prend le dessus, que Niki apprend à mettre ses sentiments sur des toiles. Les couleurs sont en réalité des tristesses noires, le désespoir passe inaperçu ainsi. Les hommes de sa vie, malgré leur amour, sont infidèles, les amis le sont-ils ? La vision d'une vie en morceaux de violence latente. le combat d'une femme pour survivre, d'une artiste militante.

On est sur le fil de l'équilibre, à tout moment on peut basculer de la normalité à la folie. Une construction littéraire étonnante pour une vie bouleversante.

Selon l'auteur, l'onomastique est un endroit où tout est permis le nom Phalle viendrait de Phallus, Niki, de niquer…ou de Niké, la déesse de la victoire et Saint Phalle, longue lignée de chevaliers.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Acquisition septembre 2020- Lecture en plusieurs temps entre 2020 et 2021…

Un ouvrage déniché par hasard dans une nouvelle librairie que je découvrais par hasard

… Lecture aussi baroque et colorée que les oeuvres de Niki de Saint-Phalle, débutée aussitôt, et abandonnée aussi brusquement malencontreusement pour le trop de sollicitations de la rentrée littéraire ! Reprise cette lecture à plusieurs reprises, rien à voir avec la qualité de l'ouvrage, indéniable ; la romancière , Caroline Denys a un grand talent pour rendre très vivante la personnalité complexe et « torturée » de Niki de Saint-Phalle, ses excès, son « monstrueux » talent, venu des ténèbres, des traumatismes insupportables de l'enfance, un père séducteur, coureur de jupons, et pervers… les épisodes de dépression profonde, tentatives de suicide, et le dépassement de l'innommable vécu enfant par l'Art !

Niki est passionnée par Gaudi, le Facteur Cheval….Les artistes qui ont fait oeuvre à partir d'éclats, de brisures, de morceaux cassés, disparates…

« -Trencadis est le mot (catalan) qu'elle retient. Une mosaïque d'éclats de céramique et de verre, lui explique-t-on. de la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple. Si je comprends bien, le Trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l'unique pour épanouir le composite, broyer le figé pour enfanter le mouvement, briser le quotidien pour inventer le féérique, c'est cela ? Elle rit : ça devrait être presque un art de vie, non ? «

Je suis bien ennuyée par ce livre tout à fait étonnant et singulier, qui rend un hommage entier et lucide à cette artiste au cheminement torturé et habité jusqu'au bout par les « traumas « du passé…

Le style est étonnant, percutant, foisonnant… l'auteure fait parler elle-même Niki de Saint-Phalle, avec feu et conviction… et curieusement… l'impression des plus personnelles d'être « écrasée » par un « trop plein »…Un livre flamboyant, à lire à petites doses… car la narration est baroque, surabondante, colorée, déjantée, exponentielle, à l'image du personnage choisi !

Je reconnais simplement que je suis bien incapable de rendre un juste rendu de cette lecture, qui m'a pourtant captivée… Comme on dit très familièrement : « Trop c'est trop »… je ne sais pas par quoi commencer, et tout commentaire me paraît , par avance, totalement terne !!!

Par contre, j'ai souligné cette lecture de façon aussi « surabondante », ce détail, pour dire que cette lecture ne m'a pas laissée indifférente, bien au contraire, mais j'avoue être dans l'incapacité d'en rendre la juste qualité !
Voilà, mes « pauvres lecteurs » vous allez avoir droit à des extraits significatifs et révélateurs du style de l'auteure…

« -Si je devais la définir ? Eh bien je dirais en trois mots : drôle, compliquée, passionnée. Vive , tordue, déterminée. Avant Jean [Tinguely ], je l'ai aimée. Et avant lui, j'ai senti leur attirance inévitable même si, à première vue, on n'aurait pas misé deux sous sur la longévité du duo. Mais moi je les ai vus tels qu'ils étaient réellement, à la fois trop différents et trop semblables: deux morceaux d'assiette brisée qui n'attendaient que leur rencontre pour retrouver la forme originelle « (...) (p. 99)

« Je ne suis plus un être potentiellement dangereux, j'allume des arcs-en-ciel et le monde est ravi. mais le monde ne sait pas comment c'est long d'amadouer les monstres avec des pots de peinture, le temps que ça va me prendre pour les couvrir d'or et de verre... « Je montrerai tout. Mon coeur, mes émotions. Vert - rouge - jaune - bleu - violet. Haine - amour - rire - peur - tendresse. »
“Peut-être que les couleurs de Niki c'est du carnaval aussi ? Un costume qu'elle enfilerait, follement gai, terriblement menteur, pour prétendre qu'elle a envie de faire la fête, chanter et rigoler très fort, même si, en vrai et pareil que maman, elle préférait aller se fourrer au fond du lit en croquant des médicaments pour dormir aussi profond qu'une morte. Il secoue la tête. La maîtresse et les autres ne savent pas. Ne peuvent pas savoir. Que les couleurs sont en réalité des tristesses noires qui se griment en Arlequin pour s'assurer qu'on ne les reconnaisse pas : un désespoir qui voudrait passer incognito. »
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J'avoue je ne connaissais Niki de Saint Phalle que de nom et aussi l'image que j'avais de certaines de ses sculptures et en particulier celles représentant des femmes voluptueuses et colorées et curieusement avec souvent une tête très petite, disproportionnée mais je n'avais jamais cherché à en chercher l'origine. J'aimais la joie qui s'en dégageait, les couleurs qui éclataient mais je ne savais pas ce qu'elles cachaient finalement.

Quelle vie encore pour cette femme au physique fragile qui révéla sur le tard la blessure qu'elle portait en elle depuis l'enfance, qui pris des décisions en tant que mère que d'autres lui reprochèrent et qui vécut une histoire d'amour et de création avec son second mari, Jean Tinguely. Un destin fait de dépressions, d'internements parfois, de ruptures mais aussi une oeuvre foisonnante marquées par différentes étapes : Les Tirs (tirs à la carabine sur des poches de couleurs, la période blanche, les Nanas,  Golem (jeux toboggan) pour enfants et le Jardin des Tarots entre autres, dont on découvre toutes les significations intimes de son auteure.

Une vie faite d'ombres et des créations éclatantes, démesurées, colorées pour parler d'elle, de ses tourments mais aussi qui illustrent et s'expliquent après la lecture de cette biographie.

Caroline Dyns a choisi une construction toute particulière : en effet elle utilise différentes voix pour cerner la personnalité de cette  femme en se glissant à la fois dans son personnage mais surtout en imaginant les témoignages des personnes qui l'ont côtoyée : une boulangère de Soisy où elle habitait, la fille de sa femme de ménage, une oeuvre elle-même, une avorteuse, des visiteurs d'un musée, une journaliste etc..., reprenant la façon de s'exprimer de chacune, les plaçant dans le contexte, donnant un récit vivant et dynamique, sans temps mort mais peut-être un peu déroutant en début de lecture.

Ce roman biographique est également une évocation de ses choix de vie, en tant que femme, ses prises de position sur son rôle de mère, sur le féminisme et comme amoureuse, acceptant de son deuxième mari, Jean Tinguely, ses escapades et même une double vie, mais jamais soumise et formant avec lui un couple haut en couleurs et en voix.

Un parcours de vie étonnant pour une femme qui décida d'être celle qu'elle voulait être, sans tenir compte de ce que l'on attendait d'elle, qui assuma ses choix et décida d'exposer sa vie et ses visions dont tout le sens nous en est donné ici. Une vie de femme à la fois fragile, faite à la fois de silences mais aussi d'explosions et qui puisa sa force dans son travail de création qui lui permit d'exposer ses souffrances.

"(...) En réalité, si malgré cela, elle s'est sentie asphyxiée au point de le quitter pour ne pas en crever, ce n'est pas sa faute mais celle de sa mère, la faute de toutes les épouses dociles du monde, qui ont réussi à instiller dans son esprit cette croyance séculaire, millénaire, que les femmes ont le devoir d'exister petitement pour permettre à l'homme de pousser en hauteur (p156-157)"

Certes la construction du récit peut dérouter certain(e)s mais pour ma part je l'ai trouvée finalement astucieuse car elle permet d'imaginer la relation que chacun pouvait avoir avec elle, d'autres visions ou interprétations des événements, des époques et des ressentis de l'artiste, de son quotidien ou de ses prises de position.

J'aime particulièrement découvrir à travers un roman à la fois la biographie d'artistes mais aussi mieux comprendre leurs oeuvres car elles sont, souvent, le reflet de leurs existences mais encore faut-il en reconnaître les indices, les clés, d'en saisir certaines subtilités. Lire, découvrir et voyager c'est ce que je demande à mes lectures et celle-ci m'a fait découvrir une artiste mais aussi une femme étonnante.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Bon, on ne va pas se mentir, Niki de Saint Phalle, ça n'a jamais été ma tasse de thé. Disons plutôt que je ne savais rien d'elle à part ces statues monumentales et colorées qui me faisaient rire lorsque j'étais gamine. Alors autant dire que ce roman, ou biographie romancée, je l'ai ouvert avec curiosité mais aussi une certaine appréhension. Et en le refermant, je regrette de ne jamais avoir pris le temps de m'intéresser à cette artiste ni, surtout, à cette femme. Parce que ce que nous fait vivre Caroline Deyns va au-delà du récit, c'est une immersion, une véritable expérience qui utilise la forme pour servir son propos. Ce pourrait être gadget, cela se révèle tout simplement génial.

Donc, j'ai tout découvert de Niki de Saint Phalle et je ne regarderai plus jamais ses oeuvres de la même manière. J'aurais pu avoir ces infos sur Wikipedia ou autres... certes. Mais les faits sont des faits, bruts, alors que ce que nous offre l'auteure ce sont des sensations, une sorte de "vis ma vie", le chaos qui préside à la création, la colère, la folie, la passion, la souffrance. Et, au-dessus de tout : la liberté. Rarement un texte m'aura autant surprise, emportée, fait passer d'un sentiment à l'autre et donné envie de tourner les pages, curieuse de ce que j'allais trouver ensuite. Car c'est une sorte de mosaïque que nous avons entre les mains, où alternent les pages de récit, des témoignages, des citations, des déclarations de l'artiste, sous des formes toujours inattendues. le texte est fort, saisissant, à la fois direct et imagé. Plastique. Habité. Au fil des pages l'artiste et la femme ne font qu'une, c'est la faiblesse et aussi la force de Niki de Saint Phalle : franco-américaine, mariée (à Harry Mathews) et mère de famille, internée, fugueuse, artiste, amoureuse, créatrice, chalumeau à la main dans la journée et stilettos le soir, passionnée, souffrant le martyr dans son corps, cassant sans cesse son image, célébrée et moquée... Et libre. Ce que porte ce texte, ce sont tous ces fragments de Niki et cette urgence vitale à créer pour ne pas mourir.

"Toute oeuvre blessée déclenche par ricochet un blasphème, un rire provocateur et défiant. Où l'émotion reste première. Une gesticulation effrénée, spontanée, pour se débarrasser de l'emprise de son monde intérieur comme du monde dans lequel il lui est donné de vivre avec ses guerres à n'en plus finir, froide, nucléaire, du Vietnam ou d'Algérie : Niki reste une instinctive turbinant à l'émoi. Ce n'est qu'une fois l'oeuvre terminée que vient la théorisation, l'intellectualisation du geste".

Il y a bien sûr la blessure initiale, l'enfance volée, l'horreur qu'elle n'aura révélée que tardivement et qui sous-tend son élan créatif. C'est aussi la réussite de ce livre que d'en faire un manifeste féministe autant qu'artistique et de parvenir à faire percevoir à quel point les deux sont inextricables pour approcher le travail de Niki. Que dis-je percevoir ? C'est vivre dont il s'agit. Oui, cette lecture est une expérience inédite et j'espère un jour avoir l'occasion d'écouter Caroline Deyns parler de son travail, de la façon dont elle a conçu ce texte et est parvenue à éviter tous les écueils.

Bien plus qu'une biographie, romancée ou pas, Caroline Deyns a conçu une oeuvre d'art qui s'efface derrière son modèle pour mieux le sublimer ; et jamais elle n'en oublie d'être écrivain. Chapeau l'artiste !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Après cette lecture, je ne regarderai plus jamais les nanas de Niki de Saint Phalle avec le même regard.
Trencadis n'est pas à proprement parler une biographie ; ce sont des tranches de vie de l'artiste vues par des témoignages, des citations, des pensées, des extraits d'articles…
Que cette vie fut douloureuse, traumatisante, semée de tentatives de suicides, de dépressions, d'abandons.
La construction de ce roman est diablement originale.
Les souffrances, les blessures sont ainsi évoquées bien mieux que par l'exposition des faits bruts ou la description des évènements.
Malgré tout Niki de Saint Phalle s'est battue, est restée une femme libre et Caroline Deyns dans ce roman cru mais tout en pudeur lui rend un formidable hommage.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle
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Dans cette biographie romancée et artistique, Caroline Deyns nous laisse entrer dans l'univers atypique, farfelu et chaotique de Niki de Saint Phalle. de son enfance noire et dorée des années 1930 à son décès en 2002 en passant par ses deux mariages, ses deux enfants abandonnés et ses multiples phases artistiques qui ont fait sa notoriété. Caroline Deyns réussit à mettre en perspective la vie d'une artiste et d'une femme intrigante, en mélangeant les époques, les genres, les styles...

Il s'agit bien d'un livre artistique, même si seuls les mots et les lettres sont utilisées pour exprimer l'art de vie et l'art pictural de Niki de Saint Phalle. C'est une lecture exigeante, qui mêle plusieurs époques et genres (prose et poésie, biographie, faux entretiens, citations, scènes cinématographiques ou théâtrales, échanges épistolaires...) avec une rare aisance ! Différents styles sont adoptés pour s'adapter aux interlocuteurs et interlocutrices, comme aux modes des époques traversées. Tantôt à la troisième personne, tantôt à la première, sans vraiment de transition, avec une maîtrise déroutante !

L'autrice décrit, explicite, décortique la vie de l'artiste, ses processus de création, parallèlement à sa vie de femme et ses défauts d'abandons. Les thèmes abordés sont très variés, éparses sans être brouillons : création, parentalité, féminité et féminisme, explorations des possibilités ouvertes au XXe siècle... Malgré le caractère "romancé" de l'ouvrage, Caroline Deyns ajoute aux analyses artistiques une part de psychologie et de psychanalyse qui m'a aussi beaucoup plu !
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Caroline Deyns, dans ce roman a choisi de privilégier des moments forts de la vie de Niki de saint Phalle. Une vie où le corps féminin est extrêmement présent  car "Le fait est qu'elle possède un corps à géométrie variable, extraordinairement réactif au milieu qui l'entoure, des tripes modulables et rétractiles qu'un espace charpenté au cordeau parvient à compacter au format cube à angles aigus."
Un corps d'abord sujet , objet des violences de la mère (coups de brosse) puis abus sexuels du père, un corps qui lui permettra de devenir modèle de mode, puis sujet quand la rebelle deviendra une artiste s'emparant de toutes sortes de formes artistiques.

Une femme qui vivra plusieurs passions amoureuses, dans une grande liberté bien en avance sur son époque, qui extraira de son "magma d'émotions intimes", des oeuvres toujours accessibles comme le souligne  Carolyne Deyns. Et l'écriture de devenir un flot charriant les émotions de Niki, mais aussi une peinture sans affèteries du corps vieillissant de l'artiste, imaginant le dialogue par delà la mort avec Jean Tinguely , qui fut à la fois son compagnon dans la vie et dans l'art.
Un roman plein d'énergie qui rend compte avec talent d'une existence riche et multiple.
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Trencadis : Mosaïque à base d'éclats de céramique, typique de l'architecture moderniste catalane.
Peut-être faut-il commencer par le titre de ce livre pour comprendre Niki de Saint Phalle.
Peut-être faut-il commercer par là pour comprendre la narration de cette biographie atypique.

Fillette espiègle, jeune femme suicidaire, mannequin, épouse dépressive, mère de famille, artiste accomplie, « mauvaise mère », femme amoureuse, féministe, combattante…
Niki de Saint Phalle était tout cela et bien plus. Une femme faite de morceaux, d'éclats, comme ces mosaïques qu'elle découvre lors d'un séjour espagnol.
Elle se construit en opposition à ses parents, à sa mère trop conformiste, à son père qui l'a violée quand elle avait 11 ans, à son milieu, à son éducation, à son époque, à sa condition de femme.
Elle aborde l'art en autodidacte et devient un phénomène artistique quand elle se fait remarquer avec ces « Tirs ». A quelques années de mai 68, dans une société au bord de l'implosion, elle tire sur les inhibitions, l'ordre, l'autorité, le paternalisme, la morale, les travaux ménagers. Pour elle l'art est un jeu. Elle a pour héros le Douanier Rousseau, le Facteur Cheval, Gaudi.
Viendront bien plus tard ses sculptures monumentales, les Nanas, le Golem, le Jardin des Tarots….

Caroline Deyns parvient à rendre compte de toutes les facettes de cette femme incroyable en choisissant de ne pas écrire une classique bio. Certes elle respecte la chronologie mais elle le fait par petits bouts, par courts chapitres. le narrateur n'est jamais le même : Niki elle-même, la fille de sa femme de ménage, son psychiatre, une journaliste, une avorteuse. La forme aussi est sans cesse mouvante : des entretiens, des poèmes, des citations…
Et tout cela se tient. Tout cela fait que l'on découvre Niki de Saint Phalle par strate, à travers un kaléidoscope. Quand bien même l'auteur laisse des blancs le lecteur arrive à les remplir sans difficulté, on ne perd pas le fil. C'est un sacré pari mais ça marche merveilleusement bien. Sans doute parce que cette audace littéraire est le plus grand hommage que l'on peut rendre à une femme aussi libre que Niki.
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" J'ai eu la chance de rencontrer l'art parce que j'avais, sur un plan psychique, tout ce qu'il fallait pour devenir une terroriste."
Que j'aime cette femme, que j'aime ce roman. Biographie romancée, pour être plus précis.
De Niki de Saint Phalle, on pense vite avoir fait le tour, entre ses Nanas callipyges explosant de couleurs et la fontaine Stravinsky à Beaubourg (avec son second mari Jean Tinguely).

Avec Trencadis, on apprend en quoi ces couleurs sont vitales pour la femme, et ce qu'elles cachent de noirceur.
Niki est d'une beauté aristocratique, bien née, bien mariée. Mais à l'intérieur bout une violence difficile à réprimer, teintée de frustration, une brutalité issue de l'innommable subi il y a des années. Alors, l'artiste va tout envoyer valser.

Elle connaît le prix d'être une femme libre, mais l'auteur souligne ce que ce besoin a de radical et de volontariste. Niki déserte son destin d' épouse et mère afin d'éviter la suffocation. Ce mal physique la suivra toute sa vie, ce manque d'air, cette impossibilité à respirer intensément, amplifiée par les produits nocifs utilisés pour ses sculptures monumentales.

Le livre a une narration aussi éclatée, libre, déstabilisante et galvanisante que l'oeuvre de l'artiste, les pages sont comme les toiles immaculées sur lesquelles Niki tirait au fusil pour en extraire le coeur sanglant, eclaboussant douloureusement le blanc initial. Les voix et les époques se chevauchent, celle de l'artiste mais aussi celles, imaginées, des anonymes l ayant croisée, forain de stand de carabine, faiseuse d'anges, boulangère de village bien-pensante mais aussi spectateurs, aujourd'hui, de son oeuvre, oscillant entre jubilation, inquietude et fascination.
Le style de l'auteur est d'une justesse et d'une profondeur incroyables, poétique et explosif comme les oeuvres de l'artiste. Malgré le dispositif structuré et démonstratif, une liberté folle infuse ce récit. L'écriture porte la force, la douleur et la férocité de cette femme, cette impossibilité à rester tranquille, en repos, et à être/faire ce qu on attend d'elle.

La grande force de l'oeuvre de Niki de Saint Phalle est d'avoir su rester accessible, accueillante, ouverte au monde jusque dans ses dessins créés vers la fin de sa vie (après le monumental Jardin des Tarots toscan), detaillant de manière faussement naïve les personnalités toxiques de ses parents. Une oeuvre qui resonne encore, et à quel point, aujourdhui (voir ses dessins des années 80 sur les anti-IVG et la prévention du sida expliquée aux ados).
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Une lecture dense et poignante d'un texte choral donnant à suggérer plus qu'à voir la vie de Niki de Saint Phalle, artiste sculpteur.
Issue d'une famille aisée américaine, violentée dans sa jeunesse, mannequin, artiste, mère absente, amoureuse transie de Jean Tinguely, l'artiste renouvelle l'approche de l'art par ses actions comme les Tirs (elle tire à la carabine dans des peintures boursouflées de peinture pour les faire "saigner"), ses films violents et érotiques, ses nanas géantes colorées et provocantes.
Le texte est construit en bribes, reprenant le principe des mosaïques de miroir du Jardin des tarots que l'artiste a réalisé en Toscane. On entend les voix d'infirmier, de psychiatre, de la fille de la femme de ménage, de différents témoins de sa vie intime entre névrose, création, maladie et élan de vie. Un portrait qui entre en résonance avec une époque fragile, de bouleversements sociaux, où les femmes commencent à compter dans la société au delà du statut de mère et épouse.
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